À l’approche de la COP30 qui se tiendra au Brésil en novembre prochain, une nouvelle dynamique semble s’imposer dans les négociations climatiques internationales. Alors que le président désigné de cette conférence appelle à dépasser les mécanismes traditionnels jugés désormais insuffisants, la question se pose pour les nations du bassin du Congo. Adrien NKoghe-Mba* analyse avec pertinence le «biais du lampadaire» qui pourrait piéger le Gabon dans une diplomatie climatique obsolète, et invite le pays à sortir des sentiers battus pour devenir un véritable acteur d’avant-garde dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Continuons-nous à chercher la clé de notre avenir sous le lampadaire de l’ancien multilatéralisme climatique ? Ou osons-nous nous aventurer là où la lumière est moins forte, mais où les vraies solutions se cachent ? © GabonReview

 

Il y a cette vieille image, toujours frappante. Un homme cherche ses clés sous un lampadaire. Un passant lui demande : « Tu les as perdues ici ? » — « Non, mais c’est là qu’il y a de la lumière. »

C’est ce qu’on appelle le biais du lampadaire. Et c’est exactement ce qu’André Corrêa do Lago, président désigné de la COP30 de Belem qui se tiendra du 10 au 21 novembre au Brésil, a pointé dans deux lettres qu’il a adressées, en mars puis en mai 2025, aux quelque 200 pays participants — dont le Gabon, bien entendu.

Dans la première lettre, datée du 10 mars, il ne tourne pas autour du pot : les institutions issues de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) « ont atteint leurs limites ». Elles ont permis des avancées importantes, mais elles ne suffisent plus pour mettre en œuvre les décisions. Les négociations permanentes sont devenues une fin en soi.

La seconde lettre, diffusée le 8 mai, va plus loin encore. Corrêa do Lago y parle du « syndrome de la dernière guerre » : une forme d’aveuglement collectif qui nous pousse à employer des méthodes anciennes face à des défis qui, eux, ont muté. Il appelle à une nouvelle ère. Une ère de mobilisation concrète, locale, globale, citoyenne. Une ère de refondation des outils de gouvernance, de nouveaux mécanismes. Une ère qui dépasse les cycles de négociation et entre de plain-pied dans l’action.

Et c’est ici que nous, Gabonais, devrions nous poser une question difficile, mais essentielle.

Le discours officiel du Gabon est clair : nous demandons à la communauté internationale de reconnaître, et de récompenser, nos efforts de préservation forestière. Une position cohérente avec l’esprit des mécanismes comme REDD+, bâtis dans le cadre de la CCNUCC. Une posture de responsabilité environnementale, oui — mais aussi une posture qui suppose un échange : nous protégeons, vous financez.

Mais cette logique — Corrêa do Lago le dit clairement — appartient au cadre institutionnel dont il affirme qu’il est aujourd’hui dépassé.

Alors : que faisons-nous de cette lucidité ?

Continuons-nous à chercher la clé de notre avenir sous le lampadaire de l’ancien multilatéralisme climatique ? Ou osons-nous nous aventurer là où la lumière est moins forte, mais où les vraies solutions se cachent ? Dans l’innovation locale. Dans la mobilisation populaire. Dans la diplomatie climatique proactive, pas seulement réactive. Dans la proposition, pas seulement la demande.

Corrêa do Lago appelle l’Amazonie à devenir un territoire d’avant-garde. Et nous, le bassin du Congo, que faisons-nous ? Allons-nous attendre que le projecteur se rallume à Paris ou à New York ? Ou allons-nous prendre la torche et marcher devant ?

La COP30 est encore loin, mais les lettres ont déjà été envoyées. Le Gabon les a reçues. Préparons-nous à cette nouvelle ère.

*Directeur général de l’Institut Léon Mba et président de l’association Les Amis de Wawa pour la préservation des forêts du bassin du Congo.

 

 
GR
 

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