Flagrant ! La dernière génération bien formée au Gabon est celle qui était en troisième en 1990. Le système éducatif ayant depuis lors perdu en qualité, les jeunes générations sont moins bien préparées. On assiste à un déficit de compétences dans l’administration publique et à une prévarication inégalable. Il faut de changer de système de valeurs et de donner la chance à une nouvelle génération capable de conduire le pays vers un développement véritable, pense Abslow à travers cette chronique. Faute de quoi, la République des cancres conduira le pays au naufrage.

L’échec du système éducatif public gabonais : aujourd’hui, ne sont scolarisés à l’école publique que ceux qui n’ont pas les moyens d’aller au privé. L’école publique est devenue l’école des pauvres. © Gabonreview

 

«La dernière génération bien formée dans ce pays, c’est celle de ceux qui étaient en 3ème en 1990. Ils avaient déjà capitalisé 5 années sur les 8 que compte le secondaire avant que le désordre et l’incompétence ne s’installe comme le nouveau système de valeurs. Ils sont majoritairement nés en 1974 et ont aujourd’hui entre 45 ans pour les plus précoces et 50 ans pour les plus laborieux. Si ce régime devait changer, c’est à eux qu’il incomberait de le réformer pour le relever».

Cette analyse que j’ai voulu reprendre in extenso pour qu’il se reconnaisse, est d’un aîné qui compte certainement parmi les plus grands patriotes et défenseurs et non moins nostalgique de ce pays dans ce qu’il a pu avoir de bons côtés. Et cette réflexion qui me parait très profonde de sens m’a longuement fait réfléchir à mon tour. En effet, les seuls capables de relever ce pays sont les derniers héritiers du Gabon des lumières. Ceux qui étaient en 3ème en 1990.

Sans aucun doute, les derniers Gabonais bien formés et bien éduqués sont ceux qui n’ont pas été contaminés par la peste propagée par le vent de la démocratie venu de l’ouest. Ils étaient en 3ème en 1990 au moment où le Gabon basculait dans l’engrenage des grèves à répétition qui se poursuivent d’ailleurs aujourd’hui. Mais qu’on se comprenne bien, il ne faut pas entendre que tous les Gabonais nés après 1974 sont nuls. Mais ils sont tous acteurs de l’incompétence systémique.

Chacun naissant avec des qualités intrinsèques qui peuvent lui garantir d’exceller dans son domaine d’études, il y a sans doute d’excellents Gabonais des tranches d’âge inférieurs. Mais de ce que nous constatons, la vérité, c’est que la grande majorité d’entre eux a manqué d’apprivoiser des savoirs et des savoirs-faires essentiels à cause d’une scolarité, à leur corps défendant, en dents de scie par le fait de ces grèves à répétition depuis 1990.

Chacun sait que le secteur éducatif gabonais a perdu de son attractivité et de son efficacité dès le début de cette décennie. C’est d’ailleurs à cette période qu’est né le lycée français et le phénomène grandissant des écoles privées qui matérialisent, d’une certaine façon, l’échec du système éducatif public gabonais. Aujourd’hui, ne sont scolarisés à l’école publique que ceux qui n’ont pas les moyens d’aller au privé. Autant le dire tout de suite, l’école publique est devenue l’école des pauvres.

En tant que tel, elle est le lieu de toutes les insuffisances et de toutes les négligences. Elle est par conséquent le creuset de l’incompétence. Il suffit de regarder la qualité de la rédaction administrative, d’une part, et le rendement dans l’administration publique, d’autre part, des jeunes générations. A ces deux révélateurs, le postulat de départ se révèle d’une vérité implacable. Elle fait appel à une question fondamentale. Voulons-nous que ce pays conserve ses chances de se relever de son abaissement ?

Si la réponse à cette question est oui, il faut alors absolument que le Gabon réalise qu’il est en 2023 devant un dilemme : continuer avec cette génération de demi-crayons qui tient les rênes du pays et qui le gère avec les approximations conformes à leur formation approximative. Ou bien tourner la page de ces 14 années d’improvisation caractérisée par une prévarication inégalable. Il ne s’agit pas seulement de camps politiques qui s’affrontent mais véritablement de deux systèmes de valeurs.

Parce que tous les vingtenaires, trentenaires et quadragénaires qui sont aux affaires depuis 14 ans, ont apporté la preuve de leur inaptitude à conduire un pays vers un développement véritable. Leur système de valeurs est une inaptocratie doublée d’une cleptocratie. C’est la conséquence d’un déficit de formation au plan académique et d’éthique au plan moral. Cette génération d’inaptes et de cleptomanes a gravement abaissé notre pays en proclamant haut et fort qu’on ne fait pas du neuf avec du vieux.

Ils ont de fort belle manière réussi à faire du vieux avec leur neuf. Et les voilà à nouveau en ordre de bataille, pour rempiler afin de remettre une couche encore plus épaisse à leur incompétence systémique. Que revendiquent-ils donc de si positif pour le Gabon et son peuple pour qu’ils osent, avec le culot les caractérise, penser un seul instant qu’ils peuvent apporter un quelconque bénéfice à ce pays après qu’ils l’aient si gravement rabougri ? Que pourraient-ils faire de plus qu’ils ont été incapables de faire en 14 ans ?

Avec 3 fois plus d’argent public, le Gabon est plus à plaindre aujourd’hui qu’hier. Chacun peut déduire de son déclin dont l’effet visible, palpable et mesurable, est la souffrance des Gabonais manifestée par toutes sortes de carences. La carence d’eau potable dans tous les ménages, en 2023, dans un pays à très forte hydrographie et où il pleut 9 mois sur 12, est le paramètre le plus criard de cette inaptocratie et de cette cleptocratie triomphante. «Ils ont été pesés, ils ont été mesurés, et on les a jugés insuffisants». Faut-il les laisser remettre une couche ?

ABSLOWMENT VRAI !

 
GR
 

4 Commentaires

  1. Désiré NGUEMA NZONG dit :

    Bonsoir Monsieur Abslow,

    Selon vous, « … la République des cancres conduira le pays au naufrage ». Donc, il y a détresse et la priorité est la sauvegarde du « capital humain » (vie humaine)!

    C’est indéniable! Il y a bel et bien une forme rampante de « déconstruction intellectuelle » dans notre pays (1). Elle est subordonnée à plusieurs causes dont celles que vous avez énumérées. Je partage avec vous ce constat que la décennie des « Lumières » du Gabon se situe à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Par conséquent, la génération des années 1970 a acquis (des générations précédentes) une meilleure capacité à intellectualiser les problèmes et à les résoudre de manière rigoureuse. Aujourd’hui ce n’est plus le cas. Cette génération 2.0 ne sait plus rédigé. Seule l’image compte. Le buzz. La phrase choc. Les emojis. Une forme d’insouciance. Un décalage des besoins. Vivre vite. S’enrichir vite.

    Votre article est (vous ne l’avez pas peut-être mesuré) un bel hommage à Gary Stanley Becker (1930-2014), économiste américain et prix Nobel d’économie en 1992. Il est connu pour avoir modéliser de nombreux comportements humains. Il préconise notamment d’investir dans le capital humain (2). Il part du principe de l’éducation est un bien économique. Mais, est-ce une préoccupation fondamentale dans notre pays aujourd’hui? L’éducation doit être un domaine régalien. A ne pas privatiser!

    Le décrochage intellectuel sera galopant si les mesures en faveur du système éducatif universel et gratuit ne sont pas prises après les élections. Un pays sans élite est un pays sans avenir. Il s’agit avant tout de redonner aux gabonais un savoir-faire, un faire-savoir, un savoir-être et un savoir faire-faire (au-delà de l’ancrage politique) contre « vents et marées ».

    Cordialement.

    (1) Statistiques douteuses, rédaction scolaire, manque d’effort de raisonnement, etc.
    (2) Le capital humain est « l’ensemble des capacités productives qu’un individu acquiert par accumulation de connaissances générales ou spécifiques, de savoir-faire, etc. »

  2. BOUDZANGA dit :

    Qu’en est-il de l’origine de tout ce constat ?

    Tout comme les générations d’après 1990, l’administration publique gabonaise n’est pas une entité désincarnée. De part et d’autre, nous sommes face à des produits façonnés par ces générations de 1970 et d’avant. Ce sont elles qui inculquèrent des valeurs, des représentations, des standards de comportements, etc., que les générations d’après (particulièrement d’abord celles issues de milieux ayant accès, grâce à des antennes paraboliques, aux chaînes occidentales) ont repris à leur compte (la mondialisation galopante et le contexte idéologique international d’après la chute du mur de Berlin, aidant). D’ailleurs, sauf à ignorer ou feindre d’ignorer l’histoire, les phénomènes de tribalisme ou de népotisme ayant permis à plusieurs individus sans compétence correspondante, d’accéder à une fonction publique, étaient déjà décriés par un Albert Bernard BONGO, justifiant entre autres par-là, la nécessité de la création du PDG et l’institution du parti unique dont certains semblent nostalgiques.

    Assurément, Air Gabon, l’OPT et d’autres sont tombées en étant dirigées par les générations d’avant 1980. C’est d’elles aussi, que les nouvelles générations (parvenues dans la haute fonction publique ou pas, parfois sans compétences et à cause simplement de leur filiation avec tel agent de l’administration concernée) ont appris à détourner les biens publics aux fins d’enrichissement illicite. Ce sont ces générations d’avant 1980 qui, alors qu’elles se targuent d’avoir une meilleure moralité, participèrent au recrutement en grande pompe, dans la police et l’armée, de proches oisifs et/ou surtout sans niveau (même pas le CEP souvent) et de mauvaise moralité. Ce sont ces générations d’avant 1980 qui, jouant de leur position dans la hierarchie militaire ou dans la sphère politique, ont obtenu à ces neveux et autres des promotions leur permettant d’accéder très haut dans la hiérarchie. Ce sont ces générations d’avant 1980 qui ont donné leur agrément, à ces établissements privées qui recrutaient tout et rien et justifièrent, par l’absence de contrôle de l’inspection pédagogique, des enseignements de moindre qualité. Bref, il y a tellement de choses qui relient le délabrement intellectuel de notre société, à ces générations d’avant 1980. Le reconnaître serait déjà un début de solution.

    NB : Je n’ai pas voulu parler du fait qu’en votant toujours les mêmes PDGistes, même quand les résultats de leur gouvernance étaient, comme le plus souvent, médiocres, ces générations d’avant 1980 ont inculqué insidieusement aux générations d’après que l’école n’est pas le meilleur moyen d’atteindre les sommets de la hiérarchie sociale au Gabon.

  3. Eliwa dit :

    Tout est dit…
    1- «Ils ont été pesés, ils ont été mesurés, et on les a jugés insuffisants».
    2- « Seule l’image compte. Le buzz. La phrase choc. Les emojis. Une forme d’insouciance. Un décalage des besoins. Vivre vite. S’enrichir vite ».
    3- Aussi « Ils ont instauré le vice comme vertu et le mensonge comme seul vérité ».
    la gangrène est entretenue, se propage et gagne aujourd’hui les plus jeunes…
    Que fait-on ???

  4. Désiré NGUEMA NZONG dit :

    Grâce à Monsieur Abslow, nous pouvons faire une thérapie de groupe. Une introspection: nous poser les bonnes questions. Trouver le mal à la racine. La discussion est lancé!

    BOUDZANGA montre parfaitement l’implication négative des générations des années 1980 au plan intellectuel, moral, économique et politique dont les conséquences sont un échec cuisant. Eliwa pense déjà aux solutions à venir (« Que fait-on? »). Je vais donner mon point de vue.

    C’est une grave erreur de penser que la privatisation de l’éducation au Gabon est une solution à la défaillance du système éducatif public (1). Bien au contraire le rôle du Ministre de l’éducation nationale est de veiller à ce que l’éducation publique pour tous (et gratuit) soit une priorité du gouvernement (2). On ne peut pas toujours mettre les problèmes sous le tapis. Et dire que si vous voulez que vos enfants aient une formation complète, alors il faut les inscrire au privé au tarif prohibitif. La lutte contre la vie chère est une politique de justice sociale. Et de continuer à favoriser l’enseignement privé est contraire à cette politique de lutte contre la vie chère. Un pays, deux systèmes d’éducation. L’un pour les nantis, l’autre pour les pauvres (en reprenant les arguments de Monsieur Abslow), est insoutenable. Au fond, qui sont ces capitalistes (lobbystes) derrière ces campagnes de privatisation du système éducatif gabonais?

    A terme, on aura des « demi-crayons » (terme employé par Monsieur Abslow) et des gabonais(es) issus des écoles privés accentuant ainsi une différence, une réserve voire un rejet des autres. On forme dans l’éducation publique, au final, de futurs chômeurs (chômeuses), prêt(e)s à faire n’importe quel concours qui se présente à eux pour espérer avoir une vie décente.

    L’éducation nationale doit redevenir un domaine régalien pour une égalité de chance pour tous les gabonais(es). Ce n’est pas une proposition nostalgique partisane mais le soutien à une réforme de fond dont il faut apporter les moyens.

    Bien à vous!

    (1) Lire l’article d’Alix Ida MUSSAVU: « Enseignement privé : 860 demandes d’examen (voir rubrique Société);
    (2) « A quoi servent nos Ministres? s’interrogeait Monsieur Abslow;

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