Le bâtiment qui abritait auparavant l’ambassade des Etats-Unis à Libreville est revenu au ministère de l’intérieur. Entre souvenir du Pozzo di Borgo et interrogations, la petite histoire.

L’ancienne ambassade des USA à Libreville, vue du bord de mer. © Gabonreview

L’ancienne ambassade des USA à Libreville, vue du bord de mer. © Gabonreview


«Personnellement, je préfèrerais que ce bâtiment subsiste tel qu’il est en tant que patrimoine gabonais, car il demeure un morceau de l’histoire des relations entre les Etats-Unis et le Gabon», déclarait SE Eric D. Benjaminson, alors ambassadeur des Etats-Unis au Gabon, le 16 janvier 2013 lors d’une cérémonie, au palais de la Présidence de la République, consacrant le retour dans le patrimoine de l’Etat gabonais du bâtiment ayant abrité la chancellerie de l’ambassade des Etats-Unis à Libreville, de longues décennies durant. Le diplomate semble avoir prêché dans le désert, vu que ces jours-ci le jardin de cet édifice est en passe de destruction : des arbres y sont coupés et, vraisemblablement, une annexe va être construite dans le jardin.

L’entrée du bâtiment, avenue du Marquis de Compiègne, avec une enseigne du ministère de l’Intérieur.  © Gabonreview
L’entrée du bâtiment, avenue du Marquis de Compiègne, avec une enseigne du ministère de l’Intérieur. © Gabonreview

Il se passe que l’avenue de Cointet, siège actuel du ministère de l’Intérieur, se déporte à l’avenue du Marquis de Compiègne dans le uptown de Libreville. Au croisement de cette avenue et du boulevard de l’Indépendance (bord de mer), en face de l’ambassade de France, se trouvait en effet, jusqu’au 6 décembre 2012, la représentation diplomatique américaine au Gabon, désormais à La Sablière.
Les usagers qui s’étaient réjouis de la réouverture du terminus de l’avenue du Marquis de Compiègne, juste devant la Chambre de commerce, peuvent déjà déchanter. S’il est désormais interdit de se garer là, on devrait s’attendre à un nouveau barrage de cette avenue, ainsi que le ministère de l’Intérieur avait pris l’habitude de le faire à l’avenue de Cointet, sous Jean François Ndongou et au lendemain de la présidentielle anticipée de 2009. L’artère a, du reste, déjà été fermée de longues années durant aux automobiles. Car, confrontés à diverses attaques meurtrières contre plusieurs de leurs intérêts dans le monde, les Américains avaient barré cette voie en vue de renforcer la sécurité autour de leur représentation diplomatique. Ce qui représente aujourd’hui le nec plus ultra pour les ministres Gabonais de l’Intérieur qui, après chaque élection présidentielle, craignent pour leur vie au point de barrer des routes dans un centre ville de Libreville déjà difficile au trafic automobile.
Mais ce qu’il y a surtout à appréhender, c’est la défiguration de cette bâtisse dont l’architecture témoigne d’une certaine époque dans la longue transformation de la capitale gabonaise. Resté fermée après l’aménagement des Américains dans leur nouveau bâtiment du quartier huppé de La Sablière, la bâtisse du bord de mer, selon des sources du secteur de l’immobilier, avait d’abord été mis en vente après d’amples travaux de restauration. Le bel édifice a été construit en 1940. Il a d’abord servi comme comptoir de commerce et a abrité une banque avant que le département d’Etat des USA ne l’achète. Si les relations diplomatiques entre le Gabon et les Etats-Unis d’Amérique ont été établies en août 1960, lorsqu’Alan W. Lukens, qui résidait alors à Brazzaville, avait présenté ses lettres de créance en tant que chargé d’affaires par intérim, l’ambassade américaine au Gabon ne s’est ouverte que le 20 mars 1961, avec A. Walker Diamanti qui occupait également les fonctions de chargé d’affaires par intérim.
Depuis lors, l’édifice, chargé d’histoire, n’a pas changé de propriétaire et il a été bien difficile à vendre lorsque les Américains l’ont quitté. Car, selon les mêmes sources du secteur de l’immobilier, il fallait montrer patte blanche quant à l’origine des fonds qui devaient servir à son achat. Au pays des fortunes suspectes, les acheteurs ne se sont pas vraiment bousculés. Ce qui pourrait expliquer son acquisition par le Gabon et son inscription au patrimoine de l’Etat.
Consacré lors de la cérémonie sus citée du 16 janvier 2013 à la présidence de la République, par le paraphe de documents entre Luc Oyoubi, alors ministre de l’Economie, et l’ambassadeur des Etats-Unis d’alors, Eric D. Benjaminson, cette transaction n’est pas sans rappeler le Pozzo di Borgo, hôtel particulier de luxe, acquis «en toute transparence», selon les termes d’un communiqué du gouvernement gabonais, le 19 mai 2010. Qui a donc réellement acheté l’ancien bâtiment de l’ambassade des Etats-Unis à Libreville ? Pourquoi la transaction a-t-elle été scellée à la présidence de la République en présence d’Ali Bongo ? Aujourd’hui, est-on vraiment obligé d’y loger le cabinet du ministre de l’Intérieur ? Pourquoi, au moment où les caisses de l’Etat semblent à la peine, ne pas mettre ce bâtiment en location ?
«L’endroit est stratégique, avec, à un jet de crachats, l’ambassade de France, et un peu plus loin, à l’immeuble «Les Frangipaniers», la représentation diplomatique allemande», fait remarquer le journal Gabon d’Abord, avant de conclure : «Guy Bertrand Mapangou, calfeutré derrière les blocs de béton, et entouré d’une faune de caméras de surveillance autour des lieux. Toute chose pour dire que les émergents ne manquent pas d’idées quand il s’agit des futilités. A défaut de nous contredire». Etait-ce, en effet, l’endroit idéal pour le ministère qui va gérer, dans deux ans, une élection présidentielle que l’on pressent agitée ?
 

 
GR
 

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