Justice gabonaise vs Sylvia Bongo et Cie : entre gel des avoirs et plaintes pour torture

Alors que Sylvia Bongo Ondimba et son fils Noureddin affirment avoir été torturés et réduits au silence pendant leur détention, la justice gabonaise poursuit son offensive judiciaire contre la famille de l’ancien président déchu. Dans une correspondance adressée à la BGFI Holding Corporation, le Procureur de la République a requis le gel de leurs avoirs financiers dans le cadre d’une enquête toujours en cours. Ce nouvel épisode alimente davantage un feuilleton politico-judiciaire déjà explosif.

Alors que Sylvia Bongo Ondimba et son fils Noureddin affirment avoir été torturés et réduits au silence pendant leur détention, la justice gabonaise poursuit son offensive judiciaire contre la famille de l’ancien président déchu. © D.R.
C’est un rebondissement de plus dans la saga judiciaire opposant l’État gabonais à la famille Bongo. Dans une lettre datée du 4 juillet 2025, le procureur de la République près le tribunal de première instance de Libreville, Bruno Obiang Mve, a adressé une réquisition au président-directeur général de la BGFI Holding Corporation. Objet : gel des avoirs de trois sociétés liées à l’ancienne Première Dame, Sylvia Bongo Ondimba, et à deux de ses enfants, Jalil et Noureddin Bongo.
Selon cette correspondance, le ministère public demande « la réquisition à personne qualifiée et le gel des avoirs des sociétés SELCOS SA (appartenant à Sylvia Bongo), CAPELLA SA (à Jalil Bongo Ondimba) et AQUARIUS (à Noureddin Bongo Valentin) ». La BGFI Holding Corporation est également invitée à produire les soldes des comptes concernés, dans le cadre d’une procédure judiciaire encore en instruction.
Cette mesure s’inscrit dans le prolongement des poursuites engagées dès septembre 2023 contre l’ancienne Première Dame et son fils Noureddin, pour une série de chefs d’accusation allant du détournement de fonds publics au blanchiment de capitaux, en passant par la corruption, l’usurpation de titres, le recel et l’association de malfaiteurs. Des infractions que les intéressés contestent fermement.
En effet, le 3 juillet dernier, à peine quelques semaines après leur exfiltration du Gabon par la communauté internationale, notamment sous l’impulsion de l’Union africaine, Sylvia et Noureddin Bongo ont publié une déclaration commune fracassante. Ils affirment avoir été violemment torturés durant leurs 20 mois de détention à Libreville, aussi bien à la prison centrale que dans les sous-sols du palais présidentiel. Fouets, électrocutions, simulations de noyade… Les allégations sont graves et visent directement des éléments militaires proches du président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema.
Mère et fils déclarent par ailleurs avoir été contraints de signer des documents, y compris des cessions d’actifs familiaux, sous la menace et dans le but, selon eux, de « légitimer » la confiscation de leurs biens. Allant plus loin, ils affirment détenir des preuves audio et vidéo qu’ils entendent remettre à la justice française, qui a d’ores et déjà ouvert une enquête sur les traitements qui leur auraient été infligés.
Le gel des comptes bancaires, réclamé par le parquet, apparaît ainsi aux yeux de la famille Bongo comme un levier supplémentaire pour neutraliser toute contestation publique. Anticipant une éventuelle condamnation par contumace, ils dénoncent un « faux procès » téléguidé par les nouvelles autorités, et promettent de se battre pour que la vérité éclate, y compris sur la place publique.
Dans ce duel tendu entre des accusés qui se posent en victimes d’un pouvoir de transition brutal, et une justice qui se dit déterminée à faire la lumière sur des décennies de gestion controversée, chaque acte judiciaire devient un signal politique. Le gel des avoirs annoncé en est un de plus glaçant pour certains, calculé pour d’autres.
Un feuilleton qui, visiblement, n’a pas encore livré son dernier épisode.

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