L’urgence du développement d’une politique sociale est la conséquence d’une gouvernance hérétique et de choix économiques hasardeux, effectués au vu et au su des institutions de Brettons Woods. Cette option ne saurait être tributaire de l’arrêt des subventions aux produits pétroliers.

© D.R.

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Au prix de quoi va-t-on désormais s’approvisionner en carburant ? Au lendemain de la libéralisation des prix de l’essence et du gazole, une bonne frange de l’opinion publique se pose cette question. Certains ont tôt fait de déceler l’artifice de communication : annoncer une mesure complexe, aux conséquences insoupçonnées, en période favorable. Profitant de la chute des cours internationaux du brut, le gouvernement a choisi ce moment pour y indexer les prix à la pompe. Cet usage habile d’une vieille recette de communication aurait suscité des applaudissements ou prêter à sourire s’il ne s’était agi de carburant. Au vrai, la décision gouvernementale est mal comprise, voire interprétée à rebours du fait d’un élément conjoncturel : la baisse du prix du pétrole sur les marchés internationaux. La conjoncture internationale a ainsi permis de faire passer la pilule en douceur, sans avoir à s’expliquer outre mesure. Et pourtant, il faut bien essayer d’aller au-delà de l’instant. Il y a lieu d’imaginer un éventuel retournement de conjoncture. Contrairement à la compréhension du plus grand nombre, les prix de l’essence et du gazole n’ont pas été revus à la baisse. Ils ont simplement été rattachés au prix du baril de pétrole. Désormais, ils évolueront en fonction du prix du brut. Ils descendront en même temps mais grimperont aussi synchroniquement. En clair, quand le pétrole coûtera cher, l’essence et le gazole coûteront cher ; quand il se vendra mal, l’essence et le gazole seront moins chers.

Vision néolibérale

Concrètement, le gouvernement a mis fin au mécanisme de stabilisation des prix du carburant. Mais, on aurait voulu également l’entendre sur un tout autre point : la péréquation. Censé réduire les inégalités entre les différentes régions du pays, ce mécanisme permet de vendre le carburant au même prix à Libreville, Ndindi, Makokou, Bakoumba ou Minvoul. C’est donc un instrument de redistribution de la richesse nationale. Le gouvernement le sait. Il en est forcément conscient. A coup sûr, il en mesure la portée. Est-ce la raison pour laquelle il ne s’est guère exprimé sur la péréquation, concentrant ses bribes d’explication sur la stabilisation ? On est enclin à le croire… Sur ce coup, l’équipe de Daniel Ona Ondo s’est laissée influencer voire dicter une ligne de conduite par les institutions de Bretton Woods, engagées dans la promotion de leur vision néolibérale. Du point de vue de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), la manne financière dédiée aux subventions jadis accordées au carburant doit être investie dans des programmes sociaux. Fondée sur l’idée selon laquelle les classes aisées sont les plus grosses consommatrices de carburant, cette lecture ignore totalement les implications sur la petite économie dans l’arrière-pays.

Robin des bois du dimanche

Au demeurant, le gouvernement ne semble pas totalement convaincu par cette logique de Robin des bois du dimanche. D’où son recours à un artifice de communication. Il aurait pourtant été plus simple d’ouvrir un vrai débat sur la question. Non seulement cela aurait contraint à tenir compte de ce que le gros de la population nationale vit en zone urbaine, mais en plus les répercussions sur les prix du transport, de l’électricité et même des denrées alimentaires auraient probablement permis de mieux motiver la décision finale. Mais le gouvernement a plié l’échine devant les institutions de Bretton Woods, se ralliant à une certitude somme toute discutable : la nécessité d’affecter les sommes réservées aux subventions aux produits pétroliers à des postes budgétaires censés contribuer à la prospérité et à une croissance inclusive.

Sans tenir compte du contexte, sans intégrer la corruption ambiante, sans songer à lutter contre les dégâts de la mal gouvernance économique et financière, la Banque mondiale et le FMI ont converti le gouvernement à leur catéchisme. Sans le savoir, ils ont ouvert la voie à une désorganisation du tissu économique et social là où ils ont cru militer pour une réduction des inégalités. Ont-ils imaginé les trafics auxquels pourraient s’adonner les populations frontalières ? Ont-ils songé un instant à l’éventualité de l’introduction du carburant frelaté, avec ses conséquences sur la santé humaine et l’appareil productif ?

A y regarder de près, leur suggestion est inopportune et décalée. L’urgence du développement d’une politique sociale ne saurait être tributaire de l’arrêt des subventions aux produits pétroliers. C’est la conséquence d’une gouvernance hérétique et de choix économiques hasardeux, effectués au vu et au su des institutions de Brettons Woods si ce n’est avec leur aval. Pour tout toute dire, la libéralisation des prix du carburant est, au mieux, la conséquence d’un prêt-à-penser idéologique, d’un inquiétant désir de transposer des solutions toutes faites et, au pire, un pis-aller, l’expression d’une capitulation face à la mal gouvernance. On en conviendra : si nos finances publiques étaient gérées de manière orthodoxe, les subventions aux produits pétroliers ne poseraient de problème à personne.

Vernis social

Face à la mal gouvernance ambiante, la suppression des subventions aux produits pétroliers va nécessairement aggraver les inégalités sociales et territoriales. Elle va, au mieux, déboucher sur la mise en place d’une bureaucratie prétendument tournée vers le social. Naturellement, l’essentiel des financements seront destinés aux frais de fonctionnement d’entités aux intitulés pompeux. On l’a vu avec la création d’une fantomatique commission sur le Pacte social. N’empêche, les institutions de Bretton Woods campent sur leurs positions. Et le gouvernement leur emboîte le pas. Sans doute par suivisme ou désir de se légitimer auprès de la communauté internationale. Désormais les notions de «stabilisation» et «péréquation» déclenchent chez eux des réactions quasi-pavloviennes. La subvention aux produits pétroliers est, aux yeux des apôtres et convertis de fraîche date du néolibéralisme, un blasphème. De l’état-providence à la conception classique non assumée, masquée par un vernis social, l’indexation des prix du carburant sur celui du brut a tout d’une fuite en avant.

 

 
GR
 

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