Une réforme en profondeur du secteur forestier s’impose. Face aux impératifs de gestion durable et de compétitivité économique, l’amélioration de la transparence est d’une ardente nécessité.

La disparition de 353 containers «des mains de la justice» révèle de graves dysfonctionnements dans la gouvernance du pays. © Gabonreview/Shutterstock

 

Trois cent cinquante-trois containers de bois précieux ont mystérieusement disparu du port d’Owendo (lire «353 containers disparaissent des mains de la justice». A ce jour, on n’en sait pas plus. N’empêche, ce scandale révèle de graves dysfonctionnements dans la gouvernance du pays. Autrement dit, il traduit le peu d’appétence des pouvoirs publics pour les bonnes pratiques. En attendant l’établissement des responsabilités, une certitude s’impose d’elle-même : le secteur forestier doit être profondément réformé. Lieu de convergence des enjeux écologiques, économiques et sociaux, la forêt est l’objet d’une attention particulière. De nombreux instruments juridiques internationaux, comme différentes initiatives, témoignent de son importance. Quand ce pan de l’économie se trouve ainsi secouée, il attire inévitablement les regards sur le pays tout entier. C’est dire si cette affaire mérite d’être traitée avec la plus grande rigueur. C’est aussi dire si les solutions ne sauraient être cosmétiques ou simplement répressives.

Dans l’opacité et la corruption

Pour l’heure, il faut commencer par se poser les bonnes questions. Sur le rôle véritable de la justice ou des douanes, les formalités administratives, la surveillance du port ou les modalités de chargement des navires, tant de zones d’ombre subsistent. De prime abord, la responsabilité des douanes, de l’autorité portuaire et de la justice semble engagée. Seulement, de notoriété publique, le secteur forestier baigne dans l’opacité et la corruption depuis de trop longues années. L’accès à l’information publique y relève de la gageure. La responsabilité individuelle des agents, comme celle de l’administration ou des opérateurs, est rarement évoquée. Mille fois exigée, la participation de la société civile aux opérations de contrôle  demeure un vœu pieux. Tirant bénéfice de tout cela, se livrant à une interprétation extensible des missions régaliennes, les représentants de la puissance publique en profitent pour dicter leur loi, y compris au mépris des principes de bonne gouvernance.

Pour sûr, certains plaideront la souveraineté. Ils diront s’opposer à la mise sous tutelle internationale du massif forestier national. Quand bien même elle peut se soutenir, cette thèse est un leurre. Sauf à ne pas tenir compte des évolutions récentes, chacun peut se faire une idée de la portée des engagements internationaux de notre pays. A moins de nager à contre-courant de l’histoire, tout le monde sait combien l’industrie forestière est encadrée. De nos jours, le bois est l’une des matières premières les plus difficiles à mettre sur le marché. Pour y parvenir, il faut cocher de nombreuses cases. Des initiatives comme le Forest law enforcement for governance and trade (Flegt) ou des référentiels de certification comme le Forest stewardship council (FSC) ou le Programme de reconnaissance des certifications forestières (PEFC) visent à réglementer la vente du bois au sein de l’Union européenne ou aux Etats-Unis. Ayant librement adhéré à de nombreuses conventions internationales, notre pays ne peut faire fi de cette réalité. Sauf, bien entendu, à accepter de renoncer au marché occidental pour privilégier les pays asiatiques. Sauf, aussi, à consentir à faire le lit des trafiquants et autres contrebandiers de tout poil.

Amélioration de la transparence ? Une ardente nécessité

Pour toutes ces raisons, il faut mettre en place un cadre juridique et institutionnel favorisant la promotion de l’aménagement durable et de la certification, la clarification des responsabilités et, le contrôle de l’ensemble des opérations. Au vu des ingérences politiques, de la législation en vigueur ou de la pratique administrative, on ne saurait indexer le seul ministère en charge des Forêts. Entre une loi peu adaptée aux réalités et les interventions extérieures, cette administration n’a pas toujours la maîtrise des événements. A bien des égards, elle laisse même le sentiment d’être débordée, dépassée. Pour faire face aux impératifs de gestion durable et de compétitivité économique, l’amélioration de la transparence est d’une ardente nécessité. De même, une meilleure coordination interinstitutionnelle s’avère nécessaire.

Dans quelques jours, un projet de révision du Code forestier sera soumis à l’Assemblée nationale. Pourquoi ne profiterait-on pas de cette opportunité pour rebattre les cartes ? Sans renoncer à l’enquête en cours, il faut se donner les moyens juridiques de prévenir de tels dérapages. Après tout, la gestion moderne du secteur forestier dépend de la transparence des opérations, de la responsabilité des agents et de la participation de l’ensemble des acteurs. Or, dans l’affaire des 353 containers, ces principes ont cruellement été ignorés. Pour l’avenir, il faudra sans doute en tenir compte. Au-delà des sanctions, il faudra tout réformer.

 
GR
 

4 Commentaires

  1. Moulengue dit :

    En tout cas, une telle cargaison ne peut disparaître sans que les autorités douanières, portuaires et administratives ne soient au parfum.
    Les responsables sont dans ces administrations. Espérons tout simplement que la justice fasse la lumière dessus

  2. Si une enquête est ouverte, y’aura pas de suite comme d’habitude. C’est ça la JUSTICE dans notre pays.REGRETTABLE pour mon pays.

  3. Lavue dit :

    C’est limpide que la disparition d’une telle cargaison ne peut être que l’œuvre d’un organisation mafieuse bien structurée de bout en bout. Il ne peut en aucun cas s’agir d’un acte isolé de la part de quelques agents des Eaux et Forêt ou des Douanes. Les nouveaux dirigeants du pays (le DIRCAB en chef, le PM et leurs acolytes) sont forcément au courant s’ils ne sont impliqués au plus haut niveau dans cette affaire. C’est tellement gros qu’il ne fait aucun doute qu’il s’agit un réseau ancien bien huilé et pas du tout d’un fait accidentel. Faites parler les autorités chinoises (en chine) vous aurez toute la vérité. Là on a juste la cargaison qui a pu être saisie, imaginez donc tout ce qui s’est fait avant cette saisie. Comme la justice a toujours appartenu à ce qui dirigent le pays; il est évident que cette affaire ne connaîtra aucune suite. Tous ces dysfonctionnements montrent une fois de plus que le pays n’est plus non seulement mal géré mais en plus par des personnes ne disposant d’aucune légitimité ou légalité. Des forces pourtant visibles qui font simplement dans la loi du plus fort et accélère les détournements comme si le temps leur était compté. Cela n’est rien d’autre que du banditisme. La justice qui fera son travail tombera -telle du ciel?
    Enfin, il n’est pas interdit de rêver…

  4. diogene dit :

    Des containers disparaissent tous les jours mais en petites quantités, avec parcimonie, en douce…Que se passe t il pour que les disparitions – car celle ci augure des suivantes – explosent en taille et je le pense en fréquence ?

    Comment ne pas mettre en lien la délinquance étatique et la vacance au sommet !

    Même si la vacance du chef de l’état n’est pas officielle, les faits montrent sa réalité bien que les esclaves du régime nous chantent en boucle le contraire, comme ils chantèrent Omar, les échecs électoraux devenus victoires triomphales, la nativité miraculeuse – Brazzaville au Biafra et mieux que la virginité qui n’empêche pas la procréation, l’accouchement de la femme stérile -,etc…

    Comme il est doux et rafraîchissant de lire qu’une réforme du droit forestier serait un début de solution.

    Je vois cela comme un pansement sur une jambe de bois en kévazingo de préférence, car des lois nous en avons, des accords internationaux nous en signons, seulement c’est pour les bafouer et pour être plus précis pour les ignorer, des institutions idem, des douaniers aussi , des tribunaux itou, des ministres de même…

    Que manque t il dans cet édifice impressionnant ? La volonté, l’intégrité qui naissent de l’analyse intelligente.

    Menés par le dur fouet de la cupidité perverse et brutale, nos dirigeants sans directeur et qui n’ont jamais eu de direction à suivre faute de prévoyance,se lâchent, se déplient, s’exposent, se dilatent…
    Le pire est à venir.

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