Soft Power : Le Gabon doit désormais boxer dans sa catégorie !

Classé 43e sur 54 pays africains dans le Global Soft Power Index 2025, le Gabon peine à transformer ses atouts écologiques en influence internationale. Pendant que ses voisins de la Cemac et de l’Uemoa rayonnent par leur diplomatie culturelle, le pays reste invisible aux yeux du grand public mondial, malgré son leadership reconnu en matière de préservation environnementale. Adrien NKoghe-Mba* décortique ici les raisons de ce décalage entre substance et visibilité, et propose une stratégie audacieuse : mobiliser la diaspora gabonaise comme fer de lance d’un soft power enfin à la hauteur des ambitions du pays. Un appel à passer de l’exemplarité silencieuse à l’influence assumée.

Le Gabon boxe en dessous de sa catégorie. Mais rien ne l’empêche de monter sur le ring avec ses meilleurs atouts. © GabonReview
Un classement qui dérange
Le Global Soft Power Index 2025 place le Gabon à la 43e position sur 54 pays africains. Ce classement, établi par Brand Finance, ne mesure ni la richesse ni la puissance militaire. Il évalue ce que l’on appelle l’influence douce : la capacité d’un pays à séduire, inspirer, convaincre, par sa culture, ses valeurs, son engagement, son image.
Autrement dit, ce que le monde pense de nous, et pourquoi il aurait envie de se rapprocher du Gabon plutôt que d’un autre. Cette année, le message est clair : le Gabon n’inspire pas encore ce qu’il pourrait. Ce constat devient d’autant plus frappant lorsqu’on regarde les locomotives régionales. Du côté de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) , la Côte d’Ivoire (9e) et le Sénégal (11e) avancent comme des puissances d’influence assumées. Dans la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale) , notre propre espace communautaire, le Cameroun se classe 15e, loin devant nous. Deux blocs, deux dynamiques. Et au sein de la CEMAC, le Gabon est pourtant censé être l’autre pilier. Mais il n’occupe pas la place qui devrait être la sienne.
Une carte écologique, encore peu traduite en influence globale
Dans les cercles spécialisés, le Gabon est reconnu comme un leader en matière de préservation de l’environnement. Son engagement climatique, sa couverture forestière exceptionnelle, sa politique de conservation et son empreinte carbone négative sont régulièrement salués dans les forums internationaux, les conférences scientifiques et les rapports des grandes institutions.
Mais cette reconnaissance, pour réelle qu’elle soit, reste confinée à des espaces techniques, diplomatiques ou académiques. Elle n’a pas encore franchi la frontière de l’opinion publique internationale. Le Gabon est respecté par les experts, mais invisible aux yeux du grand public mondial.
Et c’est précisément ce déficit de notoriété globale qui explique en partie notre faible position dans le Global Soft Power Index. Si notre leadership écologique était mieux connu, mieux incarné, mieux raconté à l’échelle internationale, le Gabon figurerait logiquement parmi les pays africains les plus influents.
Protéger, agir, innover — tout cela, nous le faisons. Mais dans le monde d’aujourd’hui, ce n’est pas suffisant si cela ne devient pas une image, une voix, un récit. Car l’influence, en 2025, ne récompense pas seulement la substance : elle récompense aussi la visibilité.
Ce que font les autres
Pendant que le Gabon se montre exemplaire en silence, d’autres pays ont compris comment faire rayonner leurs atouts. La Côte d’Ivoire diffuse l’image d’un pays jeune, créatif, entreprenant. Le Sénégal capitalise sur une diplomatie culturelle et intellectuelle forte. Le Cameroun valorise la vitalité de sa scène culturelle, de ses universitaires et de sa société civile.
Ces pays ont compris que l’influence est une affaire de récits portés par des voix multiples. Ils mobilisent leurs diasporas, leurs penseurs, leurs artistes, leurs communicants. Ils nourrissent une présence dans les esprits, au-delà des frontières.
Le Gabon a sa force douce : sa diaspora verte
Le Gabon a une ressource comparable, mais encore largement sous-exploitée : sa diaspora.
Partout dans le monde, des Gabonaises et des Gabonais engagés sur les enjeux environnementaux portent déjà, à leur manière, les valeurs de notre patrie.
En Allemagne, Liliane Petety Mukagatare incarne avec l’Institut Alfred Wegener pour la recherche polaire et marine dans le Project Management une diplomatie climatique rigoureuse et humaine, en défendant une coopération éthique dans les forums internationaux.
En France, plusieurs figures se distinguent par leur engagement de terrain : Hilème Kombila-Ibouanga, juriste en droit public, relie savoirs traditionnels et justice environnementale à travers des projets portés par l’ONG Le Perroquet ; Vanessa Jousia Eyigha Enthou accompagne les structures publiques et privées dans la mise en œuvre de stratégies de transition durable ; et Raïssa Mouketa valorise les ressources de la forêt équatoriale à travers le développement d’actifs dermocosmétiques issus d’un sourcing responsable avec Tropicaltheque.
Au Canada, Désirée Nzamba relie son identité gabonaise aux pratiques locales de durabilité, contribuant à des projets concrets de transition écologique dans les collectivités en Amérique du Nord.
Ces femmes, chacune à sa manière, incarnent un soft power gabonais enraciné dans l’action, la compétence et l’éthique. Mais leurs efforts, pour précieux qu’ils soient, restent encore isolés. Elles pourraient porter beaucoup plus largement le récit d’un Gabon durable, engagé, tourné vers l’avenir, si on leur donnait les moyens d’amplifier leur voix.
Donner à la diaspora les moyens de convaincre
Si l’on veut que le Gabon sorte du bas du classement, il ne suffit pas d’espérer que ces talents parlent du pays. Il faut leur donner les moyens de le faire efficacement. Cela commence par la reconnaissance de leur rôle stratégique, mais cela passe aussi par des outils concrets : des contenus adaptés, multilingues et pédagogiques pour expliquer le modèle gabonais de conservation ; des formations à la communication publique et au plaidoyer environnemental ; des plateformes numériques pour diffuser leurs actions et leurs récits ; des formats adaptés aux contextes locaux pour aller à la rencontre des publics étrangers.
C’est dans les campus, les forums, les mairies, les écoles, les réseaux sociaux que se construit l’image d’un pays. La diaspora gabonaise doit pouvoir y intervenir non pas comme spectatrice, mais comme actrice du récit national. Pour cela, elle doit être équipée, soutenue, connectée.
Une ambition à portée de voix
Le Gabon a tout pour jouer dans une catégorie supérieure. Il a les ressources, les engagements, les visages. Ce qui lui manque, c’est une stratégie cohérente pour transformer ses atouts en influence. Le soft power ne se mesure pas à la surface forestière, mais à la manière dont cette forêt devient un symbole, une histoire, une cause. Il se nourrit de récits humains, d’alliances, de présence.
Il est temps que la voix du Gabon se fasse entendre à la hauteur de ce qu’il protège. Et pour cela, il n’y a pas meilleur relais que sa diaspora, à condition qu’on lui en donne les moyens.
Le Gabon boxe en dessous de sa catégorie. Mais rien ne l’empêche de monter sur le ring avec ses meilleurs atouts : son patrimoine naturel, ses valeurs… et ses enfants, d’ici et d’ailleurs, prêts à le défendre.
Les pays africains les plus influents sur la scène internationale en 2025, selon le Global Soft Power Index
1-Egypte (38è rang mondial)
2-Afrique du Sud (41è)
3-Maroc (50è)
4-Nigeria (77è)
5-Algérie (78è)
6-Tunisie (79è)
7-Ghana (90è)
8-Kenya (92è)
9-Côte d’Ivoire (94è)
10-Tanzanie (95è)
11-Sénégal (102è)
12-Maurice (105è)
13-Madagascar (106è)
14-Rwanda (109è)
15-Cameroun (110è)
16-Ethiopie (111è)
17-Zambie (115è)
18-Centrafrique (1116è)
19-Ouganda (121è)
20-Namibie (123è)
21-RDC (124è)
22-Zimbabwe (125è)
23-Angola (128è)
24-Mali (130è)
25-Libye (133è)
26-Liberia (136è)
27-Mozambique (137è)
28-Congo (138è)
29-Botswana (139è)
30-Soudan (142è)
31-Niger (144è)
32-Guinée 5145è)
33-Seychelles (145è)
34-Soudan du Sud (149è)
35-Mauritanie (150è)
36-Eswatini (154è)
37-Cap-Vert (155è)
38-Gambie (156è)
39-Malawi (158è)
40-Guinée équatoriale (161è)
41-Guinée-Bissau (162è)
42-Bénin (163è)
43-Gabon (164è)
44-Togo (165è)
45-Burkina Faso (166è)
46-Comores (167è)
47-Sierra Leone (169è)
48- Sao Tomé-et-Principe (172è)
49-Burundi (173è)
50-Tchad (176è)
51-Djibouti (177è)
52-Somalie (181è)
53-Lesotho (184è)
54-Erythrée (185è)
*Directeur général de l’Institut Léon Mba et président de l’association Les Amis de Wawa pour la préservation des forêts du bassin du Congo.

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