Quelques journalistes gabonais ont suivi, à l’initiative de l’ambassade des États-Unis d’Amérique à Libreville, un séminaire axé sur le journalisme d’investigation. Le conférencier, l’Américain Eric Pape, a entretenu ces professionnels des médias sur la méthodologie qu’ils doivent employer pour pouvoir produire des articles dénués de reproches.

Eric Pape, journaliste indépendant américain basé à Paris - © D.R.

Organisé dans les locaux de l’Ambassade des États-Unis au Gabon les 15 et 16 novembre 2012, cet atelier a donné lieu à des échanges en vue de mieux appréhender l’exercice du métier de journaliste, notamment de ce genre majeur de la profession qu’est le journalisme d’investigation. Eric Pape, journaliste spécialisé sur le sujet, a articulé son propos autour de points allant de la présentation des sujets développés, des expériences personnelles de journalistes, du climat médiatique et des défis dans le pays. Il a aussi insisté sur ce qu’est le journalisme d’investigation avec l’utilisation des sources et le traitement des sujets difficiles.

En 2 jours, ce sont une cinquantaine de journalistes qui ont bénéficié de l’expérience de cet homme qui a officié dans de nombreux médias du monde. L’objectif était de renforcer les capacités des hommes des médias gabonais, mais surtout de leur permettre de suivre une autre expérience différente de la leur. Dans ce contexte, les stagiaires sont revenus sur les fondamentaux du journalisme (éthique et déontologie) pour rappeler les droits, les devoirs ainsi que les obligations et les exigences qui s’imposent à un «véritable» journaliste.

Avec des exemples tels «All the President’s Men» (Les hommes du président), film américain réalisé par Alan J. Pakula, sorti en 1976, adapté du livre de Bob Woodward et Carl Bernstein, deux journalistes à l’origine du scandale du Watergate pour le compte du célèbre journal américain «Washington Post», Eric Pape a expliqué les subtilités de l’investigation journalistique, insistant sur le fait que les évidences ne sont pas toujours des vérités.

A ce titre, Eric Pape précise que le journalisme d’investigation est synonyme de courage, de responsabilité et de recherches profondes, même si le journaliste sait d’emblée qu’il y aura des freins à sa démarche.

Pour citer un journaliste gabonais qui a souhaité conserver l’anonymat, «l’enquête est loin d’être un genre journalistique majeur au Gabon. Il y a  trop de freins, autant des politiques que des propriétaires des médias qui ont toujours des accointances et craignent de se faire rattraper par tel ou tel dossier. Ajoutons à cela, le manque de moyens pouvant permettre l’indépendance du journaliste dans la quête de la vérité.»

Quoi qu’il en soit, les participants sont sortis de cette rencontre optimiste du fait que certains médias nationaux affichent des points positifs, un petite satisfaction, mais qui n’oblitère pas la difficulté d’accès aux sources et donc à l’information, et les pressions, les intimidations et surtout l’autocensure que s’appliquent certains journalistes par peur, justifiée ou non, de représailles.

Eric Pape est un journaliste indépendant américain basé à Paris. Il écrit notamment pour le New York Times, le Los Angeles Times, Foreign Policy et Cicero.

 
GR
 

7 Commentaires

  1. Observateur dit :

    « le manque de moyens pouvant permettre l’indépendance du journaliste dans la quête de la vérité. » Exactement, c’est pourquoi tout journaliste gabonais demande toujours « une enveloppe » avant de publier quoique ce soit – très indépendant et très professionnel !

  2. moi makaya dit :

    je pense que si l’on veut faire du journalisme d’investigation dans ce pays, il faut prendre ses responsabilités et précausions et surtout relativiser. les journalistes travaillants pour les quotidiens sont contraints à la réalité du terrain et du monde des affaires et relationnel et voir même afiliation qui mine notre société. tout le monde connait tout le monde et donc peuvent museler les médias à souhait. mais je pense que les sites d’informations ont un peu plus de prétention à aller dans le sens de la vérité. car comme on dit « internet est invisible » on peut facilement plublier ce qui dérange dans un site internet que dans un journal. bien que les risque soient casiment les mêmes, une chose est sûre: c’est que gabonreview ne risque pas la supression de son domaine qui est en .com et non en .ga comme un certain (Me.ga). quoi qu’il en soit, il faut reconnaitre que nous n’avons pas cette culture du journalisme d’investigation. on se contente des restes jetés aux chiens, chacun croc ce qu’il peut, à son niveau, suivant la force de sa dentition. c’est domage.

  3. ni lire ni écrire dit :

    Il faudrait un journaliste indépendant pour faire une enquête sur les pratiques réelles de la presse gabonaise… LOL… Tout ce que je remarque c’est qu’en dehors de ce site (lui même perfectible) le niveau de professionalisme de la presse gabonaise est atterant. Et je ne crois pas que ce soit uniquement du à un manque d’information sur leurs devoirs. Je pense que beaucoup sont tout à fait conscients de faire honte à leur profession et se trouvent des excuses. « Il faut bien manger, mon journal ne me paie pas assez » ; « on me rembourse pas mes frais » ; « si j’écris pas ça, c’est mon patron qui va la réécrire » ; « si je le fais aps, un autre le fera » etc.
    On ne se déplace pas sur un événement et on recopie la propagande de l’organisateur. On critique sans fondements et sans vérifier les faits. On prend mal ses notes et on écrit le contraire de la vérité dont on doit témoigner… tout cela, on n’a pas besoin de voir un film avec Redford pour savoir que c’est nul. Et c’est pourtant ça la réalité de la presse au Gabon (pas toute, mais hélas la majorité la plus visible) Enfin, tant qu’ils étaient là, ils n’écrivaient pas de bêtises…

  4. CLG dit :

    Il peut y avoir un problème de moyens, certes, ce n’est néanmoins pas un argument suffisant. Il y a tout aussi bien, si non encore plus, un manque flagrant d’éthique et de moralité dans la société de façon générale, et chez les journalistes en particulier. Même en leur donnant les moyens financiers, certains (beaucoup trop de) journalistes gabonais se contenteront encore, par manque d’éthique de travail et de moralité, d’accepter la complaisance et les accointances avec le pouvoir.

    Il ne faut pas oublier non plus que le journalisme au Gabon s’opère encore dans un contexte anti-démocratique: le Gabon n’est pas un pays démocratique. En plus du passé de la terreur dictatoriale du PDG et des Bongo, la gestion actuelle du pays par Ali Bongo continue de faire peur aux journalistes (les vrais, pas les vendus à l’argent et à la corruption).

    Au lieu juste d’attendre des moyens financiers, il faut surtout que les journalistes gabonais adoptent d’abord une bonne éthique de travail et une moralité sans faille qui leur permettent de résister à la dictature et à la corruption bongoïstes; ce qui aidera à la démocratisation du Gabon. Les journalistes doivent être partie prenante de la transformation sociale et politique au Gabon.

  5. lisiane dit :

    C’est curieux de dire ça sur l’un des médias, justement, qui n’a pas l’air d’avoir peur du pouvoir.

    Cela dit, je suis d’accord avec vous sur le fond, moins sur l’analyse des causes. Oui, les journalistes sont terrorisés par le pouvoir. Mais je ne suis pas certaine qu’ils le soient de façon raisonnable. Il m’est arrivé de croiser à Libreville des journalistes critiquant gabonreview parce que justement, ils se permettaient de critiquer le pouvoir. D’après eux, soit ils étaient protégés par quelqu’un de puissant, soit le site appartenait à Ali Bongo. C’est assez farfelu comme raisonnement ! Combien d’entre eux seraient capables d’écrire proprement et de dénoncer sans mentir, exagérer ou déformer la réalité comme c’est fait ici ? Les critiques émises par gabonreview sont acceptées, tolérées en tout cas, simplement parce qu’ils ont le courage de ne pas prendre parti, de ne pas se vendre au plus offrant. Du moins, c’est le sentiment que j’ai.

    Je crois qu’il y a chez les journalistes au Gabon les mêmes défaut qu’on retrouve partout : la paresse, le manque d’idées et d’originalité (on copie, mal, ce qui marche chez les autres) et la cupidité. Du coup, on lèche les bottes du pouvoir, d’un parent ou d’un puissant, pour tenter de gratter quelques miettes et on se plaint quand ça ne marche pas. Parce que bien entendu, pour créer, entretenir et faire durer un site comme gabonreview ou un journal comme l’Echo du Nord (dont j’ai lu ici l’interview du fondateur et que j’achète depuis), ça demande beaucoup de travail, d’abnégation et de courage. Ne serait-ce pas ça qui manque à nos journalistes amateurs gabonais ? N’est-ce pas pour ça que les petites feuilles de chou qui inondent nos kiosques ne font que recopier, parfois mot à mot, ce qu’il sont trouvé sur Internet (comme gabonreview souvent) ?

    Je suppose que pour pouvoir disposer d’un véhicule de fonction, pour être fonctionnaire (c’est à dire chômeur disposant d’une subvention mensuelle de l’état) et pour devenir millionnaire il ne faut pas choisir de devenir journaliste.

    • CLG dit :

      Je prétends que la raison est d’abord un manque d’éthique de travail et de moralité (avec leurs conséquences ou manifestations). La peur est une autre raison et on se saurait l’ignorer, mais ce n’est pas la raison fondamentale, bien sûr.

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