Bars fermés pendant le vote : une relique autoritaire qui mine la démocratie

En imposant la fermeture des débits de boisson du 26 septembre à 23 h 30 jusqu’au 27 septembre à minuit, le gouvernement gabonais perpétue une pratique héritée du parti unique. Sous prétexte de «sécurité», c’est une méfiance envers les citoyens qui se déploie, révélant une démocratie sous tutelle.

En traitant ses électeurs en mineurs, l’État sabote sa propre démocratie. Une démocratie infantilisant ses citoyens se condamne à rester une démocratie de façade. © GabonReview (capture d’écran)
Cette interdiction, prétendument prophylactique, n’est pas une mesure de maintien de l’ordre mais un vestige d’un temps où l’État se croyait gardien des consciences. Elle expose une conception infantilisante du peuple, incompatible avec une démocratie adulte, du moins post-pubère.
Un paternalisme d’un autre âge
Brandissant la loi n°4/98 de 1998 – elle-même vestige du monopartisme qui recherchait des scores électoraux soviétiques – le pouvoir présume qu’un verre partagé la veille du scrutin menace l’urne. C’est une logique de méfiance coloniale recyclée : l’électeur est traité en mineur irresponsable, à encadrer comme un élève turbulent.
Dans les grandes démocraties, nul besoin d’un couvre-feu alcoolique pour préserver l’ordre électoral. Philosophe, économiste et essayiste britannique, John Stuart Mill dénonçait déjà, en 1859, l’absurdité de punir l’ivresse anticipée : restreindre la liberté au nom d’un risque hypothétique revient à «traiter les citoyens comme des enfants ou des sauvages». Ici, la «prévention» n’est qu’un autre mot pour défiance. Cette fermeture des bars est une proclamation de suspicion, un message clair que l’État ne fait pas confiance à ceux qu’il appelle pourtant aux urnes.
Inefficace, coûteux et corrosif pour la démocratie
L’argument sécuritaire s’effondre dès l’examen des faits. Les taux d’abstention montent, la violence électorale demeure marginale, et aucune étude ne démontre que les fermetures empêchent la fraude ou les débordements.
En revanche, elles étouffent l’économie nocturne, frappent de plein fouet les citadins dont la sociabilité repose sur ces lieux de convivialité et humilient l’électorat. Pire encore, elles entretiennent une culture de la peur et de l’obéissance. En refusant de faire confiance à ses citoyens, l’État sape les bases mêmes de la démocratie, qui repose sur la responsabilité individuelle et la liberté d’association. Une nation qui veut mûrir doit investir dans l’éducation civique, la médiation communautaire et une présence policière ciblée, non dans le verrouillage préventif d’un autre siècle.
Fermeture des bars, ouverture de la méfiance : voilà le véritable bilan. Maintenir cette mesure, c’est prolonger l’ombre d’un régime autoritaire et saboter la culture démocratique. Le Gabon doit tourner la page de cette relique des années 60 et parier enfin sur la maturité de son peuple. Une démocratie qui infantilise ses électeurs se condamne à rester une démocratie de façade.

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