Le discours d’Ali Bongo le 8 juin dernier sur la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite n’était donc pas un discours de plus ou une simple clause de style. Selon un habitué du Palais du bord de mer, «Le chef de l’État est résolument déterminé à mettre hors d’état de nuire les «fossoyeurs» des deniers publics». «La lutte contre la corruption n’épargnera personne», renchérit le Premier ministre, Julien Nkoghé Békalé.

Classé 124e sur 180 dans l’indice de corruption publié par Transparency International en janvier dernier, le pays d’Ali Bongo est parmi les 10 pays les plus corrompus d’Afrique. © Gabonreview/Shutterstock

 

Des milliards de francs envolés ! Du beau monde dans les mailles de la justice ! Jugez-en : quatre ex-ministres, à savoir Brice Laccruche Alihanga (Suivi de la Stratégie d’investissement humain et des Objectifs de développement durable), Noël Mboumba (Mines, Pétrole, Gaz, Hydrocarbures), Tony Ondo Mba (Energie et Ressources hydrauliques) et Roger Owono Mba (Economie, Finances et Solidarités nationales), le Conseiller Porte-Parole de la présidence de la République, Ike Ngouoni Aïla Oyouomi, le maire d’une commune, Grégory Laccruche Alihanga, et près d’une dizaine de directeurs généraux (Christian Patrichi Tanasa, GOC ; Renaud Allogho Akoué, CNAMGS ; Ismaël Ondias Souna, SEM ; Hermann Nzoundou Bignoumba, CDC), de directeurs généraux adjoints, de conseillers de directeurs généraux et de directeurs financiers (Jérémie Ayong Nkodjié, Lionel Erwan Djambou, Julian Engongah Owono, Serge Gassita et bien d’autres), aux arrêts. La justice gabonaise a frappé ces personnalités soupçonnées de détournement de fonds publics, de complicité de détournements de fonds et de blanchiment de capitaux, en attendant la poursuite de l’enquête qui devrait, sans nul doute, entraîner de nouvelles découvertes et de nouvelles révélations.

Ministres, directeurs généraux, directeurs financiers dans la nasse

C’est du jamais vu dans le pays depuis l’indépendance du Gabon ! L’ennemi du Gabon est tout désigné, le véritable danger ouvertement montré du doigt : la corruption et l’enrichissement illicite. Pour les autorités gabonaises, c’est la fin de l’impunité. «Cette action est salutaire pour le pays, il fallait agir contre ces maux qui minent le développement et le progrès du Gabon, il faut frapper ces personnes une fois leur culpabilité prouvée», souligne un ancien haut fonctionnaire à Libreville. Pour un vice-président du Sénat, «cette opération «Scorpion» sera le vrai marqueur de cette deuxième partie du septennat».

Rien ne semble pouvoir arrêter une machine si bien huilée. Entre le 11 novembre, date de la première interpellation – celle de Renaud Allogho Akoué à son bureau de la Caisse nationale d’Assurance-maladie et de Garantie sociale – et le 4 décembre en soirée, jour de l’interpellation de l’ex-ministre de l’Economie et des Finances, la justice a montré sa détermination à enrayer le «travail de prévarication» présumé, en interpellant près de vingt-cinq personnes.

Le grand vent anti-corruption qui souffle depuis le 11 novembre ne semble pas retomber

De plus, lors d’une séance de travail le 5 décembre, peu après le premier Conseil des ministres du nouveau gouvernement, le Premier ministre, Julien Nkoghé Békalé, a prévenu les ministres réunis pour l’écouter : «la lutte contre la corruption n’épargnera personne». Le grand vent anti-corruption qui souffle depuis près d’un mois ne semble donc pas retomber. Pays des plus corrompus au monde, le Gabon a décidé de sortir de sa torpeur et de lutter contre la corruption et l’enrichissement illicite, et surtout de tourner le dos à l’impunité qui, selon Julien Nkoghé Békalé lors de son discours du 19 novembre dernier, est ce qui, le plus, a causé du tort au pays.

La sonnette d’alarme tirée à maintes reprises par la presse a été entendue. De nombreux titres ont en effet souligné, avec, en appui, des facs-similés et des déclarations recueillies mettant en cause le management d’un grand nombre de ces dirigeants d’entreprises publiques depuis de longs mois, ces comportements déviants. Dans l’opinion, on reconnaît volontiers que «la presse a alerté les pouvoirs publics sur de nombreux actes de prévarication, de gaspillage et de détournements de deniers publics», mais «devant l’impunité ambiante, de tels actes se poursuivaient». Des trous de 85 milliards de francs dans telle entreprise, de 6 milliards dans telle autre, de 6 milliards encore dans telle autre, d’une dizaine de milliards dans telle autre encore… Combien de milliards au total sont partis ? 900, 1000 ou 1300 milliards ? Le scandale est immense, et le Procureur de la République, André Patrick Roponat, souligne que les faits, si avérés, seraient d’une extrême gravité !

L’opinion réclame des têtes

Poussant le parquet de la République à aller jusqu’au bout, des voix s’élèvent pour que soient également interpellés les anciens directeurs généraux et financiers d’autres entreprises publiques, telles que la Caisse nationale de Sécurité sociale (CNSS), le Conseil Gabonais des Chargeurs (CGC), la Société gabonaise de Raffinage (Sogara) ou le Fonds national d’assistance sociale (FNAS). L’opération Scorpion lancée par le Parquet de la République contre la corruption doit pouvoir, en toute équité et dans la justice, débusquer les fossoyeurs de l’économie gabonaise dans leur ensemble.

Classé 124e sur 180 dans l’indice de corruption publié par Transparency International en janvier dernier, le pays d’Ali Bongo est parmi les 10 pays les plus corrompus d’Afrique aux côtés de la RCA, du Cameroun, de la RDC, du Tchad, du Congo et de la Guinée équatoriale. S’il l’opération en cours se révélait ne pas être un vaudeville de plus, le pays montrerait alors sa détermination à mettre fin à de viles pratiques. Au-delà du président de la République et du chef du Gouvernement, le Procureur de la République André-Patrick Roponat veut éclaircir les zones d’ombre, tracer les responsabilités des uns et des autres et dire le droit ! Il se sait très attendu sur ce dossier.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Mezzah dit :

    L’opinion réclame des têtes non mais elle réclame la justice. Si certaines personnes sont épargnées parce qu’elles ont des liens de famille avec Ali alors on ne comprendra pas Scorpion et ça suscitera la révolte et même de la sympathie pour ceux qui sont incarcérés aujourd’hui. Il faut faire attention au retour du bâton.
    Il faut aussi aller chercher les corrupteurs et corrompus chez les juges, il y en a un paquet là-bas. Dans les sociétés privées aussi il n’y a pas que les Directeurs. On connaît qui s’est enrichi avec les 10%. On voit les gens rouler dans de grosses voitures alors qu’ils n’ont pas les moyens de s’en offrir.
    Avec de la volonté on y parviendra à condition de ne protéger personne.

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