Cent jours après son investiture, Brice Clotaire Oligui Nguema affiche un bilan en clair-obscur : entre inaugurations d’infrastructures, réformes économiques et méthode de gouvernance resserrée, le président du Gabon revendique des avancées tangibles. Mais sur le terrain, l’opposition dénonce la persistance des pénuries d’eau et d’électricité, l’absence d’autoroutes, et une gouvernance jugée sélective. Entre promesses de rupture et réalités d’un pays en quête de stabilité, le pouvoir est désormais attendu sur sa capacité à transformer les annonces en améliorations palpables du quotidien. Le bilan de ses 100 jours de pouvoir en 651 mots.

Cent jours ont suffi pour lancer l’élan, mais il faudra bien plus pour apaiser la soif et rallumer les foyers. Car, dans le vacarme des marteaux et le silence des robinets, le pays attend la promesse tenue. © GabonReview

 

En cent jours, un chef d’État ne refonde pas un pays. Mais il en dessine la trajectoire. Depuis le 3 mai 2025, Brice Clotaire Oligui Nguema, élu après 19 mois de transition militaire, tente d’installer un style de gouvernance qui conjugue rigueur et proximité, tout en naviguant entre ambitions déclarées, contraintes économiques et pressions politiques.

Une présidence sous contrainte, mais en quête de rupture

L’héritage est lourd : dette publique estimée à 7 500 milliards FCFA, dépendance pétrolière (70 % des exportations), infrastructures vieillissantes, chômage endémique (36 % des 15-24 ans), crise énergétique et stress hydrique permanents. Le président se présente en stratège militaire reconverti au civil, imposant un cadre de gouvernance articulé autour de six “piliers” : sécuriser l’accès à l’eau et à l’électricité, moderniser les infrastructures, diversifier l’économie, renforcer le capital humain, transformer la jeunesse et reconstruire l’État.

La méthode est assumée : évaluations semestrielles, obligation de résultats, discipline de commandement. Mais cette verticalité heurte parfois les réalités politiques gabonaises, où l’efficacité se mesure moins aux tableaux Excel qu’à l’amélioration tangible du quotidien.

Réalisations concrètes et critiques persistantes

Sur le terrain, des réalisations visibles (rénovation d’infrastructures à Franceville, hôpital de Moanda, complexe scolaire de Ndendé, progression à 54 % du barrage de Kinguélé-Aval) cohabitent avec un quotidien inchangé pour de nombreux Gabonais. L’opération “Mouele” a permis la restructuration de 1 400 milliards FCFA de dette publique, et la création de cinq fonds stratégiques est censée orienter l’investissement vers les secteurs clés.

Mais l’opposition, qui pense toute comme Michel Ongoundou Loundah, le président de REAGIR, parle déjà d’une «transition essoufflée» : 124 coupures électriques majeures depuis mai, absence de progrès notables sur l’accès à l’eau, et 1 200 familles déplacées suite à des démolitions, dont 78 % vivent encore sous des tentes. Sur le plan symbolique, la libération rapide de membres de la famille Bongo, alors que d’autres figures comme le lieutenant Kelly Ondo restent détenues, alimente l’idée d’une justice à géométrie variable.

La dimension politique et géopolitique

En interne, Oligui Nguema doit composer avec un paysage politique qu’il a lui-même remodelé durant la transition, mais où l’Union Démocratique des Bâtisseurs (UDB) et les anciens piliers du Parti Démocratique Gabonais (PDG) cherchent chacun à s’imposer. Les législatives et locales prévues pour septembre-octobre, suivies des sénatoriales en novembre, seront un test décisif : elles diront si le chef de l’État dispose d’une majorité solide pour appliquer son programme ou s’il devra composer avec une opposition renforcée.

Sur le plan extérieur, la perte de souveraineté sur l’île Mbanié au profit de la Guinée équatoriale reste un dossier sensible, révélateur des fragilités diplomatiques d’un pays en recomposition. La recherche d’investissements, notamment dans le cadre des fonds stratégiques, place Libreville dans une position de séduction vis-à-vis de partenaires comme la Chine, la Turquie ou les pays du Golfe, mais expose aussi à des arbitrages complexes entre souveraineté économique et financement du développement.

Les mois à venir : entre attentes sociales et endurance politique

Le pari d’Oligui Nguema est clair : transformer une popularité initiale – née de la promesse de rupture après l’ère Bongo – en légitimité durable fondée sur des résultats concrets. Mais le temps politique joue contre lui : l’impatience sociale, nourrie par les pénuries d’eau et d’électricité, pourrait éroder rapidement le capital de confiance accumulé.

Le succès se mesurera moins à la longueur des discours qu’à des faits simples : un robinet qui coule, une ampoule qui s’allume, une route praticable toute l’année. Et, au-delà, à la capacité de l’État à offrir aux jeunes autre chose que l’exil ou l’oisiveté. C’est dans cette équation – discipline administrative contre inertie structurelle, communication ambitieuse contre résultats tangibles – que se jouera le véritable bilan, bien au-delà des cent premiers jours.

 
GR
 

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