Bilié-By-Nzé prétend rechercher un consensus national sur certaines questions. Mais, il veut en réalité trouver une issue à la crise née de la présidentielle du 27 août dernier.

«Confronter les propositions afin de faire avancer les choses». © Gabonreview/Shutterstock


 
«Confronter les propositions afin de faire avancer les choses». Telle est, en substance, la proposition faite par le porte-parole du gouvernement aux amis et soutiens de Jean Ping. À première vue, l’idée est noble, intéressante et acceptable pour tout un chacun. Cette conception de la gouvernance étant au fondement de la démocratie participative, personne ne peut raisonnablement s’y opposer. Personne ne peut refuser un échange d’où naîtrait un consensus national sur les politiques publiques et, plus largement, le vivre ensemble.
Alain-Claude Bilié-By-Nzé parle de «faire avancer les choses». Si on doit lui en donner acte, peut-on lui en faire crédit ? Au plan politique et institutionnel, le mandat échu est éloquent à souhait. À aucun moment, le régime incarné par Ali Bongo n’a fait la preuve d’un avant-gardisme ou d’une volonté de rénover les choses. Bien au contraire. Trop souvent, il s’est montré rétrograde et même passéiste. Les libertés publiques ont été malmenées comme jamais. La société civile ostracisée voire stigmatisée. Fait inédit et mémorable, on a même eu droit à la dissolution du principal parti politique de l’opposition.  Comme pour légitimer ces dérives, la réforme constitutionnelle de janvier 2011 a réduit le vote au rang de moyen de prise du pouvoir comme un autre. Dans le même temps, elle a transformé les forces de défense et de sécurité, la justice et les outils de communication en de simples instruments aux mains de l’exécutif, singulièrement du président de la République. En fait d’avancée, ces réformes ont plutôt consacré un recul démocratique…
Du boulot pour communicants
Les choses n’ont pas davantage avancé au plan économique et financier. L’économie nationale est toujours aussi extravertie. Au plan agricole, les importations grèvent toujours autant le budget national. Malgré le tapage médiatique, le programme Graine (Gabonaise des réalisations agricoles et initiatives des nationaux engagés) n’a induit aucun changement dans le mode de vie des populations. Bien au contraire, les prémices d’une compétition pour l’utilisation des terres apparaissent (lire «Projet Graine : L’indignation des autochtones de Lengoye»). Au train où vont les choses, les populations pourraient bientôt être contraintes de modifier leur mode de vie. L’insécurité alimentaire et une transformation radicale des modes d’organisation sociale ne sont plus à exclure. Plus généralement, des incertitudes menacent le climat des affaires. Le gouvernement peut toujours claironner son désir de diversifier l’économie. Mais sa stratégie s’est jusque-là résumée à des incitations au bénéfice d’investisseurs triés sur le volet. Pas toujours aisée pour les régimes à la gouvernance laxiste et hasardeuse, la transcription en droit national des directives Cemac (Communauté économique des Etats d’Afrique centrale) lui crée beaucoup de soucis. On le voit actuellement avec la tentative de fusion des Impôts et des Douanes…
L’imagination n’a pas toujours été au rendez-vous en matière sociale également. En un septennat, on est passé du Plan stratégique Gabon émergent (PSGE) au Programme pour l’égalité des chances en transitant par le Pacte social, la Stratégie d’investissement humain du Gabon et, le Pacte de responsabilité pour l’emploi. Etait-ce dans le but de «faire avancer les choses» ? Voire… Certes, Ali Bongo a battu campagne sur la promesse de mettre fin aux «privilèges d’ordres familiaux ou politiques». Mais son parcours personnel suscite toujours autant de réserves. Pour susciter des ralliements sur cette thématique, il lui faudra bien plus. Le légataire à vocation universelle de la fortune d’Omar Bongo Ondimba est-il le mieux placé pour parler de «combat contre les privilèges» ? Il pourra toujours arguer d’une volonté de céder une partie de son héritage à la jeunesse. Mais, pour l’opinion publique, il demeurera l’héritier de la pieuvre Delta synergie (lire par ailleurs «Delta Synergie : Anatomie de la «sangsue» financière des Bongo»). Ses idéologues et communicants ont du boulot…
Solder la crise post-électorale
Du boulot ? Ils en ont aussi en matière artistique et culturelle. Recevant les hommes des arts, des lettres et du spectacle en mai dernier, Ali Bongo avait promis de leur assurer «les conditions de (leur) épanouissement basé sur (leur) travail, (leur) mérite, et partant la reconnaissance du public et de la nation» (lire par ailleurs «Développement artistique et culturel : Les promesses d’Ali Bongo»). Le gouvernement a, dès lors, tout le loisir de traduire cette promesse en actes concrets. Lui faut-il pour cela confronter ses idées à celles des amis de Jean Ping ? D’ores et déjà, Alain-Claude Bilié-By-Nzé peut réfléchir au statut de l’artiste, aux quotas de diffusion, au paiement des droits d’auteur, à la redevance audiovisuelle et, à la création d’un ordre national des arts et lettres. Manifestement, il n’a besoin de personne pour «faire avancer les choses». Ou simplement d’un savoir certain, d’un savoir-être reconnu, d’un savoir-faire réel et d’un savoir faire-faire confirmé.
En appelant à une confrontation d’idées en vue de «faire avancer les choses», le porte-parole du gouvernement a, en réalité, fait dans la politique politicienne. Sa prétention à vouloir confronter les vues est un subterfuge, une figure de style, un élément de communication. Son propos n’était pas dicté par la recherche d’un consensus national sur des questions précises. Il était plutôt motivé par la volonté de solder la crise post-électorale. Chacun en convient : la présidentielle du 27 août a porté les passions à un degré d’incandescence rarement atteint. Depuis lors, les deux principaux camps politiques sont éloignés comme jamais. D’où le blocage général du pays. Dans ce contexte, l’échange de vues est, peut-être, une piste à explorer en vue d’une sortie de crise. Mais, à quel prix ?
 

 
GR
 

13 Commentaires

  1. Gilbert dit :

    Mme Bouenguidi. Pourquoi aviez vous disparu pendant la période électorale et post-electorale? Votre plume à manqué aux ddébats cruciaux

  2. Nguenzz dit :

    « Il n’y a pas de paix sans justice » Desmond Mpilo TUTU

  3. iruanintchango dit :

    Enfin j’espère que cet article ne vous emmènera pas en prison au pire au cimetière car tous que vous avez dis ci dessus n’est que vireté

  4. diogene dit :

    Les libertés publiques ont disparues de 1968 à 1990. Pas de parti de l’opposition à dissoudre, parti unique voire inique oblige.
    Le projet graines a déjà été mis en place en Asie, bilan : après la distribution de terre et sa mise en valeur, les financements ont tari, une multi nationale a racheté à vil prix les parcelles et commencé une culture industrielle déraisonnable.
    Bien sur vous avez raison sur tout le reste.
    Nos dirigeants sont dans un état de confusion mentale, paniqués à l’idée de perdre ce qu’ils ont obtenu sans mérite voire illégalement, abusivement, Ils ont fini par croire en leurs propres mensonges, prochaine étape le suicide d’après les spécialistes mais ils ne voudront pas partir tout seul.

  5. gee dit :

    mais qu’est ce que lui d’abord il propose avant la confrontation des propositions????

  6. OSSAMI dit :

    Très belle plume. Tout a été dit à moins qu’un certain J.Jacques ce amuseur public a quelque chose à ajouter pour nous distraire comme d’habitude.

  7. Jean Charles MASSE dit :

    @Roxanne ‘…l’échange de vue…’ ne saurait constituer la panacée d’une « sortie de crise » dans ce « contexte » de « blocage général » du pays prémidité par l’imposteur-usurpateur et son clan bien avant l’élection du 27 août qui aura consacré à jamais le rejet de l’imposture par le peuple souverain.
    L’évocation d’un « échange de vue » ne saurait s’entendre sans la prise en compte du verdict du peuple qui seul légitime toute posture.
    Si le clan du « né-biafrais » accepte le re-comptage de bulletins ou un nouveau vote dans les bureaux querellés, alors, tout est possible.
    La crise est née de l’élection, dialogue majeure et institutionnel entre le peuple souverain et les compatriotes éligibles, dans le sens de la constitution qui fonde notre « vivre-ensemble », à la candidature de l’Institution » président de la République. Et cette « élection est loin d’être derrière nous » tel que s’époumone à le soutenir ceux qui ont fait le choix de l’imposture et concomitamment le deni de la souveraineté du peuple.

  8. gabon d abord dit :

    lorsqu on a gagne une lection de facon brave comme l a fait le PDG D ALI BOUROUBOUROU , a quoi sert le dialogue ….. vous etes les champion.
    ca ne sert a rien de perdre le temps aux gens en parlant du dialogue…..car je sais tres bien que vous n avez rien a dire , juste perdre le temps car il est dit que LE TEMPS TUE LA PASION

  9. J&B dit :

    Mais qu’est ce qui a piqué ACBBN? Hier, il menaçait d’arrêter PING, aujourd’hui, il brandit une carotte pourrie comme lui-même. Nous savons tous ce qui se trame derrière. BOA et ses affidés manquent de tact… on voit bien qu’ils cachent dans leur dos un bâton. Tout ce qu’ils peuvent faire pour faire descendre la tension, c’est de reconnaître le Président élu par les urnes et par la même occasion, se constituer prisonniers, un point c’est tout.

  10. Ping le kilimandjaro dit :

    Article à publier dans le chiffon »L’union » pour qu’il y ait un peu de qualité.
    Un pouvoir qui a renié l’existance de substance positive dans le camp d’en face pendant sept ans; veut, après avoir été laminé dans les urnes, que ceux-ci lui fasse des propositions pour « faire avancer les choses (après avoir chanté « laissez nous avancer »seul).
    Ce n’est qu’un aveux d’incapacité et de mauvaise fois! Le pouvoir veut peut être avancer avec les idées des autres. Car il ne savent pas depuis sept ans qu’une democratie bien assise a besoin de transparence, que notre culture a besoin d’occuper le boulevard de l’indépandence et autres espaces publicitaires à la place des femmes nues venues d’ailleurs; que les gabonais consomment du manioc, de la banane,des tarots, tomates etc, et non de l’évéa et du palmier à huile. Quelle perte!?

  11. Révérend pasteur Israël Nahum dit :

    une souris n’accouchera qu’une souris

Poster un commentaire