Des révélations accablantes émergent sur l’utilisation abusive de l’ibogaïne, principe actif de la plante sacrée gabonaise, dans des expérimentations secrètes menées sur des prisonniers afro-américains dans les années 1950. Face à ce scandale longtemps dissimulé, l’ONG Blessings of the Forest demande justice et reconnaissance des droits du Gabon sur son patrimoine traditionnel. Engagée dans la conservation et la valorisation durable et équitable du patrimoine naturel et culturel du Gabon, en particulier au bénéfice des peuples autochtones et traditionalistes du pays, cette ONG pose une question brûlante : jusqu’à quand le Gabon restera-t-il muet face à cette spoliation de son patrimoine spirituel et culturel ?

De la forêt sacrée au laboratoire secret : quand l’Amérique a volé l’âme de l’iboga pour torturer les siens. Si l’iboga soigne les âmes au Gabon, la CIA l’a transformée en poison pour briser les esprits. © GabonReview

 

Yann Guignon est un consultant franco-gabonais, spécialiste de la médiation interculturelle et du développement durable, particulièrement en Afrique subsaharienne et au Gabon. Il est le fondateur et président de l’ONG Blessings Of The Forest (BOTF), une organisation internationale dédiée à la conservation et à la promotion durable du patrimoine naturel et culturel des peuples autochtones du Gabon, notamment autour de la plante sacrée iboga. © D.R.

Libreville / Denver – L’iboga est l’un des trésors les plus précieux du patrimoine naturel et culturel du Gabon. Plante sacrée au cœur des traditions initiatiques gabonaises notamment bwitistes, il est aussi un symbole de soin, de transmission et d’identité. Mais ce que peu de Gabonais savent, c’est que l’ibogaïne, son principe actif, a été utilisée dans des expérimentations secrètes et profondément immorales orchestrées par la CIA dans les années 1950, sur des prisonniers afro-américains aux États-Unis.

Une enquête indépendante, désormais vérifiée et rendue publique (MKIBOGAINE VERIFIED), révèle que dès 1955, au sein de l’hôpital fédéral de Lexington (Kentucky), huit détenus afro-américains, anciennement dépendants à la morphine, ont été soumis à de fortes doses d’ibogaïne (jusqu’à 300 mg) dans le cadre du programme MK-Ultra, avec pour objectif non pas de les soigner, mais de provoquer un état proche de la folie – une psychose expérimentale destinée à servir des intérêts de guerre psychologique. Ces hommes n’ont jamais donné de consentement libre et éclairé. Ils ont été manipulés, incités par des récompenses sous forme de drogues ou d’avantages pénitentiaires. Une exploitation raciale et médicale orchestrée par une superpuissance, sur la base d’un savoir africain arraché à son contexte sacré.

Ce crime historique a été dissimulé pendant des décennies, jusqu’à ce que des rapports du Sénat américain et des documents déclassifiés viennent confirmer l’implication directe de la CIA. Et pourtant, cette vérité reste largement ignorée par les autorités gabonaises et le grand public. Pourquoi ce silence ? Pourquoi le Gabon, dépositaire de l’iboga, n’a-t-il jamais été consulté, encore moins indemnisé ? Pourquoi les gardiens du savoir traditionnel n’ont-ils pas été associés à ces débats internationaux ?

Il est temps d’agir.

En tant que président de l’ONG Blessings of the Forest (BOTF), je dénonce avec force cette appropriation non éthique et cette instrumentalisation raciste d’un patrimoine spirituel gabonais. Il est inconcevable qu’une plante aussi profondément enracinée dans la culture Bwiti ait pu être utilisée pour asservir au lieu de soigner. Cette affaire symbolise à elle seule les dangers de la biopiraterie, de la colonisation scientifique, et de la violence institutionnelle exercée sur les corps racisés.

Nous annonçons que notre organisation sera présente fin  juin 2025 à la Conférence internationale sur les psychédéliques à Denver, Colorado, afin de porter cette voix au plus haut niveau. Nous y défendrons les droits du Gabon, de ses communautés traditionnelles, et nous exigerons que toute recherche internationale sur l’iboga respecte les principes du Protocole de Nagoya sur le consentement préalable, l’accès équitable aux ressources génétiques et le partage des avantages.

Nous appelons :

  • Le gouvernement gabonais à ouvrir une commission d’enquête sur l’histoire contemporaine de l’iboga et à exiger des comptes auprès des institutions concernées ;
  • Les Nations Unies à reconnaître officiellement ces abus comme des violations éthiques majeures ;
  • La communauté scientifique et les promoteurs de la médecine psychédélique à mettre en œuvre des partenariats réellement équitables, incluant les détenteurs du savoir gabonais.

L’iboga n’est pas une molécule. C’est un lien. Un lien entre les vivants, les ancêtres et les forêts. L’histoire de son usage ne peut continuer à s’écrire sans le Gabon.

Yann Guignon, président de l’ONG Blessings of the Forest (BOTF)

 
GR
 

2 Commentaires

  1. TataYo dit :

    AKEWAKIBA MALOUMBI DIBOTY BLESSINGSOFTHEFOREST.org !!!

  2. ACTU dit :

    C’est bien beau cette prise de position .

    Mais qui vous a autorisé à parler au nom du Gabon et de sa culture.

    ce n’est pas le Bwiti qui a permis la decouverte de cette plante .Il en existent d autres similaires dans nos forets utilisees pour soigner et bien d’autres usages.

    D’ailleurs une plante peut se reproduire a l’infinie sans appartenir a quelqu’un .

    L’iboga pousse sur toute l’etendue du bassin du Congo et en Amerique Latine ( Zone Tropicale Chaude et humide..)

    Le Gabon a -t-il deposer un brevet ou licence pour s’en appropier comme le sont certains Ceps de vignes et autres especes a Madagascard? J’en doute?

    Quels seront les (Grounds) motifs de ce type de Claim?

    De plus si l’origine des faits remonte aux annee 1955 ,le Gabon n’existait pas encore ?ce qui suppose qu’il faudra inclure la France votre pays, qui avait l’administration de notre pays à cette époque precise!

    Il ne vous est pas interdit de faire votre travail. mais laisser le Gabon et les

    Gabonais gerer cela si cela . Nous n’avons pas besoin de votre intermediation ou le

    Gabon et les Gabonais ne vont servir que de FAIRE-VALOIR aux intérêts de l’association.. Blessings of the Forest…

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