Réclamation de 60 millions de dollars par l’ONEP : quand le bonus fait perdre la raison
Le secteur pétrolier gabonais est à nouveau menacé de blocage par le premier syndicat du pays, l’ONEP, qui réclame une prime exceptionnelle de 60 millions de dollars à Assala dans le cadre de son rachat par Maurel & Prom, alors que les emplois sont préservés et que la rémunération est parmi les plus élevées du pays. Assala rappelle dans un courrier que cette demande est sans fondement juridique et disproportionnée. Cette situation est un test pour le gouvernement, appelé à gérer la manne pétrolière dans l’intérêt du plus grand nombre.
Le secteur pétrolier est à nouveau menacé d’être pris en otage par une frange d’activistes au sein de l’Organisation nationale des employés du pétrole (ONEP), le premier syndicat pétrolier du Gabon. La transaction annoncée entre Assala et Maurel & Prom aiguise l’appétit de l’ONEP qui demande 60 millions USD de « prime de bonne séparation » pour tous les employés… cela alors même que leurs emplois sont sauvegardés, emplois dont les rémunérations sont parmi les plus élevées du pays. GabonReview a eu connaissance d’un courrier envoyé par la société Assala à Marcel Abeke, ministre du Pétrole. Dans ce courrier, Assala rappelle quelques arguments méritant d’être relayés pour informer le débat.
Rappel des faits : le 21 juin dernier, le personnel d’Assala Gabon a voté majoritairement pour la garantie d’emploi lors du changement d’actionnaire et l’octroi d’un bonus équivalent à 36 mois de salaire pour tous les employés conservant leur emploi (l’équivalent à l’échelle de la filiale d’un montant global de plus de 50 milliards de francs CFA). Le 24 août, une réunion a eu lieu entre la direction d’Assala Energy et d’Assala Gabon et le bureau national de l’ONEP, durant laquelle Assala a garanti la conservation des emplois. Assala s’est aussi engagée à maintenir le dialogue au sujet du bonus demandé, « sur des bases économiquement rationnelles ». Assala rappelle que la demande des syndicats ne repose sur aucun fondement juridique, la loi gabonaise n’imposant aucune obligation en la matière à l’occasion d’une transaction, ce d’autant plus pour des employés conservant tous leur emploi et l’ensemble de leurs acquis sociaux.
Il y a aussi eu des précédents en matière de bonus de transaction au Gabon, dans des proportions radicalement différentes de ce que demande l’ONEP : le transfert d’actifs entre Total et Perenco en 2021 a donné lieu à l’octroi d’un bonus de 5,5 millions de francs CFA aux employés de Total transférés. Rapporté au nombre de salariés chez Assala, ceci représenterait un montant global d’environ 3,8 millions USD (2,3 milliards de francs CFA) lorsqu’il est ajusté au nombre d’employés d’Assala. D’autre part, l’acquisition de Maurel & Prom par Pertamina en 2017 a conduit à un bonus équivalent à deux mois de salaire pour le personnel qui, ajusté aux paramètres d’Assala, s’élèverait à environ 4,8 millions USD (soit 3 milliards de francs CFA).
En 2017, lors du départ de Shell, un bonus d’un montant global de 35 millions USD (22 milliards de francs CFA) avait été payé en 2018 par le nouvel arrivant Assala au personnel après une semaine de grève. La raison invoquée était alors le départ de Shell qui avait passé 60 ans dans le pays. Aujourd’hui, les actionnaires d’Assala passent la main après six ans de présence et un investissement majeur ayant pérennisé l’avenir de la société, soit un dixième de la présence de Shell ! En comparaison, les attentes des employés d’Assala et de l’ONEP sont disproportionnées et sans fondement économique. Il est également connu que l’ONEP reçoit 10% de toutes les sommes négociées. À quel titre et comment est utilisé cet argent ?
En 2017, c’est en effet Assala qui avait versé les 35 millions USD (22 milliards de francs CFA) de primes exceptionnelles aux employés gabonais. Le courrier vu par la rédaction précise que, en six ans de présence d’Assala, les primes de fin d’année basées sur la performance se sont élevées à 33 millions USD (21 milliards de francs CFA), portant le total des primes exceptionnelles versées sur cette période à 68 millions USD (43 milliards de francs CFA) ! En moyenne, les 420 employés gabonais d’Assala ont donc reçu un peu plus de 100 millions Fcfa chacun au cours de ces six ans sous forme de bonus non-contractuels et non prévus par la loi. Les salariés bénéficient par ailleurs de salaires qui comptent déjà parmi les plus élevés du pays tous secteurs confondus, sans même prendre en compte les indemnités et autres avantages supplémentaires.
Le courrier précise encore que la menace d’une grève et d’un arrêt de production pour une demande qui ne s’aligne pas avec le Code du Travail en République Gabonaise et ne trouve aucune forme de justification rationnelle en particulier au niveau du montant demandé, ne devraient pas perturber les équilibres économiques de la société et des employeurs dans le pays. « L’attribution d’un tel bonus créerait un précédent dommageable pour l’industrie pétrolière et minière du Gabon, pouvant potentiellement altérer l’image de l’environnement des affaires dans le pays et influencer négativement son attractivité dans le domaine pétrolier et minier ». À plus long terme, le courrier précise que la position des syndicats détériore l’équilibre économique et l’image du Gabon sur le plan international à l’heure où le Gabon a besoin de rassurer les investisseurs, d’attirer les capitaux, et de doper son marché du travail.
En fin de compte, la situation actuelle représente un véritable test pour la nouvelle administration : s’agit-il de perpétuer la mauvaise gestion des années Bongo ou bien le gouvernement est-il décidé à gérer la manne des hydrocarbures et l’activité des sociétés pétrolières sur son territoire dans l’intérêt de la population plutôt qu’au bénéfice d’une caste de privilégiés ?
1 Commentaire
L’ONEP est un syndicat hyper structuré qui ne s’engage pas dans des combats perdus d’avance.
Prenez aussi connaissance du courrier que ONEP a sans doute aussi envoyé à Marcel ABEKE, Ministre du Pétrole et revenez faire un article avec le même zèle et la même passion qui se dégage à la lecture de celui-ci.
Quand vous savez le travail que fait un employé des entreprises pétrolières et, quand vous savez ce que ces entreprises engorgent au quotidien comme recettes, votre »mieux payé » là… devient le moins payé de la chaîne.
Bref! Et pourtant, j’ai encore à dire…