Au lendemain de l’attaque terroriste qui a décimé la rédaction du journal satirique et impertinent, il faut faire faire évoluer la liberté de presse sous nos latitudes.

© referentiel.nouvelobs.com
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C’est le 11-septembre de la presse. Une grave attaque contre le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, contre le droit à la liberté d’expression, à la liberté de réunion et à la liberté d’association, contre la liberté d’opinion. Au lendemain de l’attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo, où douze personnes, dont des figures historiques de la caricature et du journalisme satirique, ont trouvé la mort, on pense évidemment aux conditions d’exercice du métier de journaliste sous nos latitudes, à toutes les tracasseries, pressions et menaces dont sont victimes les hommes de presse. Pourquoi ? Tout simplement en raison de la récente actualité médiatique nationale. Au-delà de la condamnation de «cet acte odieux» par le président de la République, on ne peut s’empêcher de penser aux cas de Jonas Moulenda et Désiré Ename, visiblement en cavale si l’on en croit leurs dires. On ne peut ne pas songer au Conseil national de la communication, régulièrement raillé et défini comme le «conseil national de la censure». On ne peut éviter de disserter sur le cas de Gabon Télévision et Radio Gabon, rebaptisées par l’opinion publique Radio-télévision PDG (RTPDG).

Pour mémoire, depuis la restauration de la démocratie en 1990, le PDG a eu tendance à confisquer les médias publics, à s’en arroger la jouissance exclusive, à en faire un instrument de propagande voire de dénigrement de toute opinion dissidente, au mépris des règles d’équité. Depuis maintenant cinq ans, Jonas Moulenda est victime des pires tracasseries. Si le week-end dernier, il a dû être exfiltré par voie terrestre vers le Cameroun, en juillet 2014 il disait déjà être l’objet de menaces en tout genre (lire https://www.gabonreview.com/blog/nouvelles-menaces-jonas-moulenda/) alors qu’en septembre-octobre 2009 il avait dû trouver refuge dans une ambassade suite à la publication dans le quotidien L’Union d’une série de reportages, sur les violences post électorales dans la capitale économique, intitulée «Je reviens de Port Gentil» et mettant à mal le bilan officiel de trois morts. La presse indépendante, notamment Echos du Nord, Le Verbe de Ngomo, La Une et Ezombolo sont assurément des hérauts de la liberté de presse. Chacun se souvient des lourdes et régulières suspensions dont ces titres ont été frappés.

Et pourtant, à coups de stylo, au moyen d’analyses, commentaires, éditoriaux, leurs journalistes cherchent tout simplement à prendre toute leur part dans le débat public et dans la conduite des affaires de la cité. Doit-on et peut-on les en blâmer ? La liberté d’expression peut être définie comme «le droit pour toute personne de penser comme elle le souhaite et de pouvoir exprimer ses opinions par tous les moyens qu’elle juge opportun, dans les domaines de la politique, de la philosophie, de la religion, de morale». Si elle fait appel au respect d’autrui, elle porte en elle la liberté de presse telle que définie par l’article 11 de la Déclaration française des droits de l’homme et du citoyen de 1789, consacrée en son préambule et ses annexes par notre Constitution. En clair, chez nous, la liberté de presse figure dans la hiérarchie des normes juridiques : elle est constitutionnelle et devrait bénéficier d’une protection particulière. Sur ce point, le silence de la Cour constitutionnelle suite à sa saisine par Télesphore Obame Ngomo (lire https://www.gabonreview.com/blog/telesphore-ngomo-gabon-situation-contraire-au-jeu-equilibres democratiques/) inquiète et intrigue.

L’esprit de la Déclaration de 1789

Au lendemain du massacre de la haine, de l’intolérance et de la pensée unique, il faut bien interroger la situation de la presse sous nos latitudes. Il faut faire un état des lieux, dresser une situation de référence. Il s’agit de se donner les moyens d’en suivre les évolutions futures. Dans cet exercice, les ONG de défense des droits humains et de promotion de la démocratie, la Commission nationale des droits de l’Homme et le médiateur de la République ont un rôle fondamental à jouer. Désormais, leur action se doit d’être opiniâtre et constante. La Commission nationale des droits de l’Homme et le médiateur de la République sont des autorités administratives indépendantes. Ils bénéficient de moyens publics et se doivent d’être au service du citoyen. Pourtant, on ne les entend jamais, ne les voit jamais là où les droits fondamentaux sont malmenés, là où la liberté de presse est en danger. Visiblement leurs animateurs se soucient davantage de la défense des intérêts des gouvernants et du maintien de leurs trains de vie que de la protection et la promotion des droits de la personne. Paradoxalement, ils sont au service de la puissance publique et de ceux qui l’incarnent. Seule lueur d’espoir : l’action éventuelle des syndicats, ONG, et forces sociales progressistes. Cette action réformiste et protestataire doit gagner en intensité et en constance. Le climat de terreur et les tentatives d’intimidation de la presse se sont fait trop pesants ces temps derniers. Trop de journalistes ont été menacés. Trop de titres ont été suspendus. Souvent pour des durées qui cachent mal la volonté de les asphyxier et les faire disparaître. Ezombolo, La Une et le Verbe de Ngomo ont ainsi écopé de six mois de suspension.

Placés sous le thème : «Médias et communication au Gabon : enjeux et perspectives», les états généraux de la communication de décembre dernier ont recommandé l’adoption d’une loi relative à l’exercice de la liberté de la communication au Gabon. On espère qu’elle sera fidèle à l’esprit de la Déclaration de 1789, qu’elle consacrera le droit à l’information du public en reconnaissant sa contribution à la vie démocratique, qu’elle protégera le secret des sources, dépénalisera les délits de presse et offrira aux hommes de presse des protections identiques à celles dont jouissent tous les enquêteurs. On ose croire que, cette fois-ci, personne ne se défaussera de sa responsabilité, ne se dérobera. Ainsi Charb, Cabu, Wolinski et Tignous pourront se dire, de là où ils sont désormais, qu’ils ne sont pas morts pour rien. Au moins, on pourra se dire que le sang de Philippe Honoré, Elsa Cayat, Bernard Maris, et Mustapha Ourrad aura servi a irrigué le champ dans lequel écloront les fleurs rhétoriques et critiques acerbes de Désiré Ename, Abel Mimongo, Jean de Dieu Ndoutoume Eyi, Alphonse Ongouo, Maximin Mezui, Laure Patricia Manevy, Raphaël Ntoutoume Nkoghé. La rédaction de Charlie Hebdo ne doit pas avoir été décimée pour rien…

 

 

 

 
GR
 

12 Commentaires

  1. Richard Mfoulou dit :

    Tout à fait d’accord. Mais la liberté de la presse est-elle absolue? La liberté d’expression comme la liberté de la presse sont-elles supérieures à toutes les autres libertés, à tous les autres droits?
    Aussi douloureux que soit ce crime ignoble, le moment venu on doit quand même se poser quelques questions?

    • gwen dit :

      En quoi un dessin entrave-t-il la liberté?
      En quoi un article entrave-t-il la liberté?

      Comme le disaient très justement les journalistes de Charlie Hebdo, la seule limite à la liberté d’expression, pour eux, elle se trouvait dans les tribunaux (où ils ont été très régulièrement traînés, parfois condamnés, parfois pas).

      Nous pour l’instant on n’en est pas encore à fixer des limites à la liberté d’une presse en abusant, on en est à essayer de l’obtenir !!!

  2. Miss T dit :

    C’est le pouvoir émergent qui doit être heureux…

  3. le curieux dit :

    Lorsque les menaces ont été proférées sur ce média en France, les autorités de ce pays ont mis en place un système de sécurité pour assurer leur protection. Parce qu’elles étaient soucieuses de leur sécurité, et sont indiscutablement attachées à la liberté de la presse dans ce grand pays des droits de l’Homme.
    Mais pour le cas du Gabon, comment peut-on dire qu’on s’indigne de cette atteinte à la liberté de la presse alors même que vous êtes accusés, par l’intermédiaire de vos proches de persécuter et de vouloir assassiner des journalistes????C’est une comédie ou quoi? Pourquoi depuis 5ans aucune enquête n’a été ouverte suite aux menaces pesant sur les journalistes? Pourquoi aucune sécurité n’a été mise en place autour de ces compatriotes? Pourquoi aucune autorité ne s’est jamais prononcée, suite aux dires des journalistes qui ne cessent de s’inquiéter pour leur sécurité? Ni le PR ni le PM ni les Ministres ni aucune Institution ne s’est jamais prononcé pour éclaircir cette situation…et aujourd’hui on veut faire croire qu’ils sont émus???? Non moi je n’y crois pas. Désolé.

  4. Ngado dit :

    Les journalistes gabonais et le peuple Gabonais doivent initier une marche le Dimanche devant le consulat de France jusqu’a l’institut Francais pour defendre la liberté de la presse. La passivité pour ce acte ignoble est un signe de faiblesse que nous donnons aux boureaux de la liberté. Je laisse l’initiative au syndicat de la presse. Je suis cjarlie. Merci a vous les médias.

  5. Fokoro dit :

    @ Richard Mfoulou. Votre question n’a pas de sens si vous appréciez cette phrase de Roxane: « Si elle fait appel au respect d’ autrui elle porte en elle la liberté de presse telle que definie par l’ article 11… » On ne peut être plus clair.

    • Richard Mfoulou dit :

      C’est bien votre intervention qui n’a pas de sens. C’est bien du respect d’autrui et de ses droits dont je parle. Et je persiste et signe: la liberté d’expression des uns est-elle un droit supérieur au respect et à la dignité des autres? Si c’est un non sens pour vous, je comprends votre problème. Mon propos n’était en rien une attaque contre GR, mais une invite à aller plus loin puisque j’ai bien signalé mon accord avec le papier. Mais, en bon Gabonais pédégisé, toute critique vous est insupportable. Tout le monde doit penser toujours comme vous.

  6. Samyra Jaboun dit :

    Je ne suis pas très favorable aux publications de Charlie Hebdo. Mais je suis choquée devant ce massacre. Tout le monde a le droit de s’exprimer, même pour sortir des inepties et des blasphèmes. Les auteurs de ce forfait ne méritent pas d’être appelé des musulmans. C’est contraire aux valeurs de l’Islam. #otambiA

  7. Menie dit :

    Demandez a tout musulman, tout outrage envers leur prophète Mahomet a pour sanction la MORT! Des lors tout s’explique…

  8. ninalaetitia dit :

    ils a eux plusieurs mort,mais ils ne s’attardent que sur les 4 gars et pourquoi ne parlent ils pas des autres morts invite leurs familles dans les media

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