Pénurie d’antirétroviraux, fermeture de structures sanitaires privées, carence d’intrants dans les hôpitaux à l’intérieur du pays… autant de difficultés qui ont actuellement pignon sur rue au Gabon.  Dans cette interview accordée à Gabonreview, la ministre de la Santé livre son diagnostic de la situation, évoquant par ailleurs le traitement appliqué par le gouvernement.

Le ministre d’Etat en charge de la Santé s’entretenant avec les journalistes, le 20 mars 2019, à l’issue de la présentation du bilan à mi-parcours de l’opération de contrôles des cliniques privées. © Gabonreview

 

Gabonreview : Que retenir du récent bilan d’étape de l’opération de contrôle des cliniques privées ?

Denise Mekam’ne : Je vais d’abord rappeler que ce contrôle a été fait conformément aux textes qui régissent le ministère de la Santé. Vous savez qu’au niveau du ministère de la Santé, nous avons des normes. C’est-à-dire que chaque type de structure doit correspondre à des normes bien spécifiques. Nous avons également des normes qui concernent le sang, la transfusion sanguine. Au regard de tous les dysfonctionnements que nous avons constatés, nous avons décidé de mettre en place un contrôle, assez rigoureux, des structures sanitaires privées. En précisant qu’il ne s’agit pas d’une chasse à ces structures sanitaires ou d’empêcher leur fonctionnement, mais de s’assurer que ces structures viennent contribuer effectivement à la prise en charge médicale des patients. Nous avons donc besoin de ces entités, bien structurées et qui respectent les normes sanitaires. Nous avons lancé ce contrôle et la Commission est venue me faire le compte-rendu, le bilan à mi-parcours. Ce bilan montre qu’à ce jour, depuis le 29 janvier, il a été visité 71 structures sanitaires privées tous genres confondus. Sur les 71, il y a 31 cliniques qui ont été définitivement fermées. 14 ont été fermées partiellement, 5 provisoirement et 14 ont reçu des avertissements. Des services ont été fermés parce qu’il nous est arrivé justement de trouver des structures privées bien aux normes, mais dont certains services ne remplissaient pas les standards requis.

Quelles sanctions envisagez-vous, sachant que les fautifs se trouvent aussi bien dans l’administration ?

Au niveau des sanctions, je crois que la principale est déjà là avec la fermeture des structures ne répondant pas aux normes. En fonction des infractions que nous constatons, il y a des fermetures définitives ou partielles, notamment. S’agissant du personnel, c’est une question qu’on va gérer en interne. Certains ont déjà été interpellés. Mais vous savez que la majorité des cas, il s’agit d’agents publics et il faut une procédure pour les sanctionner. Vous savez aussi que cette opération est multisectorielle. En effet, nous sommes accompagnés par les ministères de la Défense et celui de la Justice. Le moment venu, les responsabilités seront établies.

Que répondez-vous à ceux qui vous accusent d’avoir organisé cette opération coup de poing pour des fins pécuniaires ?

Je vais commencer par dire que cette opération n’est pas menée par le cabinet du ministre d’État que je suis. Comme je l’ai dit, elle est multisectorielle. Il s’agit donc d’une synergie entre les départements de la Justice, la Défense, l’Intérieur et la Santé. Lorsque l’opération a été lancée, certains ont peut-être pensé qu’on venait leur mouiller leur bout de pain. Mais il n’en est rien. Nous avons la responsabilité de la santé de la population gabonaise et c’est à ce titre que nous avons mené cette opération. Cela est pour dire qu’il ne s’agit pas d’une opération du ministre de la Santé, de Denise Mekam’ne. C’est une initiative qui entre dans le cadre de nos responsabilités d’assurer la prise en charge médicale des Gabonais et garantir leur santé. Maintenant, ce qu’on a pu dire, il faut le mettre sur le coup de nos façons de faire. Il y a effectivement un service qui est chargé de ça. Vous savez que dans un service à un moment donné, quand les gens sont restés trop longtemps à un poste de responsabilité ou lorsqu’on a maitrisé tous les rouages du service, on peut être soit pris par le découragement, soit par la routine. C’est tout cela qui a nécessité la mise en place d’une Commission chargée de cela. Je crois que ce n’est pas du tout interdit. Cela peut se faire.

Il est parfaitement recommandé de mettre des personnes neutres dans un contrôle, parce qu’il s’agit de contrôle. Le service qui délivre les autorisations ne peut pas en même temps être chargé des contrôles. C’est une évidence ! Il a donc fallu mettre sur pied un organe plus ou moins neutre, sans écarter les personnes qui sont dans ces services. Elles nous accompagnent. Elles sont là, mais j’ai voulu une équipe plus ou moins neutre pour avoir un regard juste, équilibré et cohérent de ce qui se passe. Je dois dire que cette opération est une interpellation du gouvernement. Je dois aussi le souligner : cela été une interpellation du président de la République, qui constatait qu’il y a trop de cliniques privées. Vous savez, nous sommes une population de 1,2 million d’habitants. Et pourtant, sur chaque 20 mètres, vous avez un cabinet médical. C’est anormal ! Voilà pourquoi il faut mettre de l’ordre dans cette affaire.

Après la rupture des stocks antirétroviraux qui a créé la stupeur, la situation est-elle revenue à la normale ?

La solution est en train d’être trouvée. Je crois que les spécialistes de la question se sont largement exprimés là-dessus. On a évidemment abusivement dit que les personnes vivant avec le VIH allaient mourir dans deux semaines. Je crois que nous avons constaté qu’il n’en a rien été. Nous avons effectivement eu des difficultés dans l’approvisionnement, mais cela était dû au fait que nous avons 34 000 malades. C’est un problème de livraison. Les firmes qui fabriquent ces médicaments ne font pas de la philanthropie. Elles cherchent leur argent et lorsque vous leur présenter une commande qui n’est pas assez importante, elles ne peuvent pas de suite de se précipiter. C’est pour cela que quelques fois, elles demandent des commandes groupées. C’est un problème de livraison, de fabrication parce que ce sont des produits qui ont un coup de fabrication énorme. Il faut peut-être aussi expliquer à la population que les produits des personnes vivant avec le VIH, comme les produits antituberculeux ne se retrouvent pas dans le commerce comme un paracétamol. Ce sont des produits qui sont fabriqués lorsque la commande est faite. Je ne suis pas médecin, mais il y a des molécules, il y a tout un protocole de traitement et cela obéit à des normes. Pour ce qui concerne la Santé, nous avons effectivement eu ce problème parce que lorsque nous avons passé notre commande, on nous a dit que nous ne pouvons pas être livrés avant le mois de juin.

Comment faire pour que le pays ne soit plus confronté à ce genre de problèmes ?

Tout repose sur les moyens, l’État fait ce qu’il peut pour éviter ce genre de désagréments à l’avenir. Certaines choses méritent cependant d’être expliquées. Lorsque vous avez ces pénuries, vous vous adressez aux pays voisins. Ce ne sont pas des opérations qui ne passent pas par le ministère de la Santé, par les États. Mais par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui nous accompagne, qui est le partenaire technique du ministère de la Santé dans ces questions. Lorsque nous avons une situation comme celle-là, l’OMS se saisit du dossier et consulte à côté. J’ai vu tout le monde s’est jeté sur cette affaire, certains allant jusqu’à dire que «notre chance vient d’un pays voisin». Il ne s’agit pas du salut ou de chance. Il s’agit tout simplement de procédures normales. Il nous arrive, en ce moment par exemple, en ce qui concerne les antituberculeux, que le Gabon soit sollicité parce que nous avons un stock important. Nous allons le passer aux autres parce que si vous êtes en surstocks, vous pouvez tomber dans des problèmes de péremption. Ce sont donc des procédures normales, mais malheureusement, nous avons pris nos habitudes. Le sujet est en cours règlement. Le Premier ministre a interpellé son gouvernement et il a été mis 3,5 milliards de francs CFA pour faire une commande assez grande. Elle a déjà été lancée et dans les prochains jours, nous aurons les produits qui vont arriver par avion, compte tenu de l’urgence. Le reste des médicaments viendra par bateau.

Que prévoit votre département pour éviter ce type de problème dans les hôpitaux de province, comme à Koulamoutou ?

Chaque structure a son fonctionnement, sa direction et ses difficultés. Les structures sont aux normes. Je crois que vous n’avez pas oublié que le Gabon s’est lancé dans une opération de construction de structures de pointe. Nous avons aujourd’hui à Libreville, des centres hospitaliers universitaires qui sont des centres de grandes références. A l’intérieur du pays, nous avons des centres hospitaliers régionaux qui sont peut-être confrontés aux problèmes financiers, budgétaires, parce qu’on ne va pas se voiler la face : il s’agit de problèmes réels. Mais cela ne veut pas dire que ces structures manquent de pertinence, ou n’ont pas un fonctionnement normal. La prise en charge se fait correctement, et vous savez bien que le président de la République a comme point d’honneur la prise en charge médicale des Gabonais et c’est ce qui a fait, justement qu’à côté, avec la Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale (CNAMGS). Les difficultés dans le secteur de la santé sont réelles certes, mais elles sont prises à bras-le-corps.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Paul Ndong dit :

    Madame la ministre,

    Êtes-vous certaine que les structures publiques respectent les normes sanitaires. Pourquoi les structures publiques ne sont-elles jamais contrôlées, donc jamais sanctionnées ? Alors sue ce sont de véritables mouroirs

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