Sur la question du dysfonctionnement actuel des hôpitaux publics, dont certains rendent responsable la Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale (CNAMGS), le secrétaire général de l’Union des personnels de santé et assimilés (UPSA) dédouane Renaud Allogho Akoue et rend responsable l’Etat qui, selon lui, ne paie pas à temps. Dans cette interview, Joël Ondo Ella accuse également le style de gouvernance de certains responsables d’hôpitaux, qui laissent pourrir la situation.

Joël Ondo Ella (au mégaphone), le secrétaire général de l’UPSA (photo d’archives). © Gabonreview

 

Gabonreview : Vous avez assisté, le 6 mai, à la présentation des comptes du patron de la CNAMGS devant la tutelle. Qu’avez retenu ?

Joël Ondo Ella : Le 06 mai dernier, j’ai effectivement assisté à la réunion convoquée par Madame le ministre d’Etat, ministre de la Santé, de la Protection sociale et de la Solidarité nationale, portant sur la situation actuelle de la santé au Gabon et sur la question de la dette de la CNAMGS vis-à-vis de ses partenaires parmi lesquels les hôpitaux publics. Comme moi, d’autres leaders syndicaux du secteur y ont pris part aux côtés des différents responsables des structures sanitaires et de recherche du pays.

Lors de cette réunion, il a été question pour l’assureur CNAMGS de faire le point sur les différents versements financiers effectués à l’endroit des hôpitaux publics. Ayant attentivement suivi la présentation de Monsieur Renaud Allogho Akoue, le directeur général de la CNAMGS, je pu dire que cet exercice a été très complexe parce que les chiffres méritent bien une organisation pointilleuse et la plus grande précision et rigueur pour se faire comprendre.

J’ai cependant eu le sentiment, comme plusieurs participants, que le directeur général de la CNAMGS présentait un état financier global des structures sanitaires, tandis que plusieurs s’attendaient à ce que cet exercice se fasse point par point, structure par structure. Aussi, est-il important de relever que le fichier de paiement des prestations de la CNAMGS semble ne pas être bien tenu par les services compétents.

Suite à cette présentation, certains responsables de structures sanitaires ont, en effet, émis des doutes et une partie de l’opinion a crié à la falsification des chiffres. Partagez-vous leur point de vue ?

Je peux comprendre les doutes qui ont pu être émis par certains responsables de structures sanitaires lors de cette présentation, mais l’argument selon lequel les chiffres de la CNAMGS auraient été falsifiés, non. Cet argument ne saurait être valable, d’autant que le détail des versements traduisait que ces chiffres prenaient en compte plusieurs années d’arriérés sans spécifier véritablement le mois et l’objet exact du paiement.

N’empêche, la CNAMGS a souvent été accusée par ses partenaires, vous y compris, pour ses retards de paiement, causes des dysfonctionnements dans plusieurs hôpitaux publics notamment. Comprenez-vous les blâmes qui lui sont adressés ?

Au sujet des retards de paiement de la CNAMGS, nous pouvons reconnaître que ceux-ci occasionnent des dysfonctionnements dans les services des hôpitaux publics, puisque la CNAMGS est le premier financier de ces hôpitaux. Pourtant, ce n’est pas la principale cause de cette situation qui affecte négativement les hôpitaux publics. Si cela avait été le cas, les hôpitaux privés auraient déposé la clé sous le paillasson depuis longtemps. Or, c’est structures sanitaires privées fonctionnement parfois bien mieux que les structures publiques.

Dès lors, nous affirmons que la question de la gouvernance reste au centre des débats et devient même la problématique majeure par rapport au fonctionnement des hôpitaux publics. Sinon, comment justifier l’arrêt systématique des prestations au public si en plus des prestations de la CNAMGS on a la subvention de l’Etat et les fonds propres générés par les structures publiques ? Comment se retrouver sans matériel basique pour l’accueil et la prise en charge des malades au seul motif que la CNAMGS accuserait des retards de paiement ? La subvention de l’Etat continue-t-elle d’être versée ou pas ? Les fonds propres peuvent-ils relayer en attendant le paiement des prestations aux assurés ?

Les patrons des hôpitaux publics ne devraient pas trouver des excuses et tout envoyer sur la CNAMGS, qui n’a été créée qu’en 2009. Demandons-nous si avant la CNAMGS les hôpitaux publics fonctionnaient normalement. Si oui, comment justifierons-nous les grèves de 1999, 2003, 2006, 2008 ?

Le gouvernement doit accorder une place de choix à la santé et cela en y consacrant un budget, sinon un financement capable de répondre à la couverture sanitaire qui oscille environ à 145 milliards de francs par an.

La CNAMGS est souvent accusée par ses partenaires, nous y compris, parce que l’État a déjà intégré dans la conscience collective et surtout l’opinion que c’est la CNAMGS qui est le responsable de la politique sanitaire au Gabon, alors qu’il en est rien. Dans tous les États, la santé reste le domaine de souveraineté des politiques publiques et les assurances sont les accompagnateurs, sinon les facilitateurs d’accès aux soins pour les populations. Dès lors, les populations et même les personnels de santé ne peuvent que se retourner vers la CNAMGS, toutes les fois que ceux-ci éprouvent des difficultés dans la prise en charge des malades, soit par manque de matériels ou en raison des grèves.

Finalement, qui de l’Etat, des patrons d’hôpitaux ou de la CNAMGS serait responsable, selon vous, du dysfonctionnement actuel des hôpitaux publics ?

A bien des égards, la responsabilité du dysfonctionnement des hôpitaux publics incomberait à l’Etat, car selon les informations que nous avons, l’État ne verse pas régulièrement sa part patronale sur les cotisations des assurés du public. En outre, selon les exigences de la Conférence interafricaine de la prévoyance sociale, il est dit que les cotisations des assurés CNAMGS doivent être versées directement dans le compte de ladite Caisse et ce tous les 25 du mois.

Enfin, nous observons que la Contribution spéciale de solidarité (CSS) créée par l’État pour la prise en charge des Gabonais économiquement faibles (GEF) n’est ni couverte par l’organisme ni versée à ce dernier pour servir aux ayants droits. Dans ce cas de figure, il apparaît que la CNAMGS est asphyxiée avec des charges qui ne répond pas à ses ressources.

Depuis ce lundi, les prestations aux assurés CNAMGS sont à nouveau possibles dans les hôpitaux publics. Comment accueillez-vous cette nouvelle après des semaines de suspension ?

Nous accueillons cette nouvelle avec beaucoup de satisfaction parce que, en tant que partenaire social, je suis la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche et celle des potentiels malades.

Je me dois donc de saluer les efforts financiers qui ont été consentis par la CNAMGS à l’endroit des hôpitaux publics. Nous avons reçu la garantie d’un paiement constant pour permettre aux hôpitaux publics de redémarrer.

Aussi, dois-je saluer l’initiative des autorités du ministère de la Santé quant à la convocation de la rencontre du 06 mai dernier, qui nous a permis de convenir d’un mode plus réaliste d’apurement de la dette de la CNAMGS vis-à-vis des hôpitaux publics.

D’autre part, les différentes interventions des managers des hôpitaux publics nous ont conduit à demander des audits dans ces hôpitaux, y compris la définition d’un contrat de performance, car la récurrence des mêmes préoccupations a fini par créer une crise de confiance entre les usagers et l’hôpital. Or, cette confiance nécessite d’être rétablie par l’implication de tous. C’est-à-dire le gouvernement, les responsables des hôpitaux publics, la CNAMGS, le personnel, les usagers et les partenaires sociaux. Cette implication devrait faire appel à l’engagement, aux moyens humains et financiers, à l’éthique professionnelle, à la compréhension et à l’indulgence…finalement, à une organisation plus appropriée dans la gestion des hôpitaux publics.

 
GR
 

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