Le dialogue proposé par Jean Ping fut conçu comme une réponse à la main tendue d’Ali Bongo et à sa proposition de dialogue. Pourquoi l’opposition devrait-elle se condamner à réagir au lieu d’agir ?

© Gabonreview/Shutterstock

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A qui l’histoire rendra grâce dans le débat actuel sur la participation des alliés de Jean Ping au dialogue proposé par Ali Bongo ? Aux pro ou aux anti ? Ou alors, tout cela se soldera à la manière de la querelle byzantine entre partisans de l’élection sans condition et adeptes de la DTE (Destitution-transition-élection) ? Qui, aujourd’hui aurait la prétention de proclamer la pertinence de sa thèse en rejetant brutalement celles de l’autre ? La DTE aurait-elle permis à l’opposition de connaitre une meilleure fortune ? La participation à l’élection dans des conditions contestées valait-elle la peine d’être tentée ?  Personne ou presque ne peut aujourd’hui y répondre de manière définitive. Et pourtant, que de noms d’oiseau échangés, de théories construites, de demi-vérités ressassées et d’inimitiés entretenues pendant environ deux ans ! Le Sénégal, la Côte d’Ivoire, la science politique, l’histoire, le droit, tout ou presque a été convoqué pendant ce débat à rallonges aux allures de querelles de chiffonniers. Depuis le 23 septembre dernier, plus personne n’en fait référence. Bien au contraire, on s’efforce d’oublier cette séquence historique, somme toute mémorable.

Il ne s’agit pas ici de raviver des souvenirs douloureux, de gratter les plaies en voie de cicatrisation ou de proscrire tout débat contradictoire interne à une famille politique. Il ne s’agit pas non plus de chercher à transformer les partis en sectes ou en régiments militaires. Il est simplement question de rappeler une chose fondamentale : le débat contradictoire est un moment important dans la vie de toute organisation. Il doit, en conséquence, permettre à chacun d’être informé et de donner son opinion. Pour sa fécondité, il doit être transparent, argumenté et équitable. En clair, tous les militants doivent être à un niveau d’information comparable, le poids et la force des arguments doivent prévaloir sur la personnalité des intervenants et, toutes les opinions doivent être prises en compte. Sous nos latitudes, le débat démocratique pêche invariablement pour deux raisons : la prééminence des hommes sur les idées et une tendance à l’excommunication facile. L’opposition actuelle est malheureusement héritière d’une tradition de l’anathème et de l’exclusion. Depuis le début des années 90, de nombreux militants de l’opposition ont été frappés d’apostasie, à un moment ou à un autre, pour une raison ou une autre. N’en déplaise à certains, il a fallu attendre 2010 et l’Union nationale pour voir de vrais débats internes émerger au sein de l’opposition. Naturellement, cela n’a été ni sans heurts ni sans incompréhensions encore moins sans dégâts.

Déchainement des passions

Au fond, le débat actuel au sein de l’opposition traduit une seule et unique réalité : la mauvaise perception des défis et enjeux du moment. Les tenants du refus du dialogue avec Ali Bongo fondent leur conviction sur l’expérience du passé. A leurs yeux, tous les exercices similaires antérieurs (Conférence nationale, Accords de Paris, Accords d’Arambo…) ont systématiquement abouti au renforcement du pouvoir en place. Prenant appui sur la répression des événements du 31 août dernier, ils disqualifient définitivement toute possibilité de dialogue avec Ali Bongo. Avec ferveur, ils jugent immoral toute initiative en ce sens et affirment ne pas vouloir légitimer l’exécutif actuel. A aucun moment ils ne font d’une enquête indépendante un préalable. Tout cela peut s’entendre et se comprendre. Comment s’opposer à une posture morale, quasi-religieuse ? Sauf à recentrer les débats, la voie semble bien étroite.

A l’origine du déchainement des passions et des prises de position tranchées, le débat actuel repose d’abord sur idée lancée par Ali Bongo. Il s’inscrit dans la stratégie d’Ali Bongo.Haut du formulair Bas du formulaire L’opposition doit-elle se laisser dicter un agenda ? Est-elle condamnée à s’adapter à la stratégie de ses adversaires ou à la subir ? Dans l’affrontement politique, chacun doit pouvoir dérouler son agenda. Chacun doit essayer d’imposer sa stratégie. Le dialogue proposé par Jean Ping ? Cette idée fut lancée en réponse à la main tendue d’Ali Bongo et à sa proposition de dialogue. Faut-il le rappeler ? Pourquoi l’opposition devrait-elle se condamner à réagir au lieu d’agir ? Pourquoi ne prendrait-elle pas l’initiative ? Sur ce point, on n’entend rien ou presque. Jean Ping et ses soutiens auraient tort de s’accommoder de cette situation. «Celui qui n’a pas d’objectifs ne risque pas de les atteindre», enseigne Sun Tzu. Opérante, il y a bientôt 3 000 ans, cette règle l’est encore.

Ponce Pilate du combat démocratique

Quelle analyse faire de la situation des amis de Jean Ping ? Vaste débat.  Il faut aller au-delà des causes, déterminants et conséquences du problème principal. Il faut réfléchir, supputer, approfondir. Il faut évaluer les solutions possibles, le contexte d’intervention, les parties prenantes et ressources mobilisables. A ce stade, ce travail semble avoir été laissé en plan. Seule lueur d’espoir, l’Union nationale affirme être revenue sur la question lors de son conseil national extraordinaire du 22 octobre courant. Est-ce bien de sa responsabilité ? Assurément. Est-ce son engagement premier, sa responsabilité première ? On peut en douter.

Une partie de l’opinion cherche encore à comprendre ou à se faire une idée de la stratégie globale de l’opposition. Les Gabonais de l’étranger relèvent, à juste titre, une certaine atonie au plan national. En se mobilisant de manière massive et inédite, ils ont entretenu la flamme. De toute évidence, ils ont obligé les opinions publiques étrangères à s’intéresser à la question démocratique au Gabon. Du coup, certains fondent tous leurs espoirs sur la communauté internationale, par ailleurs accusée de tous les torts et sujette de tous les fantasmes. D’autres, par contre, réfutent cette lecture chère aux Ponce Pilate du combat démocratique. Pourtant, seule une conjonction des efforts, une coordination des actions peut faire évoluer l’environnement politique et démocratique. En un mot comme en mille, la mise en œuvre d’une stratégie globale et concertée s’impose. A l’allure où vont les choses, le débat en cours au sein de l’opposition pourrait s’avérer contreproductif demain. Sauf si les protagonistes venaient à s’accorder sur deux points essentiels : la primauté du rapport de forces et la nécessité de concevoir une stratégie propre à leur famille politique. L’Union nationale semble s’y être essayée. Mais, la réalité est là : l’opposition est actuellement en proie à un débat sur le sexe des anges, au propre comme au figuré. Pendant ce temps, Ali Bongo met en musique sa stratégie. Tout de même déroutant…

 

 
GR
 

24 Commentaires

  1. DoanESS dit :

    Le débat de l’opposition sera productif.wait and see!!

  2. Faustino Nzue Ondo dit :

    Non! Non! Et Non!

    Ce n’est pas un débat sur le sexe des anges. Ce débat est essentiel et concerne les objectifs individuels des acteurs politiques.

    Faut-il poursuivre une opposition à Ali Bongo et courir le risque de 7 ans de plus dans l’opposition ? Telle est la question centrale.

    Pour les tenants du Oui au dialogue, qu’il l’avoue ou non, il n’est pas question d’en reprendre pour 7 ans! Il faut arrêter la galère et prendre sa part du gâteau !

    Pour les tenants du Non au dialogue avec Ali Bongo, il s’agit de faire le choix du Gabon et des Gabonais, quitte à en payer le prix à titre personnel.

    L’opposition à Ali Bongo signifie : pas de boulot, pas d’entrée au gouvernement, donc fin de mois difficiles, etc. Estelle Ondo et Bruno Ben Moubamba sont les symboles de cette démarche…

    Ce n’est donc pas un débat sur le sexe des anges, c’est un débat sur la force des convictions. Et cela, il faut avoir l’honnêteté de le dire et de se le dire.

    • bonga pierre dit :

      Le dialogue paraît en lui-même constituer une renonciation à l’agressivité.

    • L'Observateur dit :

      « Pour sa fécondité, il doit être transparent, argumenté et équitable. »
      A méditer!!!

    • Lekori dit :

      Faustino Nzue Ondo. Vous dites vraiment n’importe quoi ? Allez donc inscrire ces gens dans un laboratoire de philosophie morale et politique si vous voulez mener un débat sur leurs objectifs individuels. Dans la sphère public, le seul débat qui vaille est celui qui porte sur les objectifs collectifs, sur l’intérêt général.
      Faut-il se contenter de se dire opposant et prendre le risque d’arriver à 2023 avec Ali Bongo sans avoir rien fait bouger et de revivre la même situation ? Pour les adversaires du dialogue, qui n’osent l’avouer, il est juste question de se contenter de déclarations. Il faut monter que l’on peut supporter la galère car c’est ça, selon eux, l »objectif de l’opposition. Pour les tenants du dialogue, il s’agit de faire un choix réaliste que de nombreux partisans du non font en privé et feront en public le moment venu. L’opposition signifie : une stratégie et des moyens et non pas la promotion du misérabilisme. C’est donc un débat sur le sexe des anges. C’est un débat qui veut occulter l’absence de stratégie de l’opposition et les défaillances du carnet d’adresses. ETcela, il faut avoir l’honnêteté de le dire et de se le dire.

  3. bonga pierre dit :

    Il y a le temps de la pédagogie, de la concertation, du dialogue, et à un moment donné il y a le temps de la décision.

  4. koumb dit :

    Pour ceux qui ne le savent pas,vous allez bientôt réaliser que Ndemezo est un animal politique,loin devant Ping et sa bande.

  5. L'Observateur dit :

    « Il est simplement question de rappeler une chose fondamentale : le débat contradictoire est un moment important dans la vie de toute organisation. Il doit, en conséquence, permettre à chacun d’être informé et de donner son opinion. Pour sa fécondité, il doit être transparent, argumenté et équitable. En clair, tous les militants doivent être à un niveau d’information comparable, le poids et la force des arguments doivent prévaloir sur la personnalité des intervenants et, toutes les opinions doivent être prises en compte. Sous nos latitudes, le débat démocratique pêche invariablement pour deux raisons : la prééminence des hommes sur les idées et une tendance à l’excommunication facile. »

    C’est exactement le mal profond de la politique locale. Débats houleux et peu courtois, zéro arguments, diffamation et injure faciles, mensonges érigés en vérités immuables. Tant que l’adhésion aux partis politiques sera affective et non idéologique, la qualité des débats demeurera de piètre facture.

    • Lekori dit :

      @L’Observateur alias Alain-Claude Bilié By Nzé. Y avait le débat au RNB ? Au RPG ? AU RDP ? Y en -t-il au PDG où tu fais semblant de militer ?

      • L'Observateur dit :

        « Pour sa fécondité, il doit être transparent, argumenté et équitable. »

        Roxanne aurait pu rajouter « qu’il faut savoir lire ». Toujours en train de faire dans la distraction. Quand on aborde les questions de fond, vous voulez nous ramener aux futilités. Quel est le lien entre mon post et vos interrogations? Quelle partie de mon post détermine mon appartenance politique? Est-ce un logiciel malveillant ou est-ce vraiment votre production intellectuelle?

  6. CANTON LEYOU dit :

    Bon retour chère Roxane et prompte rétablissement.
    Patriotiquement.

  7. nzam ata dit :

    C’est vrai le constat est réel, mais de l’autre coté:Ali Bongo n’a pas de stratégie ,il croit avancer, si tel est le cas ,alors se serait comme un aveugle.Pour preuve rien de ce qu’il fait n’est élaboré.

  8. Essigang dit :

    J’aime bien lire vos analyses…celle ci me semble tirée par les cheveux. Avec une situation volatile comme celle que nous vivons, il faut prendre du recul. Il manque une inconnue de taille: La société civile.

  9. Faustino Nzue Ondo dit :

    Mettons les pieds dans le foufou comme ils disent au quartier !

    Prenons la liste des pro-débats, ou ceux qui se présentent comme tel :

    Ndemezo’Obiang
    Jocktane
    Mayila
    Eyogo
    Maganga Moussavou
    Minlama
    Ella Nguema

    Vous êtes vraiment certain de ne pas voir les raisons personnelles qui les conduisent au Dialogue !?

    Vous pensez être sérieusement capable de dire qu’il y a des raisons tenant à l’intérêt général qui les conduit à venir poluer la vie des Gabonais avec le dialogue! Dialogue! Dialogue!

  10. Laura Sagesse dit :

    Ali Bongo a quelle stratégie dites- moi chère Roxane? C’est étrange, vous faites tout pour que l’on croit que vos articles sont impartiaux, mais rien n’y fait, il suffit de bien vous lire entre les lignes pour comprendre que vous roulez pour le pouvoir émergent. Dire que Ali a une stratégie, si ce n’est en réalité, celle lui permettant de se maintenir au pouvoir advitam aeternam, et non pour le bien du peuple gabonais. Vous qui êtes si renseignez, déroulez nous cette fameuse stratégie, en quoi consiste t-elle? si vous voulez convaincre autrui chère Roxane, croyez d’abord vous-même à ce que vous écrivez.

  11. Bounounou dit :

    Le commentaire de l’Observateur est édifient, le plus percutant de tous.

    Merci Monsieur

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