Russie : Quand le mutisme des autorités devient une violence pour les étudiants gabonais

Moins de 250 étudiants gabonais en Russie, mais une situation alarmante : jusqu’à huit mois de bourses non payées, des frais de scolarité en attente, et un silence officiel douloureux. Alors que le Gabon se vante de vouloir restaurer la dignité de ses citoyens, l’angoisse de ces jeunes en exil académique soulève des questions sur la sincérité des engagements officiels et révèle les failles évidentes d’une gouvernance post-transition.

« Doit-on toujours supplier ? Faut-il encore mendier ce qui est un droit ? Sommes-nous devenus des étrangers aux yeux de notre propre pays ? », s’indignent les étudiants gabonais en Russie. © Freepik
À plus de 10.000 kilomètres du Gabon, dans un contexte géopolitique difficile et économiquement éprouvant, les étudiants gabonais en Russie tirent la sonnette d’alarme. Il y a quelques heures, l’Association des Étudiants et Stagiaires Gabonais en Fédération de Russie (AESGFR) a publié un communiqué empreint de gravité. Selon l’organisation, plusieurs dizaines d’étudiants vivent aujourd’hui une précarité très préoccupante. À ce jour, 42 n’ont pas vu leurs frais de scolarité réglés, 9 attendent encore les paiements de l’année passée, et une majorité subit des retards allant de cinq à huit mois. Des chiffres alarmants qui, dans un contexte mondial difficile, augmentent la vulnérabilité de cette petite communauté étudiante gabonaise.
« Chaque année, le même scénario se répète : des mois de silence… des retards infinis… des bourses non versées… des frais de scolarité en souffrance… », déplore un utilisateur sur Facebook, prenant la parole pour ceux qui n’ont pas voix au chapitre. « Je parle avec humilité… Je m’exprime non pour moi-même, mais pour les Gabonais boursiers en Russie. »
Le silence de l’administration, l’épreuve de trop
L’Association des Étudiants et Stagiaires Gabonais en Fédération de Russie ne cache plus sa frustration mêlée à un profond désarroi. Dans son communiqué, elle critique le silence de l’Agence Nationale des Bourses du Gabon (ANBG), pourtant directement rattachée à la Présidence. « Doit-on toujours supplier ? Faut-il encore mendier ce qui est un droit ? Sommes-nous devenus des étrangers aux yeux de notre propre pays ? », s’indigne leur représentant.
Cette répétition des dysfonctionnements est d’autant plus intolérable que le nombre d’étudiants concernés est limité. Loin d’être un fardeau budgétaire insurmontable, la gestion de ces situations aurait pu – et dû – être mieux anticipée. En conséquence, de jeunes Gabonais, souvent parmi les plus talentueux, se retrouvent bloqués, exclus des cours ou humiliés devant des administrations russes inflexibles, faute de documents ou de paiements effectifs.
Une administration qui trahit les promesses de la transition
Cette détresse survient alors même que les autorités gabonaises, après le coup d’État d’août 2023, ont promis une refonte des institutions et une restauration de la dignité nationale. Une promesse aujourd’hui mise à mal. « Quelle est donc cette République qui prêche l’excellence dans ses discours mais abandonne ses enfants dans la réalité ? », s’indigne l’étudiant.
La situation est gênante. Car si l’ANBG échoue dans ses missions, c’est l’ensemble de l’administration et de la politique qui se voit interpellé. « L’ANBG ternit l’image de notre 5e République », estime le communiqué de l’AESGFR, qui rappelle que l’agence est placée sous l’autorité directe de la Présidence. Alors, comment justifier une telle inertie, quand il s’agit de quelques dizaines de jeunes à l’étranger ?
Les étudiants en Russie ne demandent ni faveur, ni indulgence. Ils exigent simplement le respect de leurs droits et un minimum de considération. « Nous refusons de rester silencieux face à la souffrance croissante de nos membres », affirme le communiqué de l’AESGFR. « C’est un grand cri de détresse et de désespoir que nous lançons. »
La situation est critique. Les conséquences à court terme sont académiques, administratives, psychologiques. À long terme, elles pourraient bien être diplomatiques et politiques. Car en négligeant ses enfants à l’étranger, le Gabon se fragilise lui-même.
Ce drame discret soulève des questions urgentes : qui assume la responsabilité de ce chaos de gestion ? L’ANBG sera-t-elle réformée en profondeur ? La Présidence entend-elle ce cri, ou préfère-t-elle détourner le regard ? Dans cette affaire, il ne s’agit plus seulement de chiffres. Il s’agit d’humanité, de respect, et d’un minimum de cohérence entre les discours et les actes.
À l’heure où le Gabon aspire à construire une nation nouvelle, la situation des étudiants en Russie rappelle une vérité simple mais essentielle : il n’y aura pas de renaissance sans justice, ni de grandeur sans respect de ses citoyens.

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