Précédé d’une réputation de manœuvrier hors pair et de politique chevronné, l’ancien député de Bitam vient de quitter le PDG. S’il a fait étalage d’un sens de la communication et est présenté comme un ancien baron, les années passées au sein du parti au pouvoir n’ont visiblement pas laissé que de bons souvenirs en lui.

René Ndémezo’Obiang, le 28 février 2015 à Libreville. © D.R.

René Ndémezo’Obiang, le 28 février 2015 à Libreville. © D.R.


 
Le bleu rappelle la mer et le ciel. Il symbolise la fraîcheur, la sensibilité et surtout la paix, le calme, la sérénité. René Ndemezo’Obiang le sait certainement. Pour sa déclaration de rupture avec le PDG, il arborait un costume bleu. Sans doute, le signe d’une envie d’afficher une paix intérieure, de se montrer serein et résolument engagé dans la recherche de solutions aux tourments de la société gabonaise. Est-ce un hasard s’il a voulu se vendre en racontant sa propre histoire ? Est-il opportun de ne pas interroger ses vœux de prompt rétablissement adressés à André Mba Obame ? Peut-on minimiser ses excuses pour son choix de 2009 quand il décida de soutenir le candidat Ali Bongo ? Est-on fondé à sous-évaluer sa tirade consacrée à ses électeurs de Bitam ?
A l’évidence, son discours a été rondement construit, structuré selon les principes du storytelling. L’homme entendait, d’une part, rendre digeste l’idée d’un changement de positionnement politique et, d’autre part, mobiliser ses troupes avant de partir à l’assaut de l’opinion nationale. Autrement dit, il entendait fournir au grand public des anecdotes et histoires à même de faciliter la compréhension d’une vie politique longue de plusieurs décennies, renforçant ainsi son adhésion à la démarche choisie. L’ancien député de la commune de Bitam y est-il parvenu ? L’avenir nous le dira….
Message subliminal
Pour l’heure, René Ndemezo’Obiang a fait étalage d’une certaine maîtrise des techniques de communication politique. Faut-il s’en étonner ? En 36 ans de présence sur la scène publique nationale, il a eu le temps de faire la preuve d’un certain sens politique. Ancien secrétaire général adjoint en charge de la propagande et de la communication, ancien porte-parole, ancien président du groupe parlementaire à l’Assemblée nationale, ancien ministre en charge des Relations avec les institutions constitutionnelles, ancien directeur provincial du candidat Omar Bongo Ondimba, jusqu’en 2009, il a été de toutes les luttes, de tous les combats mais aussi de toutes les intrigues et manipulations politiciennes internes au PDG ou visant à en maintenir l’hégémonie sur l’échiquier politique national. Fortement imprégné de culture marxiste, redoutable débatteur, manœuvrier et tacticien reconnu, c’est tout aussi un animal de sang-froid. Le profil parfait pour en mettre plein la vue à ses anciens compagnons du PDG et s’imposer dans le marigot politique national.
Pour le symbole et parce que la politique c’est aussi le maniement des images et pictogrammes, le revirement de ce baron du PDG ne saurait être minimisé ou traité par-dessus la jambe. Unanimement présenté, à tort ou à raison, comme le stratège du PDG pendant 19 ans, André Mba Obame a rompu les amarres à la suite du décès d’Omar Bongo Ondimba. Reconnu comme un des plus influents réseauteurs du pays, Paul Toungui s’astreint à l’abstinence médiatique et à un mutisme assourdissant. En décidant de virer sa cuti, René Ndemezo’Obiang donne une plus profonde résonance et un autre sens à leurs attitudes respectives. Ce n’est nullement un hasard s’il a rendu hommage à l’un et soigneusement évité de parler de l’autre. Mieux, connaissant leurs liens voire leur complicité, l’absence remarquée de l’ancien ministre de l’Economie et des Finances, le 28 février dernier à Agondjé (lire par ailleurs «Ndémedzo’Obiang, désormais sur la ligne de Front»), a tout d’un acte prémédité et calculé. Peut-on y voir un message subliminal ? Aux adeptes de sémiologie et sémiotique, ce fait offre du travail.
L’appel du 6 mars 1990
René Ndemezo’Obiang s’est révélé au grand public le 6 mars 1990. Ce jour-là, à la faveur d’un appel dont plus grand monde n’a souvenance aujourd’hui, il dénonçait, aux côtés de ses alliés de toujours Paul Toungui, Simplice Guédet Manzela et Léonard Andjembé ainsi que des personnalités comme Jean-Robert Goulongana, Paul Boundoukou Lata, «le coup d’Etat constitutionnel ourdi par le Front uni des associations et partis politiques de l’opposition (Fuapo)» tout en invitant les «Caciques» et «Rénovateurs» à mettre un terme à leur guéguerre. Leaders du Fuapo, Pierre-Louis Agondjo Okawé et Joseph Rendjambé Issani bataillaient alors pour la souveraineté de la Conférence nationale de mars-avril 90, avec comme objectif ultime le départ d’Omar Bongo Ondimba. Faut-il rappeler que le président de la République d’alors proposa de dissoudre le PDG au profit du Rassemblement social-démocrate gabonais (RSDG) ? Doit-on raviver le souvenir de l’accueil positif réservé à cette idée par la baronnie PDG de l’époque ? «La politique, c’est pas compliqué, il suffit d’avoir une bonne conscience, et pour cela il faut juste avoir une mauvaise mémoire», disait l’humoriste français Coluche.
Après un passage furtif de huit mois au ministère de l’Enseignement supérieur en 1994, l’ancien député de Bitam fait son retour au gouvernement le 27 janvier 2002 en qualité de ministre des Relations avec le Parlement, porte-parole du gouvernement. Il n’est alors pas à la fête et croit être condamné à «gérer la parole». «René a longtemps cru qu’on ne le prédestinait qu’à faire de la politique politicienne. Il a dû batailler pour s’imposer tant son premier passage au gouvernement fut écorné par la grève de l’université avec la mésaventure du déshabillage du recteur de l’époque, Daniel Ona Ondo», rappelle un ancien chef de rubrique au quotidien L’Union. «René n’a jamais obtenu de ministère sectoriel très technique parce qu’il a davantage l’image d’un politicien. On le voit toujours très mal faire de la gestion tant sa réflexion ne semble tourner qu’autour des techniques et stratégies de conquête ou de conservation du pouvoir», analyse-t-il ensuite.
Effectivement, s’il peut se targuer d’une décennie de présence au gouvernement, René Ndemezo’Obiang a surfé entre les départements de la communication, de la culture ou des sports. Jamais, on ne lui a confié des portefeuilles à portée technique tels la Santé, l’Education nationale ou les Affaires sociales. S’il revendique son rôle dans l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations 2012, il est blessé, meurtri par la communication post-événement, qui ne l’a jamais valorisé. «Laissez tomber. C’est rien», lançait-il à ceux des siens qui s’offusquaient du contenu des brochures éditées par le Cocan dirigé par Christian Kerangall. Une nostalgie liée au sentiment de ne jamais avoir été récompensé en proportion de son engagement et de son dévouement. S’il s’habille en bleu, l’ancien ministre des Sports a aussi quelques bleus à l’âme….
 

 
GR
 

13 Commentaires

  1. UneVoix dit :

    des bleus à l’âme c’est exactement ce qui lui ronge le coeur à ce vieux monsieur. des remords de sa mauvaise gouvernance et pour retourner l’arme contre les autres retourne sa veste et montre un doigt accusateur

    • Kombila dit :

      Ce disque est rayé, celui de l’âge des autres. Dommage que, tout autour d’Ali Bongo, les gens qui osent s’exprimer ne font que dans la broderie des égouts, sans opposer des arguments de poids aux voix des « vieux » qui préfèrent se désolidariser de l’arrogance des émergents. « Mauvaise gouvernance » ? De la part de qui ? Pas de René Ndemezoo Obiang, tout de même ! Il faisait partie des mêmes équipes que votre champion émergent dont toute la stratégie a conduit le Gabon sur la route de la contestation populaire. Je vous souhaite de ne point vieillir, mon frère, pour ne pas avoir un jour à regretter amèrement votre manque de délicatesse envers les plus âgés.

      • ya kiakia dit :

        Bien dit cher(e) KOMBILA ! A lire toutes ces commentaires sur l’âge de ceux qui ont librement fait le choix de dire « stop », j’en viens à penser qu’un jour on nous annonce qu’avoir plus de 50 ans au Gabon est un crime. Les parents de tous ceux qui débitent des inepties sur l,age sont t ils tous « partis » ? M. Mandela planetairement honoré à la limite de l’adoration jusqu’aujoud’hui avait quel âge ?

        • ya kiakia dit :

          Et puis, que peut on attendre de personnes qui n’ont aucun respect pour les « vieux »? Nada ! Et ça vient faire des leçons sur la moral. Pitoyable. Et nous avons des enfants qui écoutent et voient cela. Ne vous étonnez pas demain d’être traités à votre tour de pauvre déchet. On récolte ce qu’on sème.

      • imagine56 dit :

        GR,
        je prie le ciel que mon post vous parvienne
        ceci dit , j’ai plus rien à dire après la remarque très pertinente de Kombila. Argument massu qui clouera certainement.
        Je dis bravo à Ndemézogo’o pour avoir eu le courage de larguer
        le parti de masse et sa bande de couards.

  2. Mao dit :

    @UneVoix. Pouvez-vous parler sans vous en prendre à l’âge des gens ? A vous entendre, vous ne grandissez et ne vieillissez pas vous…. Ali Bongo ne vieillit pas lui…. Vous faites pitié avec vos propos sur l’âge des gens…. « Mauvaise gouvernance » ? Celle d’Ali Bongo est comment ? La dune en face de Jeanne Ebori est le signe de quoi ? Foutez le camp….!!!

  3. Jean Charles Mba dit :

    Je retient de cet article que M Ndemezo’o n’a pas eu son compte dans le PDG et pour parvenir à la hauteur de ce qu’il pense etre, il quitte ce parti pour entrer dans l’opposition. En somme c’est un calcul politicien en vue de la conquette du pouvoir. Est-ce à dire que pour notre néo opposant les problèmes des Gabonais ne sont pas prioritaires ?

  4. Ecriture dit :

    Le départ de René Ndemezo’Obiang du PDG démontre une fois de plus la présence d’une véritable crise au sein du partie. A qui le tour…
    Pourtant, le changement de camp ne fait pas lui un homme nouveau, blanchit de tout soupçon, au contraire il reste le même homme véreux et sans scrupule qui veut aujourd’hui acheter la considération peuple qu’il foulé au pied durant trois décennies. Il serait plus utile dans l’effacement total, car les casseroles qu’il traine sont plus retentissantes que son discourt qui sonne faux aux oreilles des hommes sages et avertis…

    • imagine56 dit :

      Ecriture,
      connais tu un seul homme politique qui depuis les années 70-80-9O-2OOO ne trainerait pas de casseroles? Tout le monde a quelque chose dont il peut avoir honte, par exemple avoir abusé de son autorité pour acquérir un terrain, avoir acheté une maison en France avec l’argent du contribuable, avoir soudoyé des députés pour la construction d’un dispensaire, d’une école dans son village, je ne parle pas de détournements, bref personne n’est blanc quand on fait de la politique dans nos républiques bananières.
      Arrètons donc de penser que celui qui éventuellement pourrait venir de l’opposition ou même de la majorité aura la blancheur d’un Obama, ce qui importe aujourd’hui, c’est de dépouiller le PDG, le fragiliser, le voir
      lâcher de toute part y compris de ses ténors.
      Mon fils a coutume de dire « tous des pourris opposition comme majorité » et je crois qu’il n’a pas tout à fait tort, aussi je lui rétorque que les plus pourris sont ceux qui continuent à soutenir ce régime. Il faut savoir pardonner, peut-être pas oublier, mais pardonner!

      • Ecriture dit :

        Je suis d’avis avec Toi Imagine56…, mais comme dit l’adage un arbre penché ne être redressé. Aujourd’hui il nous chante une sérénade de pardon, mais qui ne nous dit pas qu’il retombera dans ces même travers si l’occasion se présente à nouveau. La belle preuve de pardon qu’il puisse faire c’est de restituer les milliards qu’il a volé, et les distribuer aux pauvres etc. en faisant de vrais actions sociales

  5. imagine56 dit :

    René connait le parti qu’il vient de larguer, ses points forts et ses faiblesses, les jours qui viennent vont nous tenir en haleine, tant les passes d’armes entre Ndemezogo’o et ses anciens camarades vont être sanguinaires. Connaissant René, il va les envoyer dans les cordes à chaque sortie!

  6. Sonyah dit :

    Je suis étonnée que tout le monde jubile de l’arrivée de ndemezo dans le Front… un mec pedegiste pur et dur durant des décennies?? ais qui vous dit que ce n’est pas un cheval de Troie, chargé d’infiltré le Front, pour mieux le ronger de l’interieur??? C’est quand même étonnant qu’on puisse donner quasiment un blanc-seing à n’importe quel aparatchik du régime pour peu qu’il fasse un point de presse, et annonce sa rupture avec le Pdg. Qui nous dit qu’i est sincère?? eh vraiment le gabonais et le syndrome de stockholm… Je crains que beaucoup aient des mauvaises surprises d’ici 2016…

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