Des cliniques spécialisées dans les pays occidentaux, de la contrefaçon et un trafic international monstre autour de l’iboga échappent totalement aux autorités et au fisc gabonais. Ce qui entraine une inflation ahurissante de son prix et met en danger les réserves d’iboga au Gabon, au détriment des Bwitistes et tradipraticiens, gardiens de la culture et des pratiques ancestrales autour de cette plante qui pourrait disparaitre du domaine public d’ici 2018 si rien fait. La détresse d’un pan important du «Gabon vert».

Capture d’écran de Google Images concernant le mot-clé «Iboga». © Google.com

Capture d’écran de Google Images concernant le mot-clé «Iboga». © Google.com

 

Le 6 juillet 2000, le conseil des ministres déclarait l’iboga «Patrimoine Culturel National», «signal d’une révolution imminente, celle qui permettre au Gabon de renouer avec sa véritable identité et de résoudre de grands problèmes philosophiques». Qu’en est-il des mesures prises suite à cette déclaration sous l’impulsion du défunt président El Hadj Omar Bongo Ondimba ?

Gélule d’Iboga, vendue dans un clinique du Costa Rica qui propose à 2,75 millions CFA une cure de 14 jours. © newlifeiboga.com

Gélule d’Iboga, vendue dans une clinique du Costa Rica qui propose à 2,75 millions CFA une cure de 14 jours. © newlifeiboga.com

Yann Guignon, un français de 40 ans, consultant international en médiation interculturelle et développement durable (cabinet Traits d’Union), spécialiste de la recherche sur l’iboga et initié au Bwiti depuis maintenant 10 ans, nous dresse un bilan inquiétant relativement à la protection de cette «ressource stratégique» et sacrée pour encore bon nombre de citoyens gabonais.

L’iboga est connu et étudié par les chercheurs occidentaux depuis maintenant près de deux siècles. Mais c’est en 1962, qu’un chercheur américain, Howard Lotsof, découvre les capacités anti-addictives aux drogues dures de l’iboga et en particulier de son principal alcaloïde : l’ibogaïne.

Suite à cette découverte concernant plus de 160 millions de personnes dépendantes aux opiacés (cocaïne, héroïne, crack…) dans le monde, des recherches seront entreprises dans plusieurs pays, principalement aux États-Unis, donnant lieu à près d’une douzaine de dépôts de brevet sur l’utilisation de l’ibogaïne et des autres principes actifs contenus dans la racine d’iboga à différentes fins thérapeutiques au delà de la simple perspectives de rupture de la dépendance aux drogues. Ainsi seront étudiées les possibilités d’utiliser les molécules extraites de ce que les traditionalistes gabonais appellent «le bois sacré» contre la maladie d’Alzheimer, les maladies neurodégénératives dans l’ensemble notamment post AVC, l’hépatite C, le diabète, la dépression, l’immunodéficience….

Bien que le peuple gabonais soit également concerné dans son ensemble par les maladies précitées, et encore plus des possibilités offertes par son patrimoine culturel ancestral et des ressources phytothérapeutiques à portée de leur main, ces recherches effectuées à l’étranger ne leur auront aucunement profité. Bien au contraire…

Avec l’avènement des nouvelles technologies d’information et de communication, notamment Internet, l’hyper médiatisation de l’iboga outre-Atlantique donnera naissance à une vague largement sous estimée de candidats à la consommation de cette plante endémique à la forêt équatoriale d’Afrique centrale.

A ce jour plus d’une centaine de centres à travers le monde dispensent des cures de désintoxication aux drogues et/ou de «développement personnel/spirituel» portant gravement atteinte aux réserves d’iboga disponibles sur le territoire gabonais et donc, par conséquent, à la bonne pratique des traditions gabonaises développées autour de cet arbuste utilisé par celles-ci depuis des millénaires.

L’iboga est aujourd’hui vendu sur internet sous diverses formes, en écorces râpées, en gélules, en homéopathie, en extractions chimiques ou en solution buvables. Cela a donné naissance à un trafic sans précédents, au mépris total des lois en vigueur portant protection de cette précieuse ressource.

Suite à un «État des Lieux de l’iboga au Gabon & à l’international» réalisé par Yann Guignon en 2012, sous la bienveillance du Professeur Jean Noël Gassita, l’iboga aurait connu une augmentation de 1000% de son prix sur le territoire gabonais, en 15 ans de surexploitation par des trafiquants en tout genre en lien avec des distributeurs internationaux principalement basés au Cameroun et en Afrique du Sud !

Yann Guignon en est arrivé à l’alarmante conclusion que l’iboga pourrait disparaitre du domaine public d’ici 2018 si rien n’était entrepris urgemment pour le protéger et le replanter.

Une enquête approfondie de ce dernier a permis de constater que, l’iboga se raréfiant à une vitesse stupéfiante dans ce que furent les grandes réserves sauvages et publiques sur l’ensemble du territoire gabonais, les braconniers, parfois également associés au trafic d’ivoire, ne se gênent plus pour pénétrer dans les parcs nationaux pour y arracher ce qui pourrait être qualifié d’«or vert».

De ce fait, les tradipraticiens gabonais se trouvent dorénavant de plus en plus confrontés à la raréfaction du précieux sacrement, à une augmentation insoutenable de son prix sur les marchés et pire encore, à sa falsification entrainant de plus en plus d’accidents de santé au cours d’initiations au Bwiti notamment.

Par ailleurs, les cueilleurs/revendeurs traditionnels se retrouveraient «harcelés par des hommes en uniforme» sur la route reliant la province de la Nyanga, où se trouvent les plus grosses réserves d’iboga sauvage, à Libreville où de nombreux temples sont dépendants des livraisons de l’indispensable racine.
Ces cueilleurs sont de plus en plus nombreux à se plaindre de la confiscation pure et simple de leurs cueillettes lors des barrages de contrôle ponctuant leur voyage vers la capitale. Au mépris total de leurs droits coutumiers inconnus de la plupart, les infortunés fournisseurs traditionnels sont assimilés aux trafiquants internationaux et traités comme des criminels, parfois même emprisonnés arbitrairement.

Pendant ce temps, les sites internet de vente d’iboga «origine Gabon» fleurissent en toute impunité sans la moindre action juridique des institutions gabonaises concernées. On retrouve ainsi des marchés en ligne allant jusqu’à proposer l’écorce de la racine d’iboga en provenance de Mayumba à la tonne !

Bien que la direction de la communication de la Présidence Gabonaise ai commandé une émission en août 2014, «L’iboga – Ça s’Explique», pour laquelle il a été demandé à Yann Guignon de mettre gracieusement à disposition le fruit de ses 11 années de recherches, les autorités concernées restent à ce jour sans réponse à cette problématique soulevée par la disparition galopante de l’iboga et des conséquences culturelles, écologiques, sanitaires et économiques qui en découlent.

Conscient que le Gabon traverse une période politico-économique houleuse, Yann Guignon souhaite attirer une attention particulière au sujet de cette situation qui pourrait bien priver le Gabon d’une ressource enviée par le monde entier qui, bien gérée, pourrait être source d’immenses revenus en parfaite adéquation avec le sacrosaint programme annoncé de «Gabon Vert».

A l’heure où de faramineux et non moins contestés programmes agricoles autour des plantations de palmiers à huile ruinent la forêt gabonaise au profit de bénéfices médiocres, l’iboga pourrait être au centre d’une économie fleurissante en parfaite adéquation avec l’ambition du gouvernement gabonais de trouver de nouvelles sources de diversification de son économie mise à mal par la chute du cours du baril de pétrole.

Il parait alors essentiel de se pencher sur cette possibilité pour convoquer, dans les meilleurs délais, les parties concernées en vue d’une réflexion majeure sur l’entrée du Gabon dans la discussion internationale quant à la disparition de cette ressource tant disputée. Une conférence internationale organisée par le GITA (Global Ibogaïne Therapist Alliance) se déroulera au Mexique en mars 2016 où seront réunis les chercheurs et revendeurs d’iboga du monde entier. Le Gabon y sera-t-il décemment représenté ? Affaire à suivre…

 

 
GR
 

16 Commentaires

  1. MINKO dit :

    Tomi  » le corse  » , Accrombessi  » le vaudouman » , Ya pascaline  » la soeur de l autre  » , alors messieurs les enquêteurs ??????? juste une petite perquisition ….. un peu de curiosité ……!!!

  2. Yann Guignon dit :

    Merci infiniment à Gabon Review pour le relai.

    En supplément une émission à connaître, « Ca s’Explique – Iboga » :
    https://www.youtube.com/watch?v=Gg430-23WIA

    Oka !

  3. rtg1 dit :

    Cette plante est un patrimoine national mal exploité par notre pays. Etant donné son efficacité dans le traitement de personnes dépendante de drogue Dure en occident.

    Il faut la protéger pour qu’on nous pille pas cette plante admirable. 😉

  4. l'ombre qui marche dit :

    Sortons l’artillerie lourde pour protéger l’iboga. Dans notre pays le mot sacré n’existe pas j’ai suivi sur france24 que des touristes canadiens ont été arrêtés car ils avaient posé nus sur une montagne SACREE en malaisie en indonésie quand on joue avec la drogue on sait en quoi s’en tenir donc il faut mettre en place une législation dure contre ceux qui veulent anéantir cette richesse inestimable on doit mettre en place une législation exceptionnelle et cela ne sera possible qu’une fois les bongo ondimba mis HORS D’ETAT DE NUIRE

  5. KIALO Paulin dit :

    On fait trop de politique dans notre pays, même les responsables des ONG s’y sont mis. En principe, si l’Etat est défaillant à ce niveau, les ONG devraient prendre le relaie pour défendre ce qui nous appartient.

  6. matho dit :

    Defendre la cueillette n’est pas la solution.Puisque c’est un patrimoine national,il faut alors en faire une culture nationale et des plantations nationales,plus faciles à proteger et à rentabiliser.

  7. BABOKI dit :

    Il faut arrêter de fantasme sur les revenus de l’iboga; il faut plutôt militer pour sa protection pour les générations futures.

  8. Blaise nicolas dit :

    Je pense qu’il faut protéger l’iboga qu’il représente notre culture .

  9. Sabrina dit :

    Préservons liboga car il fait parti de notre culture

  10. Eddy dit :

    La défaillance de l’Etat dans ce domaine peut s’expliquer par le manque de lisibilité de notre politique culturelle. Nos responsables n’y trouvent qu’un intérêt limité, préférant se tourner vers des pratiques issues des cultures étrangères dont ils assurent même la promotion sur notre sol! Les attaques des « hommes de Dieu » achevant ce travail de destruction par la diabolisation de cette plante créée pourtant par le même… DIEU! Heureusement que la prise de conscience pour la défense de cette plante est en marche chez plusieurs de nos compatriotes.

  11. Miss T dit :

    Décidément tout se perd, tout se gâte sous la dynastie Bongo. Allez demandez à quelqu’un comme Alain Bongo qui ne parle pas un seul dialecte du Gabon, qui n’en a rien à faire de la culture, du patrimoine culturel gabonais, de s’impliquer dans cette lutte pour préserver et sauvegarder l’iboga. Peine perdue. Les Bongo sont trop complexés. Pour eux, ce qui est bien, ce qui est à préserver vient d’ailleurs, est ailleurs qu’au Gabon. Le Gabon pour eux c’est juste une pompe à fric comme dans l’affaire des 86 millions de dollars de billet d’avion de Ya Pasco ou le Pozzo Di Borgo d’Alain Bongo.

  12. Michel Ondo dit :

    Je remerci premierement du fond du coeur toutes les personnes que ce sujet sur maboga tient a coeur.Mais je tiens tout de meme a mettre en evidence une chose.Maboga qui designe la plante,maboga qui designe l’ensemble des rites qui l’utilisent lors de leur prieres et l’abandzi sont intimement lies.Les seules personnes qui savent la raison de la presense de maboga sur Terre et pour lesquelles maboga a une valeur cher pour leur vie sont les mabandzi,les personnes initiers a au moins une branche religieuse dans laquelle on utilise maboga dans son sens primaire,le sens de la raison de sa presence pour une certaine categorie de personne sur Terre.Il est vrai:maboga richesse,maboga l’Etat,maboga drogue,maboga celui-ci ne fait pas ca pour,maboga celui-la ne fait pas ca pour,maboga il faut faire ci,maboga il faut faire ca…De toutes les facons dans un premier temps,tout ce qu’on reduit au commerce se gaspille par la suite car l’homme ne se rassisi jamais de l’argent,et personne ne prete vraiment une attention particuliere a ce qui n’est pas vraiment important a ca vie.Tout ca pour dire quoi,tout ca pour dire simplement que la faute n’est pas au gouvernant de l’Etat ou au ONG,mes a nous-meme mabandzi,je dis nous car moi-meme je suis abandzi ne de pere et de mere abandzi.Si nous-meme pour lesquelles la plante est premierement la ne la portont pas assez a coeur,il n’y aura rien de bien fait a ce sujet.Je suis encore tres jeune et les circontenses ne me donne pas encore assez de poids parmi les mabandzi.Mais lorsque j’ai su il y’a environ 10 ans que le conseil des ministres du 6 juillet 2000 sous l’impulsion du defunt president El Hadj Omar Bongo Ondimba avait declare maboga ‘Patrimoine Culturel National’,et que nous mabandzi n’avont jusque la meme pas cherche a sauter sur l’occasion pour appuyer et aider l’Etat sur ca lancee afin de proteger nous-meme avec l’aide de l’Etat ce que nous avons nous mabandzi comme bien commun le plus precieux,je me suis senti desespere au sujet de l’avenir de maboga.car figurez vous bien que la richesse de maboga ne se limite pas a la plante s’il faut parler de richesse.Maboga a son patrimoine personnel tres riche, malheureusement cette richesse se trouve eparpillee dans les musees d’Europe et autres lieux.Car le tam-tam du bwiti c’est une propriete maboga,la harpe est une propriete maboga,le mongongo est une propriete maboga,les masque kukue et leurs costumes sont des proprietes maboga,l’architecture du mboka maganga temple de priere maboga est une propriete maboga et ainsi de suite.Ce sont les mabandzi qui ont ramene toutes ses choses du monde des esprits,figurez vous que ces choses ne nous appartiennent meme pas a nous mabandzi,Dieu nous les prete pour nous aider sur notre parcourt sur Terre.mes tous ces biens se retrouvent dans des musees ou nous meme,nos enfants vont meme payer pour juste les contempler ou les etudier.Figurez vous que nous mabandzi ne formont meme pas une communaute instituee,nous n’arrivons meme pas a montrer a l’Etat que maboga est une religion a part entiere et par la suite le faire reconnaitre comme tel par l’Etat.voyons nous-meme que si on ne prend pas soin nous-meme de notre propre corps des qu’on est adulte,beh malheureusement personne ne viendra le faire pour nous,merci.

  13. Iboga : Fragile leadership du Gabon dans l’exportation d’un PFNL porteur – Gabon review dit :

    […] dénoncer ces pratiques depuis 2006. En 2012, celui-ci avait déjà remis aux autorités gabonaises un rapport, état des lieux précis au sujet de l’iboga faisant le point quant aux innombrables sites internet et cliniques vendant l’iboga issu du […]

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