Dans une prise de parole musclée sur sa page Facebook, l’ancien Premier ministre Alain-Claude Bilie-By-Nze dénonce la dérive autoritaire de la justice gabonaise à la lumière des vidéos récemment divulguées sur la détention de Sylvia et Noureddin Bongo. À ses yeux, le scandale n’est pas dans la fuite, mais dans ce qu’elle révèle.

Alain-Claude Bilie-By-Nze : «Ce qui compte vraiment, c’est la vérité qui découle de cette vidéo». © GabonReview (montage – la dame en arrière-plan n’est nullement Sylvia Bongo)

 

«Un scandale d’État, une justice aux ordres». Ainsi s’ouvre la déclaration d’Alain-Claude Bilie-By-Nze publiée ce 7 juillet 2025 sur Facebook, dans un post sobrement intitulé «Ergoter sur la forme pour noyer le fond». L’ancien chef du gouvernement d’Ali Bongo y dénonce avec une rare virulence ce qu’il qualifie de «tartufferie» : le fait, selon lui, que de nombreux commentateurs s’attardent davantage sur l’origine ou la légalité des vidéos diffusées que sur le fond de ce qu’elles révèlent.

La vidéo en question montre l’interrogatoire de Noureddin Bongo Ondimba dans le cabinet d’un juge d’instruction. L’exécutif y est indirectement mis en cause : des voix judiciaires y évoquent des ordres reçus «des militaires, du président de la Transition». Une séquence que les partisans de l’ancien régime présentent comme une «preuve irréfutable» d’ingérence politique et de violences institutionnalisées.

«Cette vidéo jette une lumière crue sur la réalité des cabinets d’instruction», écrit Bilie-By-Nze. Il y voit l’illustration glaçante d’une justice expéditive, dont les décisions bafouent les droits fondamentaux des accusés, «en commençant par la présomption d’innocence pourtant garantie par la Constitution». Et d’ajouter avec gravité : «S’il en est ainsi des puissants, on n’ose imaginer le sort des citoyens lambda.»

Quand la forme sert d’écran au fond

Face à la vague d’indignation provoquée par ces vidéos, plusieurs voix, du gouvernement et de l’administration pénitentiaire, tentent de décrédibiliser les éléments diffusés. Le directeur de la prison centrale de Libreville, dans une interview accordée à Gabon 24, dément toute maltraitance. Il affirme au contraire avoir été «remercié» par Sylvia Bongo à sa sortie, qualifiant les accusations de torture de «n’importe quoi». Il évoque en revanche un incident impliquant un téléphone transmis à Noureddin contre rémunération. Un fait ayant conduit à la radiation de trois agents.

Dans un post qui lui est attribué par diverses sources dont Focus Groupe Média, Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, vice-président de l’Union nationale, a pour sa part rappelé les risques encourus par tout avocat qui diffuserait illégalement une vidéo d’audience judiciaire. «Un avocat qui enregistre clandestinement et diffuse publiquement une audience du juge d’instruction risque des sanctions pénales et disciplinaires. En plus de l’amende et de la peine de prison pour atteinte à la vie privée, il peut être radié du barreau», met-il en garde sur le plan juridique, bien que ces propos n’aient pas été retrouvés sur sa propre page Facebook, soulevant des interrogations sur leur origine.

Mais pour Bilie-By-Nze, ces diversions ne doivent pas occulter l’essentiel. Il ne s’agit plus seulement du sort de la famille Bongo, mais du fonctionnement même de la machine judiciaire sous la Transition. «Peu importe finalement les conditions dans lesquelles [la vidéo] a été prise et l’identité de son auteur, ce qui compte vraiment, c’est la vérité qui en découle. Il faut que cela change. L’État de droit ne saurait être un simple slogan», martèle-t-il.

Dans un pays où les institutions judiciaires sont souvent soupçonnées de docilité politique, cette déclaration marque un tournant. Plus qu’un simple soutien implicite à l’ancien régime, elle traduit une inquiétude plus large sur l’avenir des libertés publiques et de l’indépendance de la justice au Gabon.

 
GR
 

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