Comptes de campagne : la Cour frappe, Bilie-By-Nze contre-attaque

Dans une passe d’armes juridico-politique inédite, la Cour des comptes gabonaise a sommé Alain-Claude Bilie-By-Nze de produire ses comptes de campagne pour la présidentielle de 2025. Mais l’ancien Premier ministre, dans un mémoire cinglant de deux pages, rejette la compétence de l’institution et invoque une exception d’inconstitutionnalité. L’affaire, révélée par une fuite des correspondances, dévoile bien plus qu’un litige électoral : une bataille institutionnelle aux allures de test pour la nouvelle République.

La Cour exige des comptes, Bilie-By-Nze réclame le droit. Le vrai procès est celui de l’interprétation. © GabonReview
Des documents ont fuité de la Cour des comptes, et avec eux, un parfum de crise institutionnelle. D’un côté, l’institution supervisée par Alain‑Christian Iyangui somme Alain-Claude Bilie-By-Nze de produire ses comptes de campagne pour l’élection présidentielle de 2025. De l’autre, l’ancien Premier ministre oppose une fin de non-recevoir, enrobée dans un mémoire bref mais percutant de deux pages, dans lequel il soulève une exception d’inconstitutionnalité. L’échange, d’apparence juridique, dissimule mal une lutte de pouvoir : entre affirmation de souveraineté d’un homme politique qui refuse d’être réduit à un justiciable ordinaire ignorant du droit, et volonté d’une juridiction financière de faire valoir une compétence qu’elle estime désormais sienne, y compris hors du champ des finances publiques. Une bataille de prérogatives, doublée d’un duel à fleurets tirés entre une institution et une personnalité politique de premier plan.
Une sommation sans précédent, sur fond de défiance
C’est un procès-verbal de notification daté du 16 juillet 2025, signé de la main de la greffière en chef de la Cour des comptes, qui a mis le feu aux poudres. Le document – que GabonReview a pu consulter à la suite d’une fuite interne – intime à Bilie-By-Nze de produire son compte de campagne «en application des dispositions combinées des articles 141 de la loi organique n°11/94 du 17 septembre 1994 relative à la Cour des comptes et 371, 373 de la loi organique n°001/2025 portant Code électoral». L’intéressé dispose d’un délai de huit jours, à défaut duquel la Cour prévient qu’elle statuera «à titre définitif en pleine juridiction».
Un ton péremptoire, une procédure rigide, et une mise en demeure qui ne dit pas son nom : le langage est celui d’une institution décidée à affirmer ses prérogatives. Mais à bien lire la lettre, la démarche s’inscrit aussi dans un contexte plus large, où la redéfinition des équilibres institutionnels post-transition rend chaque initiative plus sensible, plus exposée, et parfois plus politique qu’elle ne le paraît.
La riposte d’Alain-Claude Bilie-By-Nze, datée du 22 juillet 2025, est un modèle de réplique constitutionnelle. Dans ce mémoire de deux pages, l’ancien chef du gouvernement ne se contente pas de contester la demande : il en attaque le fondement même. «Les présentes constituent mes observations. Elles se fondent sur le moyen unique tiré de l’inconstitutionnalité des articles visés», annonce-t-il d’entrée.
La frappe est encore plus précise : selon lui, les articles 368 à 373 du Code électoral, ainsi que l’article 141 de la loi organique sur la Cour des comptes, violent l’article 133 de la Constitution, lequel limite le champ de compétence de la Cour au seul contrôle des finances publiques, à l’exclusion des fonds privés.
Un contentieux à haute valeur symbolique
«Aucun fondement constitutionnel ou organique ne permet donc d’étendre la compétence de la Cour des comptes au contrôle de dépenses électorales privées, ce qui viole les principes de la légalité et de la hiérarchie des normes», écrit Bilie-By-Nze avec une froideur chirurgicale. Il en appelle à la Cour constitutionnelle pour trancher cette question sérieuse, nouvelle et applicable au litige en cours.
Derrière le formalisme juridique, se dessine une stratégie de désamorçage politique par le droit. L’homme n’entend pas se laisser clouer au pilori d’un soupçon mal cadré. Son refus de plier n’est pas une simple posture : c’est un refus de laisser créer un précédent dangereux dans l’interprétation des pouvoirs de la Cour.
Ce bras de fer dépasse donc de loin le sort d’un compte de campagne. Il oppose deux lectures du droit, deux visions de la République, et peut-être deux ambitions institutionnelles concurrentes : celle d’un ancien Premier ministre qui refuse d’être instrumentalisé, et celle d’une Cour des comptes qui, dans le nouveau régime post-transition, tente de redéfinir sa place dans l’ordre républicain. Dans un Gabon en quête d’équilibres nouveaux, cette affaire pourrait bien faire date, sinon en droit, du moins en mémoire politique.

2 Commentaires
Alain Claude Bilie Bi Nze devait-il réellement prendre ce pari aussi risqué, tant sur le plan juridique que politique, en adoptant une posture de défiance ouverte ? Une telle attitude alimente naturellement les soupçons quant à l’origine des fonds ayant financé sa campagne. S’agit-il de soutiens occultes ? D’alliés d’Ali Bongo ? De puissances étrangères hostiles ? Voire des organisations douteuses ?
Rien ne l’empêchait pourtant de transmettre ses comptes « sous réserve » d’une décision ultérieure sur la compétence de la Cour des comptes, ou même de les déposer auprès d’une autre autorité, dans un souci de transparence et de bonne foi. Mais il semble avoir préféré endosser le rôle d’un opposant belliqueux, prêt à tout pour discréditer le processus en cours, plutôt que d’adopter une posture constructive et républicaine.
Dès les premières heures de la transition, Bilie Bi Nze avait laissé transparaître son scepticisme, doutant publiquement de la capacité des nouvelles autorités à engager un véritable changement, bien avant que des actes concrets aient été posés. Depuis, une forme d’amertume semble le pousser à décrier systématiquement toute initiative du nouveau pouvoir.
Certes, sa contestation de la compétence de la Cour des comptes peut s’appuyer sur des arguments juridiques recevables. Mais la méthode, elle, jette le trouble, affaiblit les institutions et ne contribue en rien à l’élévation du débat démocratique. Aimer son pays, c’est aussi contribuer à renforcer ses institutions, même lorsqu’on en conteste certaines règles. Le Gabon n’est pas le seul pays à avoir dû corriger des lois anticonstitutionnelles : les plus grandes démocraties sont passées par là. L’essentiel est d’avancer.
Bilie Bi Nze a-t-il oublié ses propres dérives passées, comme ce bulletin inique et antidémocratique qui avait profondément choqué les citoyens ? Est-il vraiment en position de se montrer aussi radical face aux tâtonnements d’institutions encore jeunes, nées dans un contexte de refondation ? Dans toute phase de reconstruction, l’erreur est inévitable. Ce qui compte, c’est la volonté d’en sortir plus fort.
Bille Alain, un commerçant exerce son activité à l’intérieur d’un périmètre dont l’environnement est balisé par la puissance publique, fondée en cette qualité d’apprécier la conformité et la crédibilité de toute déclaration requise en contrepartie, corrélée à l’exercice de l’activité, laquelle ne relève plus, comme éventuellement les fonds qui l’ont financé, de la sphère privée : chiffre d’affaires, versements aux organismes sociaux, fiscaux…
Le commerçant qui y a consacré son épargne personnelle, donc d’essence privée, ou ayant bénéficié des concours privés, ne pourrait s’auto-exonérer, dans le cadre de ses activités de ses obligations auprès des organismes sociaux, qu’il en soit dans la pratique usager ou non. Il s’agit de disposition qui participe de la bonne conduite du vivre-ensemble, à défaut d’une manifestation de faiblesse des services compétents concernés de l’Etat, et cela vaut encore mieux pour les obligatoires d’ordre fiscal…
Le commerçant jouit, à travers son investissement purement privé, d’un environnement public, «organisé » par la puissance publique, ainsi fondée et qualifiée d’accéder en conséquence à toute information, quelle qu’en soit la nature, aux fins d’en tracer la liceite et, au besoin, de prévenir tout développement éventuel ultérieur susceptible d’affecter d’une façon ou d’une autre la sérénité, la quiétude, de l’environnement public dont la jouissance est ainsi concédée au … commerçant
Il en est autant de l’exercice d’une activité politique, fusse t-elle mue ou suscitée par une initiative privée, soutenue au départ par des ressources personnelles.
Dès lors que des apports extra personnels sont sollicités en vue du financement de l’activité politique, financement privé et/ou public, la puissance publique est qualifiée pour en tracer l’origine, la nature et la liceite afin de préserver sauve l’intégrité de la souveraineté du peuple dont le soutien, l’adhésion aux valeurs promues par le politique sont sollicités, ainsi qu’énoncé supra pour le commerçant qui ne saurait vendre des produits frelatés, illicites, acquis frauduleusement ou financés dans le cadre d’un blanchiment d’argent…
Bille Alain, tes exigences et fins de non recevoir ne servent nullement la démocratie que tu tentes insidieusement de privatiser et d’assujettir pour servir un ego qui a fait du tort au Gabon, englué jusqu’au 31 août 2023 dans les abysses par un narratif incisif narcissique porteur d’anti valeurs… »le gabonais vit au dessus de ses moyens »….. »la transition n’est pas une disposition constitutionnelle »…..
Il faut admettre le principe de tracer la liceite de toute ressource, privée et/ou publique, mobilisée au titre de la conduite de toute activité politique, qui relève bel et bien du domaine public, statut élargi mécaniquement et trans-directement à tout financement consacré à cette fin.