Insinué comme l’œuvre du directeur général des Impôts à l’époque des faits, la disparition de 25 milliards de francs CFA d’un compte BGFIbank se révèle n’être qu’un fantasme : l’argent n’était pas seulement destiné à la construction de l’hôtel des Impôts et le projet a été abandonné, comme bien d’autres, sous la houlette de la tutelle. Le banquier concerné et le Trésorier-payeur général de l’époque en sont au fait.

Les 25 milliards de francs CFA «étaient destinés au fonctionnement des services et à l’investissement. Au titre de l’investissement il y avait l’hôtel des Impôts.» © D.R.

 

L’affaire est sur toutes les lèvres, ainsi que l’a écrit un confrère ; elle alimente la chronique. Et pour cause : il y est question de la volatilisation dans la nature d’une coquette somme de 25 milliards de CFA.  Les rapports de la Cour des comptes, régulièrement remis au Parlement avant de finir par fuiter, n’en pipent pourtant pas un mot. Pour en entendre parler, il a fallu attendre le déménagement, le 19 novembre dernier, de quelques services de la Direction générale des impôts (DGI), de l’immeuble Immeuble Orchidia situé à l’avenue de Cointet.

Distorsion de l’information

Ici apparaît une distorsion de l’information n’ayant pas résisté à la vérification : il est question d’une ardoise de plus de 700 millions d’arriérés de loyers dus par  le Service des relations publiques et la direction des régimes spécifiques, branches de la DGI. Or, selon une source haut placée de cette administration dont la version concorde avec celle de bien d’autres fonctionnaires, «les services de la DGI n’ont pas été expulsés. Il se trouve que face aux difficultés de règlement des loyers, le directeur général des Impôts, en accord avec le ministre, a pris l’option de libérer les deux étages que ses services occupaient dans l’immeuble Orchidia». Et un autre responsable des Impôts d’ajouter, «on parle de plus de 500 millions, mais le montant des loyers dus n’est pas celui-là. Il est bien en dessous. D’ailleurs, ces loyers étaient payés sur les appuis financiers du Trésor public. Mais à cause des tensions de trésorerie, les règlements n’étaient plus assurés. Ce qui a entrainé l’accumulation des mensualités.» Autrement dit, les agents déménagés, pas vraiment au fait de ce qui se passait, ont véhiculé une information quelque peu corsée.

N’empêche, ce déménagement a ramené au souvenir du projet de construction d’un édifice dénommé Hôtel des Impôts, une infrastructure qui devait abriter plusieurs directions des Impôts, dont celle des Régimes spécifiques. Toujours en remontant dans les souvenirs, il revient que les fonds pour la construction de cet édifice étaient disponibles. Exhumée notamment par quelques confrères, une déclaration de Michel Mpega datant d’octobre 2015 révèle l’existence, en 2009, d’un compte à la BGFIBank ayant alors une provision de 25 milliards de francs CFA destinée au financement de l’érection dudit bâtiment administratif. Et dans ce témoignage, tiré d’une interview alors accordée à l’hebdomadaire La Loupe, l’ancien directeur des Impôts indique : «l’actuel directeur général en avait connaissance. Quant à la destination prise par ces fonds après mon départ, je ne saurais quoi dire». Il parlait là de Joël Ogouma, son successeur aux Impôts. Il n’en fallait pas plus pour que l’actuel gouverneur du Woleu-Ntem soit cloué au pilori, littéralement livré à la vindicte populaire.

Yolande Okoulatsongo le sait ; Henri Claude Oyima le sait

L’hôtel des Impôts n’a donc, en effet, jamais vu le jour. Si nulle part en compulsant les rapports de la Cour des comptes depuis 2009, on ne trouve un détournement de 25 milliards de francs liés à ce projet, on retrouve tout de même cet argent dans la mémoire de quelques pontes de la DGI, préférant toujours s’exprimer sous couvert de l’anonymat. Et on découvre que les fameux milliards n’étaient pas exclusivement destinés à investir dans la pierre. «Les sommes laissées par Michel Mpega dans les comptes de la DGI étaient destinées au fonctionnement des services et à l’investissement. Au titre de l’investissement il y avait l’hôtel des Impôts», note un ancien de la DGDI avant d’ajouter : «ce projet, après plusieurs discussions au niveau du gouvernement, a été abandonné. Car il fallait tenir compte des besoins des autres services du ministère de l’Économie

L’abandon du projet est également confirmé par bien d’autres sources concordantes au sein de la DGDI. «Le fonctionnement a été maintenu et l’investissement viré au Trésor. Le Trésorier-payeur général à l’époque des faits, Yolande Okoulatsongo, le sait. Henri Claude Oyima le sait aussi», note un inspecteur des Impôts proche de la retraite, soulignant que l’argent viré au Trésor «a servi à d’autres besoins prioritaires de l’Etat.»

Ainsi roule le Gabon, pays des beaux projets souvent abandonnés, même lorsque les fonds sont disponibles. Quid, à titre d’exemple et pour ne citer que ceux-là, de la Sogacel (Gabonaise de cellulose), de la «Cité des 3 Dorades» à Port-Gentil, du barrage hydroélectrique FE 2 dans le Woleu-Ntem, du projet immobilier dénommé “Libreville Business Centre” (LBC) dans la vallée Sainte-marie ? «Les financements de nombreux projets ont souvent été détournés par le haut-lieu», note un ancien agent du Trésor à la retraite qui interroge : «que peut faire le TPG lorsque le haut-lieu demande de l’argent en indiquant de piocher d’abord sur telle ou telle ligne et en promettant le remplacer plus tard ?»

Source fiable pour ce qui est du détournement des deniers publics, avec la  Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite (CNLCEI), la Cour des Comptes est la plus haute juridiction de l’État en matière de contrôle des finances publiques. Elle est en charge de la vérification, du contrôle  et du traitement des questions liées aux finances de l’État ou d’autres organismes à participation financière publique. La DGDI étant  une entité publique, tout soupçon de détournement d’argent y relatif devrait être relevé et inscrit dans les différents rapports de ladite institution judiciaire.

Si l’absence de traçabilité sur l’utilisation des deniers publics peut susciter des interrogations, elle peut également laisser penser que «le haut-lieu», que la Cour des comptes et la CNLCEI n’ont jamais pu attaquer, même avec les frasques financières bien connues des directeurs de cabinet, pourrait être derrière la subtilisation des fonds ou le détournement des budgets de leurs projets initiaux. C’est en tout cas la piste que pointent bon nombre de sources contactées au sujet du projet de l’hôtel des Impôts.

 
GR
 

2 Commentaires

  1. alphonse ongouo dit :

    Seul face à sa conscience Joël Ogouma connaît parfaitement la vérité des 25 milliards.

  2. MPAGA GEORGES dit :

    Au vue des dossiers à notre disposition, la Société civile va déposer urgemment plainte devant la Commission et l’ANIF.

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