Quand une métaphore footballistique percutante dévoile comment un pays, le Gabon, abritant l’un des plus importants puits de carbone au monde reste paradoxalement marginalisé dans la course aux fonds verts. Alors que le Bassin du Congo – « Messi coincé en Ligue 2 » – continue d’être éclipsé par l’Amazonie sur la scène internationale, Adrien NKoghe-Mba* propose un diagnostic sans complaisance et dessine les contours d’une stratégie pour que le Gabon transforme enfin ses atouts environnementaux en victoires concrètes.

Le Gabon a le maillot et les crampons, il s’entraîne dur sur la rhétorique, il connaît l’hymne… mais quand vient le coup d’envoi, on le cherche sur la pelouse… et il n’est pas là. © GabonReview

 

Le 8 mai dernier, à l’occasion de son tout premier Conseil des ministres de la Ve République, le chef de l’Etat a donné le ton de son action : méthode, clarté, exigence. Il a demandé à chaque administration de produire un état des lieux structuré et exhaustif. Un exercice de lucidité nécessaire pour jeter les bases d’un véritable portefeuille national de projets.

Cette chronique s’inscrit dans cette dynamique. Elle n’a pas pour ambition d’être un rapport technique, mais elle entend participer, à sa manière, à cette volonté de diagnostic. En posant un regard sans complaisance sur un paradoxe national : pourquoi le Gabon, si souvent cité en exemple pour sa politique environnementale, reste-t-il largement absent des radars des financements climatiques internationaux ?

Si la planète était un terrain de foot, la transition écologique serait la Coupe du Monde. Les bailleurs internationaux seraient les sponsors, les projets verts, les ballons, et les financements climatiques… les coupes. Et dans cette grande compétition du XXIe siècle, tout le monde veut jouer. Tout le monde veut marquer. Tout le monde veut être sur la photo du podium.

Et puis, il y a le Gabon.

Le Gabon adore parler de climat. Il a le maillot et les crampons, il connaît l’hymne, il arrive en conférence de presse avec un discours sur la forêt, le carbone et la planète. Il s’entraîne dur sur la rhétorique. Mais quand vient le coup d’envoi — celui des choix des pays à rétribuer — on le cherche sur la pelouse… et il n’est pas là. Absent du top 20 des pays africains qui mobilisent les fonds climatiques, selon le très sérieux Landscape of Climate Finance in Africa 2024. Les dix premiers (Afrique du Sud, Égypte, Nigeria, etc.) raflent près de 50 % des fonds. Le Gabon ? Sur le banc. À regarder le match, peut-être, mais sans toucher le ballon.

Le joueur invisible du match mondial

Et pourtant, le Gabon est assis sur une mine d’or verte : plus de 88 % de couverture forestière, une biodiversité exceptionnelle, un potentiel carbone immense. Sur le papier, c’est un atout-maître. Sur le terrain, c’est une énigme. Pourquoi ce pays-forêt, souvent salué pour sa politique de conservation, est-il autant à la traîne lorsqu’il s’agit de capter les fonds climatiques ?

Réponse : parce qu’il y a une différence entre avoir le talent et savoir jouer le jeu.

Le Bassin du Congo, c’est Messi en Ligue 2

Il y a un vrai problème de notoriété. Le Bassin du Congo est le premier puits de carbone terrestre de la planète. Il absorbe plus de carbone qu’il n’en émet. Et pourtant, il reste l’inconnu du climat. On parle de l’Amazonie comme on parle de Pelé. De l’Arctique comme on parle de Ronaldo. Mais le Bassin du Congo ? On dirait Messi coincé dans une ligue régionale sans télévision. Invisible. Ignoré. Non monétisé.

Résultat : pas de sponsors, pas de fans, pas de contrat.

Le climat, ce n’est pas juste une question de vertu, c’est une question de visibilité

Dans un monde où les financements sont aussi politiques que techniques, il ne suffit pas de faire le bien : il faut le faire savoir. Il faut des projets calibrés, des récits convaincants, des équipes qui parlent la langue des bailleurs. C’est ce que font avec maestria le Maroc, le Kenya ou l’Afrique du Sud : ils jouent stratégiquement, ils savent vendre leurs projets, ils savent où est le but.

Le Gabon, lui, dribble tout seul. Et réclame un penalty pour faute… de reconnaissance.

Encore temps de remonter en ligue 1

La réunion de Zanzibar, à l’approche de la COP30, marque peut-être un tournant. Le Gabon y a réaffirmé son ambition, plaidé pour un financement sans dette, et tenté de relancer le storytelling autour du Bassin du Congo. C’est un bon début. Mais maintenant, il faut jouer avec le cœur. Proposer des projets crédibles, mobiliser ses partenaires, construire une coalition africaine autour de cette forêt trop longtemps négligée par la communauté internationale.

Le monde du climat est en pleine prolongation. Et la fenêtre de tir se réduit. Soit le Gabon transforme ses atouts en stratégie gagnante et entre enfin sur le terrain et marque des buts, soit il continuera de regarder les autres soulever la coupe, depuis les tribunes.

Top 20 des pays africains pour les financements climatiques et montant perçu en milliards de FCFA selon le rapport Landscape of Climate Finance in Africa 2024 publié par la Climate Policy Initiative (CPI)

1 . Afrique du Sud (3720)

2 . Egypte (3420)

3 . Nigeria (1500)

4 . Maroc (1440)

5 . Kenya (1380)

6 . Éthiopie (1200)

7 . Mozambique (1080)

8 . Ouganda (960)

9 . Rwanda (900)

10 . Senegal (840)

11 . Côte d’Ivoire (780)

12 . Tanzanie (720)

13 . Ghana (660)

14 . République démocratique du Congo (600)

15 . Zambie (540)

16 . Malawi (480)

17 . Burkina Faso (420)

18 . Mali (360)

19 . Madagascar (300)

20. Niger (240)

*Directeur général de l’Institut Léon Mba et président de l’association Les Amis de Wawa pour la préservation des forêts du bassin du Congo.

 

 
GR
 

1 Commentaire

  1. evariste dit :

    Exemples multiples : aucune utilisation du solaire à grande echelle dans notre pays,
    aucune incitation à récupérer l’eau de pluie pourtant abondante
    , les pneus brulés au vu de tous sur les bords de la N1,
    la Baie des Rois, soit disant modèle écolo, connecté à la SEEG.
    Un compatriote se morfond avec un box solaire qui devrait etre pris en exemple, 1er prix du salon industriel, 0 enveloppe, 0 interet de l’ex maitresse du général, ex-maitresse du Banquier, propulsée malgré ses détournements de fonds à la tête d’un fond vert virtuel

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