Eric Woronko est mort : l’esthète controversé du Libreville d’hier s’en est allé

Il aura marqué la capitale gabonaise d’un sceau aussi discret que pérenne. Éric Woronko, entrepreneur influent et figure atypique de la scène économique gabonaise, s’est éteint dans la nuit du 21 juin 2025, à l’âge de 83 ans, à La Rochelle, au domicile de son fils. Il s’y trouvait depuis quelques jours et se préparait à remonter sur Paris.

Eric Woronko avait le souci des lignes droites, même dans une ville pleine de détours. Artisan discret de la monumentalité gabonaise, il laisse derrière lui des pierres et des controverses. © GabonReview (montage)
C’est une silhouette familière des cercles feutrés du pouvoir gabonais qui disparaît. Français de naissance, devenu gabonais par conviction, Éric Joseph Raymond Woronko s’installe au Gabon en 1972, où il bâtit, durant plus d’un demi-siècle, un empire entrepreneurial aux contours aussi divers que stratégiques : mobilier, événementiel, aménagement urbain, construction, pavoisement. À la tête de la société GESTIM, il sera, pendant quinze ans, le gestionnaire des villas présidentielles et le maître d’œuvre des fêtes nationales.
Un épisode, en apparence anodin, dit tout de son empreinte. Au mitan des années 2010, la canopée des badamiers du front de mer de Libreville est brusquement uniformisée, taillée au cordeau. L’opinion publique s’émeut, gronde. Puis, le temps passe. Le scandale devient souvenir, et l’alignement paysager – devenu aujourd’hui ordinaire – porte silencieusement la marque d’un homme pour qui l’esthétique urbaine était affaire de rigueur.
Proche d’Omar Bongo Ondimba, Woronko n’était pas un simple entrepreneur : il fut un notable, un interlocuteur de l’État, parfois même un personnage de l’ombre, jouant des codes sociaux, politiques et culturels du milieu gabonais. On lui doit le Palais de Justice de Libreville, des casernes, et l’empreinte discrète mais tangible de son goût pour l’ordre et le monumental.
Mais l’homme d’affaires, qui se rêvait conservateur des choses et des valeurs, a vu sa réputation s’effondrer au tournant de la décennie 2010. Il est incarcéré puis poursuivi dans une affaire judiciaire dont les détails troubles ont éclipsé un temps ses réalisations. Il était question de viol présumé puis d’attentat à la pudeur supposé sur mineure de moins de 15 ans. Il est finalement relaxé après une longue détention et une requalification des faits. L’affaire laissera une trace, mais sans jamais effacer complètement la figure, ni les pierres posées.
Dans ses dernières années, Woronko tenait un blog personnel, mêlant souvenirs, prises de position et plaidoyers écologiques. S’il a été mécène et mentor de quelques artistes gabonais dont le styliste et créateur de mode Chouchou Lazare, il aimait surtout parler des gorilles, des arbres, et des lignes droites dans les avenues.
Libreville, ville qu’il a tenté de styliser à sa manière, vient de perdre un de ses artisans les plus singuliers.

1 Commentaire
À ceux qui appellent la rédaction de Gabonreview pour la blâmer au sujet de cet article. Retenez ceci :
D’abord, nous n’avons pas occulté son incarcération pour viol présumé. La justice l’a relaxé après un long séjour en prison. Autrement dit, il a payé à la société son acte présumé. Nous ne sommes pas l’appareil judiciaire.
Ensuite, dans une vie humaine, il y a du positif et du négatif. Nous avons fait la part des choses.
Enfin, c’était un personnage public. Annoncer sa mort est dans l’ordre des choses pour un média.
Vous êtes dans l’émotion totale et ce n’est pas en insultant les médias que vous aurez votre catharsis. Nous ne sommes pas lui et ce n’est pas sur nous que vous devez saigner.
Notez que même Adolf Hitler, Joseph Staline ou Pol Pot qui ont commis les pires atrocités sur des dizaines de millions d’humains, sont encore l’objet d’articles de presse.
Le niveau de conscience n’est pas très haut chez nous. Nous avons encore bien du chemin.