La récente polémique au sujet des caricatures du prophète Mahomet dans le journal satirique Charlie Hebdo a engendré une réflexion intense, dans le monde entier et en Afrique en particulier, sur la liberté de la presse, le droit au blasphème et les limites du droit d’expression. Pourtant, le fond du problème a rarement été abordé : la nature éminemment politique du contenu et des limites de la liberté d’expression.

Les journalistes attendent la sortie d'Ali Bongo le jour de la proclamation des résultas de l'élection présidentielle de 2009 - © Static/Gabonreview.com

Il faut rappeler tout de même que ce n’est pas l’ensemble du monde musulman qui s’est élevé avec passion, et parfois violence, contre la publication de caricatures du prophète. Ce sont des courants politiques de l’Islam qui ont appelé à la mobilisation. Les salafistes, et dans une moindre mesure, les frères musulmans, sont à l’origine des protestations véhémentes, qui parfois ont tourné à l’émeute. A la différence des nombreux autres courants musulman, ces deux mouvements défendent l’idée que les croyants doivent s’emparer du pouvoir politique, par les armes pour les premiers et par les élections pour les seconds, afin d’imposer les principes d’un islam rigoriste «des origines».

Organisés militairement, totalitaires assumés et partisans d’un Islam radical, les salafistes se sont autoproclamés «ennemis de l’occident», incluant dans le terme «occident» tout ce qui s’écarte de la lecture littérale du Coran et des hadiths (les paroles ou actes de Mahomet). La liberté de la presse fait partie, à leurs yeux, des pratiques blasphématoires, au même titre que la musique, le théâtre, le cinéma ou l’humour.

C’est donc un jugement politique plus que religieux, qui leur fait condamner les représentations satiriques du prophète. D’ailleurs, la plupart des attentats perpétrés contre l’occident par les mouvements salafistes n’ont quasiment jamais rien eu à voir avec une quelconque dénonciation d’un blasphème.

Il en va de même de la part des gouvernements français et américains, empêtré dans des justifications oiseuses et contradictoires sur leur respect de la liberté d’expression et leur condamnation de la publication de ces dessins. Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères Français déclarait la veille de leur parution : «La liberté d’expression existe, mais je suis absolument hostile à toute provocation. (…) Je ne vois pas du tout l’utilité quelconque d’une provocation et même je la condamne d’une façon très nette et en même temps je respecte la liberté d’expression». Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, désapprouvait «tout excès» et appelait chacun à la «responsabilité», ajoutant tout de même : «Nous sommes dans un pays où la liberté d’expression est garantie, la liberté de caricature aussi. Si vraiment des personnes se sentent heurtées dans leurs convictions et pensent qu’il y a eu dépassement du droit – nous sommes dans un État de droit qui doit être totalement respecté -, elles peuvent saisir les tribunaux».

La Maison Blanche, elle-même, a cru bon de polémiquer sur le sujet dans une déclaration alambiquée. «Nous avons des questions sur le jugement qui a conduit à publier de telles choses», a déclaré Jay Carney, porte-parole du président Barack Obama. « Nous savons que ces images seront très choquantes pour beaucoup de gens… Mais nous avons parlé régulièrement de l’importance de protéger la liberté d’expression, qui est inscrite dans notre Constitution. Autrement dit, nous ne nous interrogeons pas sur le droit de telles choses à être publiées, simplement sur le choix qui a présidé à la décision de les publier». Ce qui a fait dire à Salman Rushdie, au sujet duquel il n’a jamais été question de «provocation», «d’excès» ou de «manque de jugement», que la liberté d’expression régressait car les États cédaient devant les intégristes.

Personne n’a, par ailleurs, fait remarqué que la plupart de ceux qui protestaient contre leur publication ne les verraient jamais, sauf à aller volontairement acheter l’hebdomadaire, si tant est que Charlie Hebdo soit disponible dans leur pays.

Et au Gabon, on dit quoi ?

Les commentaires au Gabon sont restés très distanciés sur ce sujet. L’ensemble de la classe politique a largement négligé d’en parler malgré les récentes sanctions de titres de presse par le CNC pour des motifs, sinon équivalents, du moins semblables. De même, la presse n’a pas (encore) commenté cette affaire, alors que la perche lui était tendue de mettre sur la table l’aspect juridique de la question. Est-il légal au Gabon de caricaturer le chef de l’État ou une institution, qu’elle soit religieuse ou pas, et le CNC est-il habilité à substituer aux tribunaux pour sanctionner ?  A la lecture de la loi, ce n’est pas vraiment clair, mais il semble que s’il s’agissait de manquements à la déontologie journalistique, de diffamation ou d’insultes, c’était à la justice de trancher et non à l’organe régulateur de la communication. D’autre part, un journal peut-il être interdit de publication dans ces cas de figure ? Là aussi, il serait bon, sans doute, de savoir comment les juges interprètent la loi sur la liberté de la presse au Gabon, quitte à proposer un nouveau texte au Parlement s’il s’avère nécessaire d’éclaircir la position du gouvernement sur ce sujet. Pour le moment, les injonctions paraissent plus arbitraires que réglementaires et le statut de la liberté de la presse reste flou.

Car au Gabon aussi, la définition de la liberté de la presse est plus politique que légaliste. La presse gabonaise est loin d’être homogène, entre les journaux généralistes, les journaux d’opinion, qu’ils soient en faveur du pouvoir ou dans l’opposition, les journaux satiriques et les magazines spécialisés, et il n’est pas rare que certains articles dérangent. On se souvient du reportage de l’Union sur les émeutes de Port-Gentil en 2009, des prises de positions de l’Écho du Nord qui lui valurent une interdiction temporaire de publication ou plus récemment des sanctions contre Ezombolo, La Une, Le Scribouillard et le Gri-Gri. Aucune des décisions prises à l’encontre de ces journaux ne le furent devant la justice. Avertissements et interdictions ont été pris par le CNC, une instance politique. On pourrait faire le même constat avec les médias audiovisuels, comme pour l’émission Pluriel ou TV+.

Si une évolution a été perceptible ces dernières années, principalement avec la volonté avérée de ne plus embastiller les journalistes, les pressions financières ont, elles, pris de l’ampleur. Interdire la parution d’un hebdomadaire pendant deux mois revient en général à l’asphyxier, à l’affaiblir financièrement, au point de lui ôter toute envie de critiquer à nouveau les tenants du pouvoir. Du reste, comme le rappelait récemment l’Unesco, l’étroitesse du marché de la publicité et la forte imbrication entre acteurs politiques et médias favorisent des pratiques comme l’autocensure excessive de la part des journalistes.

Un autre manquement évident à la liberté de la presse est l’absence de possibilité d’apprentissage des journalistes au Gabon. De l’aveu même du ministre de la Communication, très peu ont pu suivre une formation dans leur domaine, la plupart ayant appris sur le tas, certains n’ayant même jamais appris, ce qui se ressent dans la qualité éditoriale et donc dans leur capacité à analyser, critiquer ou commenter de façon crédible l’actualité. Hors, la décision de créer un centre de formation ou une école de journalisme est elle aussi d’ordre politique. Le marché est insuffisant pour permettre à des établissements privés de s’installer et la plupart des titres de presse n’ont, de toute façon, pas les moyens de financer ces formations.

Quant à presse en ligne, si elle peut théoriquement diffuser depuis l’étranger et donc échapper aux pressions directes du pouvoir, il n’en demeure pas moins que celui-ci cherche, par tous les moyens à la contrôler sous prétexte de régulation. Rares sont d’ailleurs les sites d’information qui peuvent se permettre à la fois d’informer avec efficacité et en même temps conserver une réelle liberté d’expression : les contraintes financières sont les mêmes que pour la presse traditionnelle et, dans la mesure où ils doivent travailler au Gabon pour accéder aux sources d’information, ils sont tout aussi exposés aux diverses pressions politiques que l’ensemble des médias.

Ce n’est donc pas étonnant si, dans le monde, la grande majorité de la presse indépendante a pris fait et cause pour Charlie Hebdo. Les journalistes ont bien compris qu’interdire de telles caricatures sous prétexte qu’un mouvement politique l’exigeait revenait à rétablir une censure, censure d’autant plus pernicieuse qu’elle cherche à se justifier par le refus d’alimenter des idées extrémistes. Sauf que personne ne peut croire raisonnablement que les mouvements salafistes vont renoncer à leur prise du pouvoir par les armes parce que la presse va obéir à leurs exigences, et tout porte à croire que n’importe quel autre mouvement totalitaire s’empressera de leur emboîter le pas si les gouvernements cèdent à la menace. Dans un contexte démocratique, la liberté de la presse, et plus généralement la liberté d’expression, sont considérés comme le contre pouvoir nécessaire à la justice et à l’exécutif. On n’imagine pas d’élections libres sans une presse libre, pas plus qu’un État de droit sans la possibilité de dénoncer publiquement les abus de pouvoir, la corruption et les dérives clientélistes. Mais cette liberté est régulièrement mise à mal par ceux-là même qui devraient en être les garants, chaque fois, en fait, qu’elle vient contrecarrer leurs volontés, s’exprimer sur la vacuité de leurs propos ou dénoncer leurs dérives.

 
GR
 

20 Commentaires

  1. ni lire ni écrire dit :

    Encore une fois bravo. Sur le point particulier du manque de professionalisme des journalistes au Gabon, votre site est la preuve qu’il y a moyen de faire un journalisme (à peu près)honnête, documenté et avec une bonne qualité d’expression dans ce pays. Le manque d’école est donc un faux problème. Le vrai problème est l’absence de professionalisme de l’encadrement, manque auquel votre site a trouvé une parade, au contraire de nombreux organes de presse écrite, audiovisuelle ou internet.

  2. Rod dit :

    Article intéressant et pertinent

    Juste une question concernant la formation des journalistes. Il me semble que l’Etat gabonais va trouver quelques milliards pour le championnat de football national (au passage comme beaucoup de gabonais j’aime le foot),à mon avis cet argent serait mieux investi dans la formation de ceux qui sont sensés nous informer. Mais comme d’habitude du pain et des jeux d’abord !

  3. La Fille de la Veuve dit :

    Je crois que le vrai debat que souleve l’article de Charlie Hebdo n’est pas celui de la Liberte de la Presse. Parce que en France, il n’est pas possible aujourd’hui de dire que la Liberte de la presse soit en peril. Et personne, pas meme le Directeur de la Publication de cet hebdomadaire n’a songe un instant que ces caricatures puissent conduire le CSA, le CNC francais, a suspendre ce journal.

    Ces caricatures posent a mon avis la question de la responsabilite de la presse. la question de la responsabilite judiciaire ne se pose pas des lors que l’on se trouve dans un Etat de droit. il s’agit ici de responsabilite societale.

    Fallait-il publier ces caricatures, cela etait-il opportun ?

    Quel a ete le cout pour la France et les differents Etats qui ont du assurer une protection particuliere des Ambassades occidentales pendant trois jours, voir jusqu’a aujourd’hui?

    Etait-il si important, au nom de la liberte de la Presse de publier ces caricatures et risquer la vie de centaines de milliers de francais vivant dans des pays ou ils se trouvent etre a la merci de ces extremistes musulmans?

    Que dirions-nous si les otages d’AQMI au Niger et au mali devaient etre executes a la suite de la publication de ces caricatures ?

    Que dirions-nous si une bombe devait, a la suite de la publication de ses caricatures, causer la mort d’enfants dans une ecole francaise dans un pays arabe ?

    Que vaut la liberte de la presse si le risque, le prix a payer, doit etre supporte par d’autres qui n’ont rien demande (je n’ose dire des innocents) ?

    La redaction de Charlie Hebdo aurait-elle publie ces caricatures si elle etait installee en Egypte (en supposant qu’il n’y aurait eu aucun obstacle juridique et materiel a cette publication) ?

    C’est parce que je n’ai pas vraiment la reponse a toutes ces interrogations que je me demande si la redaction de Charlie hebdo n’a pas detourne la liberte de la presse et donne des arguments a ceux qui chaque jour dans le monde la menace.

    Prenons garde, le chemin de l’enfer est pave de bonnes intentions.

    • Luc Lemaire dit :

      Quelques remarques qui ont leur importance :

      Il n’est nulle part question de « pays arabes »… Les arabes ne représentent que le 1/4 des musulmans et le Soudan, le Kenya, le Nigeria, le Pakistan, l’Afghanistan, l’Iran, l’Indonésie ne sont pas des pays arabes. Cette confusion des genre est très dérangeante. On passe d’un problème d’intégrisme religieux à un problème de racisme.

      Quant à la responsabilité de l’État français dans la protection de ses libertés, il me semble qu’elle va de soi. Est-il opportun de faire appliquer la loi quand un avion explose à Lockerbie ou bien faut-il relâcher le coupable pour éviter des attentats vengeur ?

      Appliquée au Gabon, la question peut se poser ainsi : faut-il maintenir une manifestation dont on sait qu’elle est interdite et qu’elle sera réprimée, au risque de voir de simples citoyens molestés, arrêtés et emprisonnés, voire tués, ou faut-il l’annuler pour éviter de faire prendre des risques aux habitants et usagers d’un quartier ?

      Qui est responsable des violences et des meurtres quand l’usage d’une liberté perdure depuis 30 ans et qu’elle est soudain brandie par un groupuscule armé et meurtrier comme prétexte à ses exactions ? Par qui avez-vous appris que Charlie Hebdo proposait des caricatures de Mahomet dans son édition de la semaine dernière ? Par eux ou par d’autres ? Si la responsabilité de la presse devait être mise en cause dans ce cas précis, quelle presse serait responsable ? Celle qui vend en kiosque à 100 000 exemplaires des caricatures sur le territoire français sans publicité particulière ou celle, composée de médias d’État et d’opinion, qui diffuse « On a caricaturé Mahomet » à des centaines de millions de personnes sur le quart de la planète le plus susceptible de se révolter, sans avoir vu quoi que ce soit ni vérifié l’ampleur de l’offense ? Les protestations on débuté la veille de la publication alors même que seule la couverture était connue, ne faisant aucune référence à Mahomet. Elle posait la question : l’islam et le judaïsme sont-ils intouchables ? Il existe par ailleurs des milliers de caricatures explicites de Mahomet sur le Web, disponibles depuis un téléphone portable n’importe où sur Terre, sans que personne ne s’en soucie jamais…

      C’est l’usage politique qui est fait d’un événement qui pose un problème de sécurité (ou moral) et non l’événement lui-même. Une presse qui devrait demander l’autorisation de publier pour éviter tout problème ultérieur serait-elle encore libre ?

      • La Fille de la Veuve dit :

        @ Luc Lemaire,

        J’admets pour commencer que l’usage du terme « pays arabes » pour designer le monde musulman est une facilite de langage regrettable et pourquoi pas préjudiciable. Je me dois de la retirer pour parler plus largement de monde musulman. Toutefois, il faudrait aussi que nous soyons a même de distinguer le judaïsme et Israël, pour savoir à quel moment on parle d’antisémitisme et a quel moment on parle de la religion hébraïque.

        Lorsque vous dites : « Quant à la responsabilité de l’État français dans la protection de ses libertés, il me semble qu’elle va de soi. Est-il opportun de faire appliquer la loi quand un avion explose à Lockerbie ou bien faut-il relâcher le coupable pour éviter des attentats vengeur ? », Ma question est de quelle liberté s’agit-il ? S’il s’agit de la liberté de la presse, a quel moment a-t-elle été menacée pour justifier la publication des caricatures de Charlie Hebdo. Autant, lors des précédentes caricatures, Charlie Hebdo défendait la Liberté de la Presse en étant solidaire d’un journal Danois qui en avait publie et qui était menacé. Mais dans le cas d’espèce, à quel moment la liberté de la presse a-t-elle été menacée ?

        Cela nous amène à la situation du Gabon. Oui au Gabon la liberté d’expression et la liberté de la presse sont violés par le pouvoir. Des lors, toutes les actions et autres manifestations en faveur de la liberté de la presse et de la liberté d’expression sont justifies. Nous ne pouvons raisonnablement pas partir de l’exemple français et en tirer des conclusions sur le Gabon ou l’inverse. A la limite, j’aurais mieux compris qu’en solidarité avec la presse Gabonaise, Charlie Hebdo reprenne à son compte des articles qui ont valu à ces journaux d’être suspendus.

        Et lorsque vous laissez entendre que Charlie Hebdo s’est contenté de vendre 100 000 exemplaires de son Hebdo sur le territoire Français, il faudrait quand même ne pas oublier que c’est Charlie Hebdo qui en a informe ses confrères par Twitter et que ceux qui ont repris l’information c’est également la Presse.

        Pour finir, le fait de s’interroger sur l’opportunité de publier ces caricatures ne signifie nullement une quelconque solidarité avec les intégristes. Bien au contraire, je me demande si Charlie Hebdo ne fait pas aussi preuve d’une certaine forme d’intégrisme.

        • Luc Lemaire dit :

          Je reprends vos réponses une à une.

          Je ne crois pas avoir parlé d’Israël dans mes propos et d’ailleurs, lorsqu’on parle du « monde musulman », c’est une regrettable erreur. Je vous renvoie pour cela à cet excellent article issu d’une presse qu’on peut difficilement qualifier d' »islamophobe », oumma.com. http://oumma.com/14142/colere-musulmans-film-americain-finir-generalisations-

          La liberté ne se défend pas uniquement quand elle est en danger. Elle s’applique par temps normaux. Le fait de reprocher à un journal d’user de cette liberté est aberrant. La seule chose qu’on pourrait lui reprocher c’est d’enfreindre la loi ce qui n’est évidemment pas le cas ici. Ce n’est pas la liberté de la presse que l’État français défend en renforçant la sécurité dans ses ambassade, c’est sa constitution et ses lois que certains veulent voir changer à leur seul profit. Céder, ne serait-ce qu’en imposant des périodes autorisées pour se moquer du prophète et d’autres interdites… hormis le fait que c’est ridicule, cela s’appelle de la censure. Charlie Hebdo traite chaque semaine de l’actualité à travers des caricatures et des articles humoristiques depuis plus de 30 ans. Les émeutes salafistes dans le monde étant le principal événement de cette semaine, c’est qu’il n’en parlent pas qui aurait été un choix de la rédaction, un choix qui ne pouvait être fondé que sur la peur de la part d’un journal ouvertement anticlérical. En clair, un choix cédant à des pressions extérieures, incapable d’user de la liberté d’expression normalement. C’est en ne publiant rien sur le sujet que la liberté de la presse aurait été bafouée.

          Je ne vois pas en quoi « toutes les actions et autres manifestations en faveur de la liberté de la presse et de la liberté d’expression sont justifies » si certaines libertés sont violées. Je ne pense pas qu’il soit justifié de massacrer un peuple parce que la liberté d’expression est violée. Je ne pense pas qu’il soit justifié de torturer, de faire taire, plus ou moins définitivement, des personnes qui ne sont pas d’accord avec vous sous prétexte de reconquête de libertés perdues. Donc, non, toutes les actions ne sont pas justifiées. Encore moins lorsqu’elles sont prises par un petit groupe sans l’accord de tous et hors de toute légitimité. Quant à comparer ce qui est comparable, un concept reste vrai ou faux quelle que soit la culture auquel on l’applique. La liberté d’expression est exigée ou pas, quelque que soit la culture. La défense de droits légitimes est justifiée quel que soit l’état dans lequel se trouve le pays concerné. C’est la forme des actions entreprises qui changera, pas le concept. Or, la défense des lois et de l’ordre sont du ressors de l’État. On ne peut pas reprocher à qui que ce soit d’y faire appel, encore moins accuser ceux qui usent de leur droits de l’exiger. Ce concept est valable en France comme au Gabon.

          Ce n’est pas Charlie Hebdo qui a informé ses confrères pour créer le buzz. Charlie Hebdo envoie sa couverture 48 heures avant à tous ceux qui s’inscrivent à sa news letter, puis le contenu dans la nuit à toutes les rédactions qui en ont fait la demande, comme tout autre journal. Que je sache, et j’ai tout de même de bonnes sources dans les rédactions françaises, ils n’ont rien demandé cette fois-ci, pas plus que d’habitude. Il n’y a pas eu de leur part la moindre action marketing ou publicitaire (ils n’en ont d’ailleurs pas les moyens) ni tweets particuliers. Le fait que certains titres de presse tentent par des articles au titre ravageur, de glaner une part de leur audience n’est pas de leur ressort. Au passage, cette actu est traitée sur 2 pages + la couv sur 32 pages au total. Ce n’est donc pas une « surcouverture » de l’actualité qui remplissait les journaux télé à 80% depuis 4 jours.

          Charlie Hebdo a publié des caricatures inspirée de l’actualité : les révoltes de certains musulmans intégristes face à l’annonce d’un film qui n’existe d’ailleurs pas, diffusée par ceux la même qui veulent enflammer les quartiers miséreux de leurs pays. Toutes les caricatures sont donc inspirées de films connus mettant en scène un musulman à la place de l’acteur concerné. On est très loin de la provocation ou d’une quelconque forme d’intégrisme (définition de l’intégrisme : Attitude, opinion de certains croyants qui refusent toute évolution au nom d’un respect intransigeant de la tradition). C’est un peu facile de retourner les charges contre ceux qui résistent à la terreur en refusant de se censurer, qui plus est par l’humour, au lieu de prendre le risque de dénoncer ceux qui usent de cette terreur. Que je sache, lire une mauvaise caricature sur un sujet qui vous touche ne vous tue pas, ne vous coupe pas un bras ou un pied, ne vous lapide pas. Tout au plus devrez vous faire appel à un petit effort de tolérance pour passer à autre chose.

          Mais le fond du problème est loin de tout ça : pas un titre de presse au Gabon n’a fait remarquer que l’exemple de Charlie Hebdo est très exactement ce que nous attendons de la liberté de presse ici et que nous en sommes encore loin, visiblement pas uniquement de la faute du pouvoir. Que diriez-vous si gabonreview (ou un autre) faisait un article sur la mode des sextoys dans le monde ? Qui protesterait et nous jetterait l’anathème (ou pire) ? Le pouvoir ou certains de nos lecteurs (ou d’autres énervés par la religion) ? Une presse obligée de se plier aux tabous de quelques uns ne peut être considérée comme libre. C’est du moins mon opinion.

    • Le Fils de la Veuve dit :

      @La Fille de la Veuve. Ce qui m’amuse avec Charlie Hebdo, c’est qu’ils font mine de croire en leur pseudo-posture de transgresseurs ou d’iconoclastes. Ils savent bien que ce qu’ils font avec Mahomet est impossible avec la Shoah ou la communauté gay. Moi je suis pour le liberté de presse, la vraie , pas celle qui sacralise certains faits, rendus historiquement et scientifiquement incontestables par des députés.

      • Luc Lemaire dit :

        Je serais curieux de savoir ce qui vous fait dire ça sur Charlie Hebdo. La Shoah est loin d’être d’actualité et le problème ne s’est donc jamais posé, si ce n’est à travers quelques dessins sur les plaisanteries douteuses de JM Lepen il y a quelques années. Et puis pour le coup, le révisionnisme étant illégal en France, cela limite le champs des plaisanteries à faire. Par contre, des dessins sur les juifs, il y en a régulièrement, de même que sur la torah, Moïse etc. Quant aux gays, il y en a presque chaque semaine ! Et depuis les débuts. Je ne parle pas de ceux sur le Pape, Jésus, Dieu lui-même ou les prêtres pédophiles. Charlie Hebdo s’est d’ailleurs bien adouci depuis 10 ans et l’époque où Reiser opérait chez eux vous ferait sans doute hurler au scandale à chaque page. C’était gore, immonde… et très drôle il faut bien l’avouer. A peine moins méchant que Hara Kiri !

        Non, je vous assure qu’il n’y a pas de favoritisme dans ce journal, et je m’étonne même que certains parle de l’islam comme une proie facile, d’abord parce que c’est faux (et les risques ne sont pas négligeables), ensuite parce que les plaisanteries sur eux dans CH sont assez rares. 2 fois en 1 an, alors que les autres se font allumer chaque semaine. Le problème n’est d’ailleurs pas que cela vous plaise ou non. C’est juste qu’ils puissent le faire sans avoir à se demander si ça va leur créer des problèmes ou non. Tant qu’on reste dans le cadre de la loi, c’est une question qui ne devrait pas se poser… Dans le cas précis de la semaine dernière, j’ai aussi envie de faire remarquer qu’il ne s’est rien passé et que le « bruit » ne s’est propagé que dans le petit monde parisien. Les mouvements de rues à l’autre bout du monde sont resté concentrés sur les établissements américains.

        • Le fils de la Vueve dit :

          @Luc Lemaire. Le négationnisme est illégal en France ? C’est quoi le négationnisme ? Depuis quand il appartient aux députés de faire le sécra ou de définir la vérité historique ? L’histoire est une science et il appartient aux historiens de la faire, pas aux députés. Toutes ces lois mémorielles dans laquelle la France s’est lancée fleur bon la limutation de la liberté d’expression, quoi qu’on en dise…. Après on peut toujours débattre sur les notions fumeuses telles que « apologie de crime »….. Mais, c’est au nom de ces limitations, de la sacralisation de certains sujets, que certains se permettent tout et rien. Paul Kagamé l’a compris, qui se permet tout et rien au nom de la « religion du génocide tutsi »… Vous contesterez ce que j’écris mais Shulamit Aloni alle-même a déclaré un jour :  » nous sommes des victimes éternelles et quoi que nous fassions nous avons toujours raison »…. Glaçant….. !!!! Tout simplement glaçant…. !!!!

        • Le fils de la Veuve dit :

          @Luc Lemaire. Les lois mémorielles sont, quoi qu’on en dise, une atteinte à la liberté d’expression et de presse. Elles tendent à définir le sacré. Dès lors, on ne comprend pas ce que l’on reproche aux salafistes musulmans qui croient défendre une certaine idée du sacré. Il fait bien admettre que l’histoire étudie et tente de comprendre les événements du passé tandis que la mémoire en ravive le souvenir et les préserve de l’oubli. La confusion entre les deux ou le mélange des genres entraine une instrumentalisation de l’histoire et de la mémoire par le politique. Toutes les lois mémorielles ont été prises en opportunité, dans des contextes précis et pour régler des cas particuliers (Touvier, Papon, Bousquet, Faurisson, Olivier Pétré-Grenouilleau). Certaine comme la loi Taubira ont même prétention à orienter la recherche et les programmes scolaires sur un sujet précis. Conséquence : le progrès dans la compréhension des faits historiques à la lumière de nouvelles sources ou l’approfondissement de son étude par l’exploration de champs jusqu’alors négligés, se heurte désormais au cadre restrictif de la loi. Ces lois ne font en rien avancer la connaissance historique de la Shoah, de la traite négrière et de l’esclavage ou de la colonisation. Or, le concept de vérité historique récuse l’autorité étatique. L’Union soviétique nous l’a prouvé. Si on peut admettre que la loi fasse respecter la Déclaration des droits de l’homme, on ne peut admettre qu’elle définisse la vérité historique et se mêle de l’enseignement de l’histoire et de la recherche. Dès lors, vous me concederez que la liberté d’expression en prend un coup

        • La Fille de la Veuve dit :

          Pour ma part, je ne me pose pas la question de savoir s’il ont le droit ou non de la faire. Ils ont le droit de le faire> Et si par hasard ce n’etait pas le cas, la justice est la pour le dire et le sanctionner. Et en France on peut qnad meme faire confiance a la justice.

          Je ne me pose pas non plus la question de savoir si cette publication releve de la liberte de la presse. Parce que je sais que cette publication de caricatures releve de la liberte de la presse.

          Je me dis juste que le droit, c’est la liberte de faire ou de ne pas faire. Ce n’est pas l’obligation de faire. Je me dis juste que la liberte, c’est la faculte d’agir sans contrainte et non la contrainte d’agir.

          Des lors, on est en droit de s’interroger, et c’est mon cas, si Charlie hebdo n’aurait pas pu, en coisissant de ne pas publier ces caricatures, exprimer ainsi son droit et sa liberte de publier ce qu’il veut dans le respect de la loi.

          Bref, ne pas faire est tout aussi courageux et honorable que faire.

          Pour le reste, je me contenterai de citer voltaire (de memoire) : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais donnerai ma vie pour que vous puissiez le dire ».

          • Luc Lemaire dit :

            Tout le monde oublié, que cette citation est incomplète… La phrase suivante est : « Attendez-moi sous l’arbre ».

            Pour le reste, je suppose que si CH n’avait pas eu envie de le faire, ils ne l’auraient pas fait. Mais pourquoi auraient-ils voulu éviter le sujet ?

  4. ni lire ni écrire dit :

    Il n’y a pas de choc entre l’occident et le monde musulman. Il y a un souci entre le monde civilisé et les intégristes de tous poils. Il y a des intégristes juifs et des fondamentalistes chrétiens qui sont tout aussi effrayants dans leurs dérives que la frange ultraminoritaire de l’Islam qu’on instrumentalise pour justifier la redistribution des ressources pétrolières.

  5. ni lire ni écrire dit :

    Luc, nous serions ravis de lire votre article sur les sextoys au Gabon. Où s’en procurer? Qui en achète? Quel est leur statut juridique, leur poids (économique) et leur impact (social)

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