503 milliards dans la brume : Plongée dans les zones d’ombre du Copil Coronavirus

Trois ans après les premières alertes du Copil Citoyen, la Cour des comptes ouvre enfin une enquête sur la gestion controversée des 503 milliards de francs CFA alloués à la lutte anti-Covid au Gabon. Loin de se limiter au seul ministère de la Santé, le scandale révèle un système complexe piloté depuis la présidence d’Ali Bongo, où les circuits de décision et les responsabilités financières demeurent largement opaques. Une affaire qui pourrait symboliser les dysfonctionnements de l’ancien régime.

En réalité, les choses sont simples si on veut être sérieux : il faut d’abord dire qui a géré les fonds, et ensuite, qui doit rendre compte. © GabonReview
Trois ans après les premières interpellations du Copil Citoyen sur la gestion des fonds alloués à la lutte contre la Covid-19, la Cour des comptes a officiellement ouvert une enquête. Le scandale, qui porte sur plus de 503 milliards de francs CFA mobilisés entre mars 2020 et décembre 2022, devrait normalement révéler une architecture de gestion à plusieurs niveaux, où les responsabilités semblent bien plus diffuses qu’il n’y paraît.
Au centre de la tourmente médiatique, l’ancien ministre de la Santé Guy Patrick Obiang Ndong, devenu visage emblématique de la riposte sanitaire, a vu son nom être régulièrement cité par certains titres de presse comme figure centrale de l’affaire. Pourtant, selon une source fiable issue du cabinet présidentiel d’Ali Bongo et s’exprimant sous couvert d’anonymat, les circuits de décision et de dépense étaient beaucoup plus complexes.
«En réalité, c’est la présidence qui a géré»
Dès le début de la crise, une structure en cascade a été mise en place. Le Copil – Comité de pilotage de la veille contre la Covid-19 – était chapeauté par le Premier ministre, tandis que la coordination technique était confiée à la santé militaire. Le général Romain Tchoua en était le coordonnateur, assisté de Guy Patrick Obiang alors secrétaire général du ministère de la Santé et porte-parole du Copil Coronavirus.
Mais une autre entité agissait en surplomb : «Au-dessus du Copil, il y avait ce qu’on appelle la Task force présidentielle», décrit la source plus haut indiquée. «Vous aviez le président, le coordinateur général des affaires présidentielles [Nourredin Bongo Valentin], le directeur adjoint du cabinet et le conseiller en communication. Tous avaient mis en place leur équipe pour travailler».
C’est cette Task force qui centralisait les demandes et validait les acquisitions. «Le palais nous demandait les états de besoins. On les transmettait, puis on nous appelait pour dire qu’il y a des avions qui ont livré des cartons. Quelle commande exacte a été faite ? On ne savait pas. Combien cela a coûté ? On ne savait pas», confie une source de la commission logistique du Copil Coronavirus, également sous condition d’anonymat. Une opacité déconcertante.
Fonds de riposte et fonds de solidarité : deux circuits, deux zones d’ombre
Deux lignes budgétaires distinctes avaient été annoncées à l’époque : un ‘’Fonds de riposte sanitaire’’ géré par la Santé militaire pour les aspects médicaux (masques, primes, médicaments), et un ‘’Fonds de solidarité Covid-19’’, doté de 250 milliards de francs CFA, destiné à financer l’aide sociale, les kits alimentaires ou les subventions. Sur ce dernier, le flou est total. «Jusqu’à aujourd’hui, je ne peux pas vous dire qui gérait ce fonds», affirme la source du cabinet d’Ali Bongo.
Le rôle de la Présidence s’avère en tout cas prépondérant. Des achats de plusieurs milliards auraient été effectués directement par le cabinet du président, puis transmis au général Romain Tchoua pour «régularisation». Des hangars loués à Libreville ou au port stockaient le matériel, géré par des officiers de santé militaire. Le ministère de la Santé n’avait en réalité qu’un accès limité à ces opérations.
L’audit Deloitte. Dispositif tentaculaire. Responsabilités partagées
Mandaté par le gouvernement gabonais sous pression du FMI, le cabinet Deloitte Touche Tohmatsu a publié alors un rapport dénonçant des «insuffisances documentaires systémiques» et une opacité «telle qu’aucune opinion d’audit ne pouvait être formulée», se souvient-on. Les auditeurs soulignaient notamment l’absence de factures, de bons de réception ou de procès-verbaux pour des achats importants, comme ceux liés au Laboratoire Gahouma.
Cette conclusion conforte les constats du Copil Citoyen, dont l’audit recense un écart de 447 milliards francs CFA entre les montants annoncés et ceux justifiés publiquement. Des documents internes mentionnent même des doublements de facturation, des réquisitions comptables de contournement et des indemnités exorbitantes pour les gestionnaires.
«Ma responsabilité en tant que coordonnateur adjoint et ministre, je l’assume. Mais lorsqu’on parle de gestion financière, il faut s’adresser à ceux qui ont été ordonnateurs de crédit», prévient le Dr Guy Patrick Obiang Ndong, joint au téléphone. Une source proche de la Task Force présidentielle indique pour sa part que les véritables gestionnaires étaient le ministre du Budget, le Trésor, et les hauts responsables de la présidence. «En réalité, les choses sont simples si on veut être sérieux».
L’ancien directeur de cabinet adjoint du président, Mohamed Ali Saliou, aurait lui-même reconnu avoir «facilité les transactions», son nom apparaissant régulièrement dans les pièces justificatives. Un circuit décisionnel très concentré à la présidence se dessine ainsi, loin de la seule responsabilité ministérielle.
Une justice attendue au tournant
La décision de la Cour des comptes d’ouvrir formellement une enquête offre l’espoir d’une clarification. La société civile attend que tous les maillons de cette chaîne soient entendus : du ministère de la Santé au Trésor, du cabinet du président aux fournisseurs privés. Le rendez-vous judiciaire du 4 juin 2025, annoncé par Foumboula Libeka, pourrait marquer le début d’un examen plus lucide, moins sensationnaliste, et enfin équitable. Selon la figure de proue du Copil Citoyen, l’organisation a officiellement obtenu un rendez-vous avec le procureur de la République à cette date.
Par son ampleur, le scandale financier lié à la gestion du Covid-19 est devenu le symbole des failles de gouvernance de l’ancien régime. L’enjeu dépasse désormais les simples imputations individuelles : il engage la capacité du Gabon à rompre avec l’impunité et à refonder son rapport à la gestion publique.

3 Commentaires
Pendant quatorze longues années, le Gabon a été gouverné par un homme sans envergure, sans métier, sans vision. Ali Bongo n’était que le dépositaire d’un pouvoir hérité, un homme plus préoccupé par son image et ses voyages que par les réalités du pays. Derrière lui, c’était une succession de clans et de réseaux mafieux : Accrombessi hier, Alihanga ensuite, puis la fameuse « young team », cette clique de fils à papa sans expérience ni mérite, imposée au sommet de l’État comme on place des pions dans un jeu de famille.
Ces hommes n’étaient pas formés à gouverner. Ils n’avaient ni les outils, ni les méthodes, ni même la culture de la gestion publique moderne. Fabriqués de toutes pièces, gonflés d’arrogance mais vides de substance, ils géraient un pays comme on gère une rente, dans l’opacité, le copinage, et la déresponsabilisation totale. Aucune maîtrise des finances publiques. Aucune politique de contrôle efficace. Aucune compréhension des leviers numériques, ni des outils d’audit, ni des indicateurs de performance. Gouverner, pour eux, c’était improviser, distribuer, détourner, et se servir.
Aujourd’hui, cette époque est révolue. À la tête du Gabon se trouve un homme formé, rompu aux exigences de l’armée — un milieu où l’on n’improvise pas, où rigueur, discipline et responsabilité sont des piliers. Mais surtout, il s’entoure de compétences. Non pas de courtisans, mais de professionnels : ingénieurs, économistes, auditeurs, administrateurs publics, profils rompus aux réalités techniques, et capables de comprendre, d’adapter et d’appliquer les outils de gestion développés par les meilleurs experts, à l’échelle régionale comme internationale.
Ce nouveau leadership comprend que gouverner un pays ne se fait plus à l’intuition ou au piston. Cela nécessite des instruments modernes : logiciels de gestion intégrée, tableaux de bord décisionnels, audits en temps réel, intelligence artificielle, systèmes de suivi budgétaire et de performance. C’est ainsi qu’on assure la transparence, l’efficience et la redevabilité.
Le Gabon ne peut plus être dirigé par des amateurs. Le monde change, les défis se complexifient, et seule une élite formée, intègre, et ancrée dans la réalité pourra faire face. Le temps des imposteurs est terminé. Le Gabon de demain ne sera plus jamais celui des Bongo — et cela, nous le devons à la rupture engagée en 2023.
Je suis entièrement d’accord avec la lucidité du début de votre exposé.
Mais quant aux trois derniers paragraphes, je reste quelque peu dubitative. Mais laissons voir les années à venir sous cette nouvelle république tant vantée.
Pour ce qui est de la gestion du COVID, ils sont tous responsables mais pas coupables. Les vrais coupables sont déjà en exil par vrai….
Et pendant ce temps le petit médecin se la coule douce au pays et la dulcinée et l’assassin voleur du vote aux petits soin en Angola sans rendre des comptes.