Peut-être a-t-elle décidé d’aller en guerre contre les journalistes ? Peut-être estime-t-elle que des membres de cette corporation méritent des privations de liberté et des sanctions financières paralysantes ? Ou a-t-elle tout simplement décidé de défendre le pouvoir envers et contre tout, quitte à se renier ?  

Me Gisèle Eyue Békalé, le 30 janvier 2015 à Libreville. © Gabonreview

Me Gisèle Eyue Békalé, le 30 janvier 2015 à Libreville. © Gabonreview

 

«Me Gisèle Eyue Békalé s’est fait connaître il y a une dizaine d’années comme l’avocat des petites gens, des gens ordinaires, de la classe moyenne, des «opprimés du système», des étudiants», rappelle un ancien étudiant de l’Université Omar Bongo. Elle s’est faite sa réputation là-dessus. C’est ce qui lui a donné une vraie visibilité, une certaine notoriété, une indéniable respectabilité. Aujourd’hui, elle est le conseil d’Ali Bongo, d’Alain-Claude Billie By Nzé et d’Hervé Opiangah notamment. On pourrait presque dire «Gisèle Eyue ou l’histoire d’un changement de braquet». La «défenseur des pauvres» semble avoir en effet définitivement changé de «ligne d’attaque». Dans les prétoires, sa transformation verbale et langagière est impressionnante. Mettra-t-elle toujours autant de hargne et de combativité qu’autrefois quand elle défendra les petites gens ? Certains en sont à douter.

Il est vrai que tout avocat a le droit de défendre qui bon lui semble, et Gisèle Eyue a donc tout à fait le droit de choisir qui elle veut assister. Et il faut bien reconnaître qu’elle a défendu Alain-Claude Billie By Nzé en janvier 2008 – donc bien avant le régime de l’Emergence – au moment où celui-ci gouttait un petit séjour à Sans-Famille pour émission de chèques en bois. Elle a également défendu Hervé Opiangah, la première fois, alors que celui-ci venait de créer un parti politique d’opposition, l’Union pour la démocratie et l’intégration sociale (UDIS), et que le pouvoir (de l’époque) l’accusait de vouloir, à travers sa société, Vigile Services, «faire du grabuge» dans le pays. Dans ce sens, on pourrait dire que cette avocate – un des ténors du barreau du Gabon – est fidèle en amitié ! Mais tout de même…

Son histoire rappelle un peu l’affaire d’un brillant avocat et défenseur des droits de l’homme vietnamien des années soixante qui, après avoir défendu, des années durant, la veuve et l’orphelin, avait fini par devenir le conseil des «indéfendables», des «bourreaux et des malfrats». Le «salaud lumineux», pour reprendre les termes d’un des livres autobiographiques de cet avocat aujourd’hui décédé, connut plus tard une descente aux enfers qui finit par avoir raison de lui, car il abandonna la profession, en raison d’un rejet de sa personne par l’opinion.

Me Eyue, qui est devenue l’indispensable et fidèle alliée des tenants du pouvoir, ne connaîtra certainement pas le même sort que son devancier confrère eurasien, mais elle semble s’être fait à l’idée que la presse est «l’empêcheur de tourner en rond» pour ses amis et clients, et elle en est à son deuxième procès contre la corporation. Elle fait face aujourd’hui, au nom de son client Ali Bongo,  au journal L’Aube ; demain, elle affrontera La Une, autre hebdomadaire pas très en cour à la présidence de la République, au point qu’elle est en passe de devenir la spécialiste des procès contre les médias. Après sa plaidoirie mardi dernier, le représentant du ministère public a requis trois ans d’emprisonnement, dont un ferme, contre le directeur de L’Aube, assortie d’une amende de 50 millions CFA ! Quel sort sera donc réservé au responsable de La Une dans les prochains jours ? Encore une peine d’emprisonnement ? Une autre sanction financière asphyxiante et paralysante ? La presse indépendante va-t-elle désormais devoir chanter les louanges du pouvoir de peur de trouver sur son chemin cette avocate ? Où va donc la démocratie gabonaise quand les médias sont asphyxiés et paralysés, donc, d’une certaine manière, bâillonnée ?

Pourtant, il aurait suffi à cette avocate de rappeler à son client qu’il y a quelques mois, il a préfacé le dernier album («5 ans déjà !!!») de Pahé le caricaturiste en écrivant : «Bien que je ne partage pas toujours vos idées, ce droit inaliénable à la libre expression, je le défendrai». Me Eyue aurait ainsi permis à son client de donner «l’image d’un démocrate ouvert à la critique». Elle aurait pu aussi dire à son client ce que déclarait Clint Eastwood, cinéaste et acteur américain : «Saddam Hussein était probablement un type malfaisant, mais si l’on décide de s’en prendre à tous les malfaisants, quand est-ce que cela s’arrête ?». Les malfaisants étant bien entendu, dans le cas du Gabon, les hommes et femmes des médias.

Battante, combattante et pugnace, Me Eyue fait assurément partie des «perles» du barreau du Gabon, mais aussi de celles sur lesquelles le regard de l’opinion a changé depuis peu. En sa défaveur. «Elle ne nous avait pas habitués à ça», dit d’elle un greffier en service au tribunal d’Oyem. Sa bataille contre les médias «irrévérencieux» va-t-elle s’arrêter ? Ou n’est-ce que le début d’un processus de destruction de la corporation ?

 

 
GR
 

10 Commentaires

  1. moi dit :

    Hélas le pouvoir de l’argent…..

  2. Roger-Pierre Delannoy dit :

    Sur son papier à en-tête professionnel, Me Eyue déclare: « Diplômée de l’Institut d’Etudes judiciaires de Paris ». Or, sauf erreur, les instituts d’études judiciaires français forment à différents diplômes mais n’en délivrent pas. Pourquoi ne précise-telle alors pas l’école qu’elle aurait intégré et le diplôme obtenu, si tant est qu’il(s) existe(nt)? Quant à son superbe doctorat de Pontoise, elle a eu le loisir de le peaufiner lors de son exil volontaire suite à l’affaire de l’évasion de « Dallas ».

  3. le Blogueur Gabonais dit :

    Mais écoutez enfin journalistes de GabonRwiews, quand vous embauchez quelqu’un pour faire un travail vous voulez qu’il fasse le travail a moitié ou bien dans les règles de l’art??, franchement je comprend pas ce que vous lui reprochiez, elle ne fait que son devoir c’est a dire défendre son client et ça toujours été comme ça! dans la vie on évolue si elle a commencé petit et aujourd’hui elle travail pour les plus grands elle a donc réussi , prenons l’exemple des étrangers qui viennent dans notre pays ils commencent pourtant tous au bas de l’échelle mais a force de persévérance et de travail construisent leur pyramide pour quoi êtes vous dans l’étonnement quand nous savons que l’intérêt puisse guider l’homme pourquoi êtes vous indignez que chacun ici bas se battent par sa progéniture afin d’assurer a ses derniers des lendemains meilleurs. Je comprends quand on dit que les gens n’aiment pas les gens a vous lire on dirait de la jalousie !!!!
    c’est son travail défendre les gens et ici il défends son client!

  4. Nelson Mandji dit :

    Que voulez-vous dire, Gabon Review, en évoquant le « salaud lumineux »? Que cette dame est devenue la « S… lumineuse »? En tout cas, de la défense gratuite des étudiants et des parias comme Dallas, elle est en effet passée du côté des bourreaux, en allant jusqu’à défendre défunt le Sénateur crime-ritualiste Gabriel Ekomié. L’argent, rien que l’argent? Y a pourtant encore de l’argent propre à gagner. On avait cru qu’elle avait une éthique et un idéal. Pourvu que l’émergence dure également 40 ans. La presse gabonaise s’en souviendra, puisque les paroles s’envolent et les écrits restent.

  5. omer simpson dit :

    Pas de surprise… pas d’étonnement… que voulez vous, le monde est peuplé en majorité de personnes sans moralité, avec une mémoire très très courte de ce qu’étaient leurs aspirations d’antan. La réussite sociale OUI mais la galère d’en assumer les conséquences.. oui mais pas trop longtemps… en fait, Galilée aurait dû ajouter à sa découverte de la rondeur de notre planète, que le nombril n’est pas le centre du monde mais le centre des misérables et des petits gens sans âmes et sans consciences. La régression du Gabon n’est pas le simple fait de ceux qui le dirigent mais plutôt de ceux qui l’animent, de ceux qui se plaignent, de ceux qui veulent du changement et qui changent leur fusil d’épaule. Respect à tous les autres, ceux dont on ne parle pas, ceux qui aime sincèrement notre pays, qui se battent pour un avenir meilleur et qui ne vendront pas leurs âmes, leurs rêves et leurs convictions pour une poignée de billet et une jolie maison de ville à Genève.

  6. Gek dit :

    Je valide le Blogueur Gabonais et en guise de piqure de rappel l’avocat est un professionnel du droit qui exerce une profession libérale.C’est un auxiliaire de justice qui défend,assiste ou représente ses clients devant la justice .

    • l'ombre qui marche dit :

      @ Gek et le blogueur gabonais il faut savoir que l’exercice de certains métiers appellent une rigueur d’esprit comme le dit quelqu’un il y a de l’argent propre à gagner je vous rappelle que le GRAND NELSON MANDELA était avocat le fait de se soucier de l’épanouissement de sa personne et des siens ne veut pas dire vendre son âme au diable l’avocat des pauvres ici comme dans d’autres pays ça n’existe pas c’est vrai que défendre des pauvres ce n’est pas payant MAIS QUE C’EST GRATIFIANT LA RESPECTABILITE ET L’HONORABILTE QUE L’ON RECOIT EN RETOUR CAR DIEU EST TOUJOURS AVEC LE BAS PEUPLE

      • le Blogueur Gabonais dit :

        @L’ombre qui marche
        c’est toi qui trouve que cet argent est salle ?
        pour ma part elle fais son taf et c’est normal qu’elle soit payée donc cet argent est aussi propre ! Après cher ami c’est pas parce que elle joue dans la cours des grands ou pour certains dans le camp opposé que cela fait d’elle quelqu’un de pas bien , c’est un taf qui lui est proposé et vous comme moi on a des factures a payé des enfants a nourrir a protéger et dont l’avenir doit être assuré, et l’intérêt guidera toujours l’homme Jésus lui même le disait qu’il n’était pas la pour les biens portants mais pour les malades et c’est parce qu’il trouvait son intérêt a rester avec eux !!! CA toujours et cela restera ainsi

  7. lepositif dit :

    Un vrai faux debat. Quelqu’un fait son travail, defend qui elle veut comme le permet son metier. Ce article est vraiment bizarre. Elle est libre de defendre les pauvres et les riches, ou est le probleme. Les gabonais vous etes trop jaloux…c’est une des causes de retard.

  8. BABOKI dit :

    Monsieur NDJIMBI, il s’agit dans cet article d’une incitation à la haine, et ça vaut poursuites judiciaires. Après vous viendrez écrire qu’elle n’a pas le droit de vous porter plainte au nom de la « liberté d’expression ».

    Y a t il désormais dans ce pays une catégorie de Gabonais « biens pensant » qu’il est bien de fréquenter et une autre à jeter à la vindicte des « biens pensant » que vous semblez être.
    Eh! les gars, balle à terre, s’il vous plait!

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