Mort suspecte de Jerry Moussounda Nguembi : six mois à la morgue, un général dans l’ombre et SOS prisonniers Gabon en alerte

L’ONG SOS prisonniers Gabon a dit, ce mercredi 14 mai, avoir officiellement saisi le ministre de la Justice, Garde des Sceaux chargé des Droits de l’Homme, afin de réclamer l’ouverture d’une enquête indépendante et impartiale sur la mort de Jerry Moussounda Nguembi, un jeune Gabonais décédé dans des circonstances troubles en novembre dernier. Les faits rapportés par SOS prisonniers sont d’une gravité exceptionnelle, impliquant des membres de l’armée en pleine transition militaire et pointant un système d’impunité solidement enraciné.

Jerry Moussounda Nguembi de son vivant. © SOS prisonniers
Qui a tué Jerry Moussounda Nguembi. Six mois après sa mort, SOS prisonnier remet sur la table, cette question qui semble valoir son pesant d’or. Le 8 novembre 2024, rappelle l’ONG, Jerry Moussounda Nguembi est appréhendé dans le quartier Mindoumbé pour des faits présumés de vol. Ce que révèlent aujourd’hui les investigations menées par SOS prisonniers, c’est que le jeune homme n’aurait pas été conduit directement au commissariat, comme le prévoit la procédure. Il aurait été détenu au domicile de la mère d’un général identifié sous les initiales de BAF, un haut gradé de l’armée gabonaise.
Des représailles contre la famille
Là, selon l’ONG, il aurait été torturé jusqu’à ce que mort s’en suive. Le corps, ligoté, aurait ensuite été transporté à l’arrière d’un véhicule Mitsubishi blanc double cabine, et appartenant à la santé militaire, jusqu’au commissariat du 5e arrondissement (Sogatol). L’agent de permanence, désigné par les initiales S.N, aurait alors constaté le décès et alerté le procureur de la République. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Quelques jours après la mort de Jerry Moussounda Nguembi, son frère aîné est interpellé et placé en garde à vue par la BAC. Son tort ? Avoir envoyé un message au général BAF, l’interpellant directement sur le sort de son frère cadet.
Il aurait été menacé, intimidé, et privé de liberté plusieurs jours. Selon SOS prisonniers, malgré l’examen d’un médecin légiste, sollicité par la famille, qui conclut à une mort consécutive à une agression physique, aucune enquête n’a été ouverte. Aucun signalement judiciaire, aucune autopsie officielle, aucun responsable auditionné. Face à ce qu’elle qualifie de déni de justice, l’ONG a décidé de saisir officiellement, ce mercredi 14 mai 2025, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, chargé des Droits humains. «Nous demandons l’ouverture d’une enquête sérieuse, indépendante et impartiale afin que les auteurs de ce crime crapuleux soient punis conformément à la loi», a indiqué SOS prisonnier.
Un appel solennel à la justice
Et de poser, en des termes sans détour : «dans un État de droit comme le nôtre, peut-on se faire justice soi-même ? Les pauvres n’ont-ils pas droit à la justice ? Leurs vies ont-elles moins de valeur ?» Un questionnement qui résonne comme un cri de détresse autant qu’une interpellation politique et morale dans un Gabon qui se veut «nouveau». L’ONG souligne que depuis six mois, les démarches entreprises par la famille auprès des autorités restent sans réponse et affirme que le corps de Jerry Moussounda Nguembi n’a toujours pas été inhumé. Le nom du général BAF, bien que cité dans les échanges, n’apparaît à ce jour dans aucune procédure officielle.
Son implication supposée, de même que l’utilisation d’un véhicule militaire pour transporter un corps sans vie, soulèvent des questions lourdes de conséquences pour l’institution militaire. Pourquoi la justice reste-t-elle muette ? Y a-t-il une volonté de couvrir les faits ? Qui protège qui, dans cette affaire ? Autant de questions qui hantent les proches de la victime et les défenseurs des droits humains. Pour SOS prisonniers, cette affaire ne doit pas être enterrée. «Nul n’a le droit d’ôter la vie à son prochain, quelle que soit la raison», a lancé l’ONG.

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