Au fil des années, le style vestimentaire des jeunes femmes, au Gabon, s’est profondément transformé, adoptant des influences modernes et occidentales. Pourtant, un bijou ancestral résiste aux tendances éphémères et suscite toujours l’intérêt, il s’agit du «Sikida», également appelé «Baya». Porté autour de la taille, ce bijou n’est pas qu’un simple accessoire de mode. Il est aussi porteur d’une histoire, d’une culture, d’une identité.

Le «Sikida», un bijou ancestral, qui résiste aux tendances éphémères et suscite toujours autant d’intérêt. © D.R.

 

Dans les rues de Libreville, on envoie de tous les modèles, de toutes les tailles et de toutes les couleurs. Des petites perles, des grosses, il y en a même qui s’illuminent dans l’obscurité.  Souvent remarqué sous des Crop Top, ou au-dessus des «jeans», pour de nombreuses jeunes femmes, le Sikida est un élément de séduction et d’affirmation de soi. Laïka,  sénégalo-gabonaise : «J’en porte tous les jours. C’est un bijou comme un autre, il affine la taille, embellit la silhouette et plaît à mon partenaire.» 

Mais au-delà, de leur attrait esthétique, certaines y voient un outil pratique pour la prise de poids. « Je les porte pour surveiller ma taille. Si je prends du poids, je le sens tout de suite, » confie une autre jeune femme, aux formes généreuses, appelée  de Creole Abeng.  Quand on parle du Sikida, la beauté et l’esthétique corporelle y sont, toutefois, il semblerait que ces perles colorées ont également un ancrage culturel profond.

Une charge symbolique et spirituelle autour de ce bijou 

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Selon les ainés, les Sikidas ne sont pas de simples bijoux. Ils ont une valeur rituelle. En effet, ils marqueraient des étapes clés dans la vie d’une femme : la puberté, le mariage, la maternité… « Ma grand-mère disait que c’était lié à la fertilité, à l’appartenance à un groupe et à la confiance en soi, » poursuit Laïka.  Dans cette perceptive, Alvin Obiang, un jeune homme très attaché à la culture, renchérit : « Ces bijoux étaient aussi portés pour attirer la chance, protéger la femme, ou corriger sa posture. Aujourd’hui, on les voit surtout comme des accessoires esthétiques, mais ils gardent une charge symbolique. »  Selon Adama, une Sénégalaise vivant au Gabon, le Sikidas est un héritage commun à la plupart des cultures ouest-africaines, puisque le terme « baya » vient du malinké, le même objet est appelé « bine-bine » en wolof nous confit-elle.  

Un regard masculin partagé

Le regard des hommes sur les Sikidas est globalement positif, pourvu qu’ils soient portés avec goût. Yoann Bivika, jeune gabonais, explique : « Comme les hommes qui portent des bijoux, les femmes aussi ont ce droit, tant que ce n’est pas vulgaire. En tant que partenaire, je trouve ça plaisant. »  D’autres y voient une forme de sensualité raffinée, qui valorise le corps féminin tout en rendant hommage aux traditions ancestrales.

Ainsi, dans un contexte où les jeunes prônent le retour aux sources, ils revendiquent à la fois leur liberté de style et leur attachement culturel, le Sikida devient un symbole hybride. C’est un pont entre passé et présent, entre tradition et affirmation personnelle.  La grand-mère qui attache un morceau de fil à son petit-fils encore bebe y voit dans ce Sikida un signe de protection, chaque personne l’utilise dans une dynamique précise, mais tout cela vient des plus âgés, les jeunes suivent le pas. « Je pense que les jeunes filles qui portent des Sikida perpétuent simplement une tradition ancestrale pleine de symboles », soutient Alvin Obiang.   

Bijou identitaire, accessoire de séduction, outil de mesure corporelle ou simple fantaisie, le Sikida continue de parler aux corps et aux cœurs. Il rappelle que la beauté africaine ne se limite pas à ce que l’on voit, mais se tisse aussi dans les mémoires, les rites et l’histoire de celles qui les portent. Quand bien même, il serait judicieux de les garder sous l’habit plutôt qu’en dessus pour éviter de laisser penser que certains sont séduits implicitement. 

Thecia Nyomba (Stagiaire)

 
GR
 

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