ARTF : entre réforme ambitieuse et tensions internes

Depuis sa nomination le 19 décembre 2024, le Secrétaire exécutif de l’Autorité de régulation des transports ferroviaires (ARTF), Adrien Moukabi, a entrepris une réforme structurelle ambitieuse de l’institution, visant à moderniser sa gouvernance, professionnaliser son personnel et restaurer l’autorité de régulation dans un secteur stratégique. Toutefois, cette dynamique de transformation se heurte à une résistance interne, marquée par des tensions sociales, des critiques syndicales et des divergences de gouvernance.

La situation actuelle à l’ARTF cristallise ainsi un conflit entre le statu quo et la réforme. © D.R.
Dès son arrivée à la tête de l’Autorité de régulation des transports ferroviaires (ARTF), Adrien Moukabi a initié un audit complet du personnel, qui a révélé de profondes inadéquations entre les compétences en place et les exigences techniques du métier de la régulation ferroviaire. En réponse, il a engagé un vaste plan de formation, tant en interne qu’en externe, afin d’élever le niveau de compétence des agents et d’aligner l’expertise de l’ARTF avec les standards internationaux du secteur.
Dans le même temps, le Secrétaire exécutif a entrepris une révision de la grille salariale, dans le but d’instaurer davantage d’équité et de justice entre les agents, tout en tenant compte des responsabilités et des qualifications de chacun. Il prévoit également d’initier un audit quinquennal pour évaluer la performance opérationnelle, technique et économique du secteur ferroviaire. Pour ce faire, le budget prévu pour la gestion de cet audit quinquennal est établi à 500 millions de francs CFA, mais le financement actuellement disponible dans les comptes de l’ARTF est de 220 millions de francs CFA, suffisant pour financer la phase de démarrage de l’audit.
Sur le plan social, un travail rigoureux de régularisation des cotisations à la CNSS et à la CNAMGS est en cours, afin de sécuriser les droits sociaux des employés. De plus, une assurance maladie complémentaire est en train d’être instaurée et mise en place en partenariat avec ASCOMA, pour renforcer la couverture santé du personnel et répondre à leurs préoccupations en matière de bien-être.
Sur le volet infrastructurel, le Secrétaire exécutif a lancé des projets innovants, notamment l’implantation stratégique d’un pont bascule, destiné à améliorer le contrôle des flux et la régulation sur le terrain. Ce projet s’inscrit dans une vision de modernisation des outils de travail et de renforcement des capacités opérationnelles de l’ARTF.
Une dynamique de transformation confrontée à des résistances internes

Face à des turbulences, Adrien Moukabi assume pleinement sa ligne de conduite. © D.R.
Cependant, cette dynamique de réforme s’est rapidement heurtée à des résistances internes et à des tensions sociales croissantes. Le syndicat SYNA-ARTF, soutenu par certains membres du conseil de régulation et par le Secrétaire exécutif adjoint, a exprimé de vives critiques, allant jusqu’à déposer un préavis de grève. Les griefs portent notamment sur la suspension temporaire du contrat avec ASCOMA, perçue à tort comme une rupture définitive, alors qu’il s’agissait d’un ajustement administratif dans le cadre de la mise en conformité des engagements.
D’autres revendications concernent l’absence de certaines activités sociales, telles que la fête de Noël des enfants du personnel, ainsi qu’un manque de matériel de bureau et d’équipements informatiques, dont le renouvellement est en cours dans le cadre du processus global de modernisation. Les retards de salaires, effectivement constatés, sont dus à des contraintes budgétaires passagères liées à la reprogrammation des lignes comptables héritées de la précédente direction.
Sur le plan managérial, des accusations de gouvernance solitaire ont été formulées contre Adrien Moukabi, notamment par son adjoint, qui lui reproche de marginaliser certains organes de l’ARTF. Ces critiques, souvent relayées sans fondement objectif, ignorent pourtant le contexte de redressement dans lequel s’inscrivent les décisions du Secrétaire exécutif, notamment la réhabilitation de certains cadres anciens, jugée nécessaire pour pallier l’insuffisance de personnel formé.
La position d’Adrien Moukabi : réforme, rigueur et transparence
Face à ces turbulences, Adrien Moukabi assume pleinement sa ligne de conduite. Il défend une approche rigoureuse, transparente et tournée vers l’avenir. Pour lui, les difficultés actuelles sont le prix à payer pour un redressement durable de l’ARTF. Il affirme que la réforme structurelle engagée est non seulement nécessaire, mais vitale pour sortir l’institution de l’improvisation et du clientélisme qui ont marqué son passé.
La situation à l’ARTF cristallise ainsi un conflit entre le statu quo et la réforme. Si Adrien Moukabi parvient à rallier l’adhésion du personnel et du conseil autour de ses objectifs, l’ARTF pourrait amorcer un véritable virage de modernisation. À défaut, l’institution risque de rester engluée dans ses contradictions internes.
Le Secrétaire exécutif reste ouvert au dialogue, mais refuse de céder aux pressions qui compromettraient l’efficacité des réformes. Il plaide pour une ARTF plus professionnelle, mieux outillée et capable de jouer pleinement son rôle dans un secteur ferroviaire en mutation. Sa vision repose sur des principes forts : transparence, exigence, équité et efficacité.

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