Héritage sous bitume : que vont devenir les grands travaux du CTRI ?

Alors que le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) a officiellement été dissous le 2 mai 2025, une question hante désormais l’espace public : que deviendront les chantiers d’infrastructures colossaux engagés sous sa houlette, arborés fièrement sur les panneaux par le sigle du CTRI, mais pour nombre d’entre eux encore inachevés ? Ce qui a été prévu.

Dissous sans bilan, le CTRI laisse au gouvernement civil le poids d’un héritage inachevé. © GabonReview

Là où le CTRI a creusé, la nouvelle République doit désormais bâtir. © GabonReview
Si le décret de dissolution du CTRI, lu solennellement à la télévision nationale, a marqué la fin de la transition militaire et le retour à un ordre civil incarné par le président Brice Clotaire Oligui Nguema, aucun mot n’a été prononcé sur le sort des projets d’infrastructures initiés par le comité. Un silence institutionnel d’autant plus déroutant que ces chantiers – routes, ponts, logements, hôpitaux – ont rythmé la communication politique du CTRI pendant près de deux ans.
Un legs monumental, mais inachevé
En moins de deux ans en effet, le CTRI avait engagé une politique volontariste dans le secteur des travaux publics, à une échelle rarement atteinte ces dernières décennies. De Nsilé à Ndendé, de Mayumba à Moanda, les routes stratégiques ont été bitumées, les voiries urbaines modernisées, des logements sociaux édifiés, un tramway a même été planifié à Libreville, et des aéroports provinciaux remis à niveau. L’ampleur des investissements, la rapidité d’exécution et la multiplication des chantiers avaient valu au CTRI d’être parfois qualifié de «gouvernement bis», tant il s’était imposé dans un domaine censé relever des ministères de la République.
Pourtant, au moment de sa dissolution, aucune indication n’a été donnée sur l’avenir de ces projets, certains largement avancés, d’autres à peine entamés. Ce silence institutionnel laisse place à l’incertitude, dans un pays où la mémoire des promesses inachevées reste vive.
Le relais républicain, entre continuité et arbitrage : la stratégie
Malgré cette absence de passation explicite, la continuité de l’État est garantie par la prolongation temporaire de plusieurs organes de la transition : Parlement, Cour constitutionnelle, CESE et délégations spéciales. Ce maillage institutionnel permet au nouveau pouvoir civil d’assurer la gestion des engagements en cours, sans rupture brutale. Les travaux publics initiés par le CTRI relèvent désormais de la responsabilité directe du gouvernement de Brice Clotaire Oligui Nguema.
Mais cette reprise suppose des arbitrages. Chaque chantier fera l’objet d’une évaluation technique et budgétaire. Certains seront poursuivis, d’autres réorientés, d’autres encore suspendus. L’enjeu n’est pas seulement logistique ou comptable : il est politique. Il s’agit pour le pouvoir civil de reprendre la main, tout en répondant à l’attente d’une population lassée des élans sans lendemain.
Pour faire face à la lourdeur de l’héritage, le gouvernement s’est doté d’une stratégie de financement renouvelée. En mars 2025, des assises nationales ont posé les jalons d’une feuille de route concertée. Plusieurs leviers sont mobilisés : un prêt de 131,1 milliards FCFA a été obtenu auprès d’Afreximbank ; un Eurobond de 370 milliards FCFA serait en préparation ; 432 milliards devraient être levés sur le marché intérieur via des titres du Trésor. Ces ressources doivent permettre de financer prioritairement les projets en cours ou les plus stratégiques.
Le recours aux partenariats public-privé est également renforcé, dans des secteurs à fort impact comme l’énergie, le transport ou l’eau. Un nouveau fonds, le FANEIR, a été mis sur pied pour garantir l’entretien et la pérennisation du réseau routier. L’objectif est double : éviter que les infrastructures naissantes ne se dégradent, et rassurer les partenaires internationaux sur la gouvernance à venir.
Priorités, sélection et transformation
Tous les chantiers ne seront pas repris. Le gouvernement privilégie ceux dont la rentabilité sociale, économique et environnementale est prouvée. En tête de liste figurent le port en eau profonde de Mayumba, la ligne ferroviaire Belinga-Booué-Mayumba, et le barrage de Booué. Ces projets sont perçus comme des leviers structurants de la transformation économique du pays.
Parallèlement, les voiries urbaines doivent être remises à niveau, notamment à Libreville, où plusieurs zones restent en attente de finition. Le gouvernement entend faire de ces chantiers un moteur de création d’emplois, en intégrant des jeunes formés aux métiers du BTP et en renforçant les capacités techniques des PME gabonaises, notamment par des marchés publics ciblés.
Transparence, rigueur et promesse républicaine

Des fondations ont été posées, il reste à bâtir l’avenir. © GabonReview
Le CTRI a souvent été critiqué pour l’opacité de ses procédures et l’absence de communication sur ses financements et engagements. L’actuel pouvoir, selon des sources bien introduites, entend inverser cette tendance. Des audits indépendants vont être systématisés, les marchés publics encadrés par de nouvelles règles de transparence, et une attention particulière portée à la traçabilité des fonds et à la rigueur d’exécution. Cette démarche est perçue comme un préalable indispensable à la reconstruction de la confiance.
Le CTRI a quitté la scène sans bilan ni adieu aux travaux publics. Mais les routes éventrées, les ponts en cours d’assemblage et les truelles en suspens ne disparaissent pas avec un décret. Ils attendent que l’État, dans sa version retrouvée, civile et constitutionnelle, prenne le relais. L’héritage est là, massif et inachevé. Il appartient désormais au gouvernement d’en faire autre chose qu’un souvenir de transition : une œuvre durable, visible et utile. Le peuple gabonais, lui, observe – et attend.

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