Le vent du changement qui souffle sur le Gabon n’a visiblement pas la même intensité pour tous. Tandis que l’histoire s’écrit en lettres de renouveau, certains vétérans du Parti Démocratique Gabonais s’accrochent encore à leur passé glorieux, feignant une conversion opportune à la nouvelle ère. Mais derrière ces démissions spectaculaires, s’agit-il d’un sincère élan patriotique ou d’une ultime manœuvre pour rester dans les cercles du pouvoir ? L’analyste politique Michel Ndong Esso (régulier de GabonReview) lève le voile sur cette délicate question de la retraite politique et du difficile passage de témoin.

«Même en fondant leur démarche sur le prétexte d’accompagner le Chef de l’Etat, les dignitaires démissionnaires du PDG doivent se rendre à l’évidence : leur époque est révolue. Et bien qu’il n’y ait pas un âge fixe pour la retraite en politique, il faut savoir quitter la scène tête haute», dixit Michel Ndong Esso. © GabonReview

 

Analyste politique, Michel Ndong Esso, est professeur certifié de philosophie et président fondateur de la plateforme le Sixième Uni © D.R. 

L’opinion publique nationale a été secouée le 09 mai dernier par la démission collective d’un groupe de dignitaires du Parti Démocratique Gabonais. Sous le prétexte de vouloir accompagner le nouveau pouvoir, ces briscards de la politique ont rompu les amarres avec le parti qui leur a tout donné. Mais après avoir fait la pluie et le beau temps sous le régime Bongo, peuvent-ils convaincre de la sincérité de leur initiative ? A tort ou à raison, une large frange de l’opinion voit en leur démarche une subtile tentative de refaire peau neuve au lieu de passer le flambeau. Dès lors, le moment n’est-il pas venu pour René Ndémezo’o Obiang, Emmanuel Ondo Méthogo et Daniel Ona Ondo de faire valoir leur droit à la retraite comme l’ont fait Zacharie Myboto et Paul Mba Abessole ?

Un positionnement ambigu 

Pour bon nombre de Gabonais, les vagues de démissions au sein du PDG depuis l’élection de Brice Clotaire Oligui Nguema à la magistrature suprême traduisent l’ambiguïté du positionnement actuel de ce parti. Ejectée du pouvoir à la suite du coup d’Etat militaire du 30 août 2023, la plus ancienne formation politique du Gabon était promise à un avenir incertain. Accusés de tous les péchés, ses cadres étaient censés faire profil bas pour échapper à la vindicte populaire. Mais dans la réalité des faits, il y a eu plus de peur que de mal pour les anciens soutiens d’Ali Bongo. Contre toute attente, les premières nominations du CTRI ont propulsé de hauts dignitaires du PDG à la tête des institutions phares. Dans sa démarche inclusive, le nouveau pouvoir a cru bon de faire recours aux anciens, ceux qui ont une expérience avérée dans la gestion des affaires publiques. Sans le dire ouvertement, Brice Clotaire Oligui Nguema a ainsi accordé un sursis aux cardes du PDG. Et l’effet se fera ressentir dans l’immédiat, puisqu’à son tour, le parti basé à Louis soutiendra ouvertement toutes les initiatives du nouvel homme fort de Libreville. Que ce soit lors du referendum ou, encore mieux, au cours de la campagne pour l’élection présidentielle, le PDG s’est systématiquement rangé derrière les autorités de la transition. Ancien parti au pouvoir, il est alors devenu un parti du pouvoir, acquis à la solde de son bourreau.

Pour ajouter une couche à cette ambigüité, l’aile dissidente menée par Ali Akbar Onanga et Francis Nkéa, entre autres, conteste depuis plusieurs mois la légalité du dernier congrès du parti. Se disant légaliste, cette tendance revendique purement et simplement son ancrage dans l’opposition radicale, désapprouvant ainsi l’idée d’un quelconque rapprochement avec l’actuel pouvoir. Même s’ils drainent très peu de monde jusqu’à présent, leur parole est néanmoins assez audible pour semer la confusion dans l’opinion.  En fait, cette situation de bicéphalisme assombrit un peu plus le ciel au-dessus du PDG. En plus d’avoir perdu le pouvoir, ses dirigeants devront encore s’affronter devant les tribunaux et les médias pour trancher ce conflit interne. Comme s’ils n’avaient pas déjà assez de problèmes à régler. Pour certains dignitaires, c’est là une raison suffisante pour avoir des envies d’ailleurs. Et comme personne ne sait vraiment de quoi sera fait le futur avec la probable création d’un parti présidentiel autour de Brice Clotaire Oligui Nguema. Faut-il rester au PDG par loyauté ou partir par opportunisme ? Confrontés à ces interrogations, les dignitaires démissionnaires du Woleu-Ntem semblent avoir une idée en tête.

Savoir passer le flambeau

Mais un problème délicat se pose à eux. Le poids de l’âge et surtout leur longévité dans l’ancien régime ne sont pas de nature à faciliter un éventuel retour au-devant de la scène. En plus d’être opportuniste, leur démarche risque de sonner comme un refus de passer le flambeau à la nouvelle génération.

Il est vrai qu’en Afrique, l’idée de prendre la retraite politique n’a pas forcement pignon sur rue.  Dans une sous-région où la gérontocratie est en vogue, les politiques ont tendance à vouloir régner ad vitam aeternam.  Mais il y a un temps pour tout. Il y a un temps pour régner et un autre pour partir. Même en fondant leur démarche sur le prétexte d’accompagner le Chef de l’Etat, les dignitaires démissionnaires du PDG doivent se rendre à l’évidence : leur époque est révolue. Et bien qu’il n’y ait pas un âge fixe pour la retraite en politique, il faut savoir quitter la scène tête haute.

Comme Zacharie Myboto et Paul Mba Abessole, ces dignitaires gagneraient eux aussi à suivre la voie de la sagesse. Après tout, quoi de mieux qu’une retraite bien méritée lorsqu’on a profité des largesses du pouvoir toute sa vie. Mais si René Ndémezo’o Obiang et ses compères s’entêtent à vouloir se repositionner, ils sortiront inévitablement par la petite porte. Pour avoir incarné l’ancien régime pendant des décennies, les populations ne manqueront pas de leur demander des comptes.  Et s’ils ont jusqu’à présent échappé à l’admonestation, cela ne veut pas dire qu’ils sont absous de leurs péchés. Pour avoir longtemps siégé au Parlement et au Gouvernement, ils ont aussi une part de responsabilité dans les maux qui accablent les Gabonais. De plus, quel exemple donneront-ils à la jeunesse en s’accrochant aux honneurs et aux privilèges ? Pourront-ils se prévaloir d’avoir été des modèles pour les futures générations?

Dans tous les cas, osons croire que ces patriarches retrouveront un peu de bon sens. Le temps pour eux de se rendre à l’évidence que les règles du jeu ne sont plus les mêmes ; que les temps et les acteurs aussi ont changé. Brice Clotaire Oligui Nguema n’est pas Omar Bongo et ne sera jamais Ali Bongo.  Contrairement à ce qui se faisait par le passé, l’instigateur de la Ve République a besoin d’être entouré de collaborateurs dévoués à la nation et porteurs de valeurs patriotiques. En fin de compte, si les dignitaires démissionnaires du PDG veulent quitter la scène avec mention honorable, par ici la retraite.

Michel Ndong Esso

Analyste politique Gabonais, Président fondateur de la plateforme le Sixième Uni

 
GR
 

2 Commentaires

  1. Nathan DZIME NGOGO dit :

    Ha ha ha!

    Amen, M. Ndong!

    Patriotiquement Vôtre!

  2. DesireNGUEMANZONG dit :

    « En plus d’être opportuniste, leur démarche risque de sonner comme un refus de passer le flambeau à la nouvelle génération « .

    Monsieur Alain-Claude Billie-by-Nzé déclarait que: « Le PDG n’a pas l’intention de passer le relai ». Quelle que soit la nature des changements, le PDG n’a pas l’intention d’abandonner le pouvoir. D’ailleurs, une formule revient à la fin de chaque discours d’un communicant du PDG : » Le PDG est dans l’R du temps ». C’

    On peut le percevoir comme une tentative de « garder les rênes du pouvoir » et à ne jamais le céder.

    C’est une grossière erreur politique. Le PDG a bel et bien perdu le pouvoir. Quand une partie de ce parti donne l’illusion d’être toujours dans le coup; l’autre plus réaliste s’inscrit dans une opposition émergente.

    L’attitude des cadres du Woleu-Ntem est le révélateur d’un PDG qui veut s’accrocher au pouvoir. Dans ce cas, pourquoi demissionnent-ils alors que ce
    parti a ouvertement soutenu Monsieur Brice Clotaire Oligui Nguema?
    Ils ne représentent pas 94.85% des voix. Ces huit (8) individus représentent :

    8÷620.000, soit 0.0000129 ou 0.0013%.

    Vous avez perdu « le fromage, le beurre, la vache et la crémerie ». Aux temps chauds, vous chantiez à gorge déployée. Maintenant, dansez et profitez d’une
    retraite paisible!

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