Rarement un directeur de cabinet de président de la République a publiquement pris position sur un sujet technique et plus largement sur les politiques publiques. Maixent Accrombessi a publié une tribune libre chez nos confrères de Jeune Afrique, Franck Ndjimbi lui a répondu à travers le blog Gabon énervant.  

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Bille de bois débitée. © terea.net

 

Au cours du septennat finissant, Ali Bongo a lancé moult projets, programmes et stratégies. Mais, son directeur de cabinet semble n’avoir retenu qu’un seul : le Plan stratégique Gabon émergent (PSGE). Le 29 avril dernier, sur le site de nos confrères de Jeune Afrique, il a publié une tribune libre intitulée : «Vers une croissance verte et inclusive des économies africaines». Quelques jours plus tard, l’ancien directeur de la valorisation et de la communication à l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN) lui répondait à travers une tribune libre sur le blog Gabon énervant, l’accusant de baigner dans la «tambouille idéologique, conceptuelle et programmatique» (lire «Tribune libre: réponse de Franck Ndjimbi à Maixent Accrombessi»). Tout en se demandant si un directeur de cabinet est fondé à s’exprimer sur la place publique, Franck Ndjimbi recentre le débat sur le concept générique économie verte. Visiblement, son propos vise un objectif : démontrer que le Gabon vert est demeuré une incantation et que sa mise en œuvre n’a jamais été pensée. Sa conclusion est une invite à peine voilée au débat nourri et ouvert.

De par son pouvoir supposé, Maixent Accrombessi intrigue. Les élites s’interrogent sur ses compétences réelles. Dubitatives, elles aimeraient en avoir le cœur net. «Maixent Accrombessi s’est avancé… Je lui ai répondu… A chacun de se faire son idée», annonce Franck Ndjimbi sur le forum de discussion Info Kinguelé.  Sans forcément entrer dans les détails, il laisse entendre que le directeur de cabinet du président de la République a une idée approximative des notions et données : ressources naturelles, bois, biodiversité, énergie propre, parcs nationaux, compensations écologiques, développement de la filière bois, superficie du domaine forestier national…  Au-delà, il l’accuse d’user d’artifices pour crédibiliser son propos : l’effet petits ruisseaux et l’argument d’autorité. Il en est si convaincu qu’il se dit disposé à poursuivre l’échange et approfondir le débat.

© Gabonreview/ Shutterstock

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Décision inopportune

A première vue, le propos de Maixent Accrombessi semble davantage destiné à la consommation extérieure qu’intérieure. Le simple fait qu’il ait choisi Jeune Afrique et pas L’Union pour sa tribune libre atteste de ce qu’elle vise à lui donner une légitimité technocratique à l’international, voire à susciter des interrogations quant aux fondements de la controverse dont il est le sujet. S’il fonde ses certitudes sur le seul potentiel naturel, Franck Ndjimbi, lui, base son argumentation sur les aspects juridiques et institutionnels. Quand Maixent Accrombessi affirme que «l’Afrique regorge de ressources naturelles, qu’elles soient minérales, animales ou végétales», son vis-à-vis acquiesce, appelant tout de suite à de nécessaires «réformes structurelles», avant de dénoncer des «politiques publiques (qui) ne reposent pas sur des choix clairs et cohérents». Lorsqu’il dit que «les matières premières extraites des sous-sols africains sont intégrées en aval des chaînes de production mondialisées par des acteurs multinationaux, qui les exportent brutes vers d’autres continents pour y être transformées», son contradicteur met à l’index des «cadres juridiques (qui) ne sont pas des instruments de mise en œuvre des politiques», et des «mécanismes institutionnels (qui) ne répondent pas à des exigences reconnues». Alors qu’il proclame que «c’est au cours de ces processus de transformation que se crée à l’extérieur une valeur qui échappe aux producteurs africains», son interlocuteur déplore que «les ressources humaines compétentes ne (soient) pas disponibles en nombre suffisant» et que «les accords internationaux ne (fassent) (…) pas (systématiquement) l’objet de transcription en droit national».

Entre name dropping et tentatives de noyer les imprécisions, tout le texte du directeur de cabinet du président de la République est ainsi articulé. S’il se hasarde à évoquer la très hermétique et confidentielle loi d’orientation sur le développement durable, il s’empresse aussitôt de citer le Fonds monétaire international (FMI) pour saluer ensuite «la pertinence des choix économiques du Gabon». Hyperbolique, il érige le Gabon au rang de modèle, «qui doit servir d’inspiration aux pays africains». Mais l’ancien cadre dirigeant de l’ANPN n’est pas de cet avis. Il conseille, pour sa part, de «mettre en perspective les leçons apprises des expériences d’autres pays». Franck Ndjimbi est convaincu que le Gabon n’est pas sur la voie de l’économie verte. Il soutient que la mutation y relative devrait privilégier les synergies et s’inspirer des bonnes pratiques ayant fait leurs preuves sous d’autres cieux.

Sur la mesure d’interdiction d’exporter le bois en grumes, deux visions, deux perceptions de la réalité diamétralement opposées s’affrontent. Maixent Accrombessi la soutient naturellement, alléguant qu’elle va permettre de réduire la «surface forestière exploitée de 13 à 11 millions d’hectares» sans évoquer les opérations de déforestation massives et l’octroi de vastes étendues de terres à des groupes agro-industriels. Il parle de «faire plus avec moins tout en protégeant notre capital naturel pour les générations futures». Franck Ndjimbi, lui, évoque des «doutes et (des) interrogations».  Selon lui, cette mesure fut prise en toute «illégalité», sans tenir compte de l’esprit et de la lettre de la loi 16/01 portant Code forestier. S’étonnant qu’elle n’ait pas «été insérée dans les lois de finances successives» et qu’elle n’ait pas donné lieu à une «révision de la loi sectorielle», il conclut à un «impact social désastreux» et des résultats en deçà des effets escomptés. Dans la foulée, il rappelle qu’en 2010, la production nationale de grumes était estimée à 3 millions de m3 par an alors que les capacités de transformation n’étaient que de 1,6 million m3. Pour lui, l’exploitant forestier et l’industriel du bois ne font pas le même métier, l’abondance de la ressource ne suffit pas pour en garantir la rentabilité et, la diversification des activités d’une entreprise requiert nécessairement de nouvelles compétences. D’où sa sentence sans appel : «Cette décision était inopportune», proclame-t-il.

Postures opposées, positions irréconciliables

Maixent Accrombessi parle aussi d’énergie. Il évoque les projets gouvernementaux et se projette à la fin de l’année en cours. Comme il faut s’y attendre, Franck Ndjimbi n’est pas de son avis. Il rappelle qu’énergie propre et énergie renouvelable ne sont pas des synonymes parfaits. Au passage, il plaide pour «des investissements massifs dans les énergies renouvelables (éolien, solaire, hydraulique, biomasse, géothermie)». Il exhorte à la redéfinition des normes de construction et une meilleure gestion des déchets en insistant, respectivement, sur la «faible consommation d’énergie» ainsi que le «traitement» et la «réutilisation» des ordures.

Tout au long de leurs textes, le directeur de cabinet du président de la République et son contradicteur ont des postures et positions différentes, irrémédiablement opposées et définitivement irréconciliables. Quand l’un défend une vision sectorielle, idéologique, politique et technocratique, l’autre plaide pour un regard panoramique, stratégique, technique et scientifique. Maixent Accrombessi cite le Plan stratégique Gabon émergent, Franck Ndjimbi lui demande, entre les lignes, de situer l’apport de la Stratégie d’investissement humain du Gabon  (SIGH), du Pacte social, du Pacte de responsabilité pour l’emploi et du Programme pour l’égalité des chances au développement de l’économie verte. Quand il revient sur la loi d’orientation du développement durable et la Cop21, son contradicteur exige des textes juridiques «qui créent des droits», notamment au bénéfice des «populations rurales». Du point de vue de l’ancien adjoint au secrétaire exécutif de l’ANPN, depuis 2009, les initiatives en matière de gestion durable des ressources naturelles renouvelables ont systématiquement été exclusives et prohibitives. Elles ont, selon lui, rarement été inclusives et constructives. Évidemment,  Maixent Accrombessi n’est pas de cet avis. Catégorique, il vante «l’intégration totale des dimensions économique, sociale et environnementale dans la mise en œuvre des politiques publiques au Gabon», assénant, quelque peu incantatoire : «Les progrès socio-économiques enregistrés par le Gabon au cours de ces cinq dernières années plaident définitivement en faveur d’une croissance verte et durable». On devine aisément que Franck Ndjimbi ne partage pas cette lecture. La suite ? Aux protagonistes d’en décider…

 

 
GR
 

7 Commentaires

  1. Victor Mabe dit :

    Mon frère Franck Ndjimi, je te reconnais comme un des meilleurs experts que nous avons dans les domaines de développement durable. J ai apprécié tes travaux sur l environnement sur le foncier. Mais je ne voudrais pas que l’appartenance à un camp politique envahisse ton objectivité et ton expertise légendaires. Certes certains points de la tribune du DC du President peuvent être discutables, mais nous ne pouvons méconnaître l importance de la remontée dans la chaîne des valeurs sur le croissance inclusive. Ayant beaucoup travaillé sur le secteur forestier tu sais très bien que les opérateurs de ce secteur traînaient énormément par rapport au respect des dispositions prévues sur l aménagement et l industrialisation et qu ils N auraient jamais respecté la date butoir prévue par le nouveau code forestier. En ce qui concerne la croissance verte on ne peut méconnaître les efforts faits par le Gouvernement et la détermination du Chef de l État. Le Gabon A d ailleurs été reconnu par la France comme un des pays ayant joué un rôle majeur dans la réussite de la Cop 21. Ce sont autant des points qu on ne peut méconnaître mon frère. Beaucoup reste à faire certes et des personnes comme toi peuvent avoir un rôle important dans ce processus.
    Fraternellement mon frère

  2. mone fame dit :

    C’est effectivement pas commun, pour ne pas dire que c’est inédit, qu’un commis de cabinet de chef d’Etat, en l’occurrence un directeur de cabinet, s’illustre publiquement dans tous les pans de la vie publique comme le fait depuis 2009, sans complexe, akro’mbessi consacré le « nkany » par celle qui aura accouché par césarienne à Brazzaville, même s’il est vrai que la légitimité du déclaré être né en 1959 dans l’espace AEF auprès de qui officie le « nkany » demeure fortement contestée.
    En tous les cas,l’intrusion de l’opportuniste « nkany » dans l’arène socio-économioque et politique nationale traduit de façon éclatante les insuffisances et la faiblesse de l' »usurpateur » des fonctions de président de la République.
    On lit dans les sorties médiatiques du nkany l’absence de vision de l’usurpateur. Cette déficience se ressent notamment par la propension actuelle à l’organisation de campagnes médicales à l’intérieur du pays. Volet pour lequel Akro’mbessi est parfois cornaqué par un seydou khane, qui tient lieu d’interfaces dans le processus de blanchiment de fonds publics placés dans des paradis fiscaux.
    A tout le moins, les populations de l »intérieur du pays sont réduites à la mendicité face au besoin de soins qui relève pourtant et simplement du droit en contrepartie des impôts récoltés par les pouvoirs publics. Incidemment, elles sont tout aussi mécaniquement conduites à attendre la programmation de nouvelles campagnes tant les établissements sanitaires publics provinciaux tout autant que ceux de la capitale Libreville sont généralement dépourvus de médicaments pour un suivi régulier des affectations qui les étreignent. Dans un pays normal,ceci s’inscrirait dans le cadre d’une politique de santé publique à l’égard des populations, bien entendu le « nkany » n’en a cure en ce qu’il ne dispose d’aucune capacité, d’aucune compétence d’en concevoir : d’où les copier-coller sur l’économie tirés de quelques apports d’un autre « imposteur » niché dans une agence dédiée au parcs.
    Cette autre opportuniste surfe sur l’intérêt grandissant manifesté par certaines bourgeoisies britanniques – démarchées par ali pour y être reconnu- lesquelles, pour être dans l’ère du temps, s’engagent dans le soutien sur le tard en faveur de la préservation et la protection de la nature; quand bien même, en vérité, ces familles ont plusieurs générations durant bâti leurs colossales fortunes en spoliant les richesses des colonies au prix du sang versé par des sujets autochtones des régions colonisées…
    C’est par reconnaissance à l’injustice du fait des exactions et spoliations qu’elles manifestent de façon condescendante leur sympathie et magnanimité à la cause de l’environnement.
    Akro’mbessi repu des fonds publics affiche la même condescendance appuyée par un mépris inspiré du haut de sa gloire, sans péril et sans pareil, par ali l’usurpateur.

  3. Charles Auleley dit :

    Merci Franck pour cette belle et bien étayée réplique à l’apprenti croyant devenu maître en tout.
    Tu gagnerais beaucoup à avoir une rubrique mensuelle qui se focaliserait sur divers thèmes connus et/ou méconnus du grand public dans ce domaine. Le Gabon dispose d’une richesse verte qui mérite d’être préservée et valorisées par tous.
    Dénoncer des interprétations, déclarations farfelues ou raccourcis plutôt erronés, voire dangereux ou simplistes, parus dans les colonnes de la monnayable et toujours généreuse avec le plus offrant, Jeune Afrique, est un devoir. Pas de place à l’imposture!

    Tout mon soutien et, je t’en prie, nourris-nous d’autres contributions de cette facture. La peur tue la créativité, le talent, l’innovation, etc. N’aie pas peur sinon tout le monde perdra. Continue. Bien à toi. Merci.

  4. Gab241 dit :

    Merci grand Franck, ce n’est pas un démarcheur qui viendra parler d’un domaine qu’il ne connait pas, de plus d’un pays qui n’est pas le sien. Non mais de qui se moque t-on?

    Merci grand.

  5. CANTON LEYOU dit :

    Un lapsus: lire plutôt M. Franck NDJIMBI et non Franck NDIMBI. Toutes mes excuses à l’intéressé.
    Patriotiquement.

  6. CANTON LEYOU dit :

    A l’analyse politique et amateuriale d’un agent immobilier, une réponse professionnelle, intellectuelle et une analyse pertinente est opposable et servie sur un plateau de compétences, par un individu ayant franchi toutes les étapes de la formation afin, de devenir un compétent en la matière. Il n’y a pas de parachutage ou encore une promotion émergente. Vous faites honneur et vous nous rendez de plus en plus fier d’être GABONAIS M.Franck NDJIMBI.
    Patriotiquement.

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