Alors que le ministre de l’Intérieur interdisait la manifestation de l’opposition à Libreville, il autorisait le même jour -20 décembre 2014- que le PDG organise une manifestation en faveur du chef de l’Etat à 35 km de la capitale. La démocratie va-t-elle vraiment s’incruster dans la tête des dirigeants africains ?

Guy Bertrand Mapangou, le ministre de l’Intérieur. © Gabonreview
Guy Bertrand Mapangou, le ministre de l’Intérieur. © Gabonreview

 
Le Front uni de l’Opposition pour l’alternance qui a reçu récemment l’arrivée en son sein de l’ancien vice-président de la République, Jean-Clément Didjob Divungi di Ndinge, et de l’Evêque Mike Steeve Jocktane, et qui vient de recevoir le soutien de deux partis politiques français, le Parti communiste et le Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon, a-t-il raison de crier haut et fort son indignation ? On pourrait croire que oui, au vu de la décision de Guy-Bertrand Mapangou d’autoriser la manifestation organisée, le même jour, à Ntoum, en soutien au président de la République.
Jean-Christophe Akagha Mba, ministre des Mines et du Tourisme, et conseiller du président du PDG, a tenu à organiser cette marche qui aurait tout aussi bien pu être «infiltrée», on ne le savait pas encore. Impression de 2000 tee-shirts, fabrication de banderoles, location de taxi-bus, danses folkloriques – tout avait été prévu pour une «belle fête». Le neveu de Casimir Oyé Mba a réussi le tour de force d’amener à cette marche une grande partie des responsables politiques PDG de la localité et ses environs, à savoir le très controversé Emmanuel Nzé Békalé, nouvellement élu Sénateur du Komo-Mondah, Julien Nkoghé Békalé, député du Komo-Mondah, et les élus locaux. Seul Paul Biyoghé Mba n’a pas été vu parmi les 600 marcheurs (chiffre donné par les organisateurs). La fête fut belle, la marche de soutien à Ali Bongo un succès, mais au sens démocratique du terme, cette journée du 20 décembre n’a pas été gérée avec une justesse d’esprit par le ministre de l’Intérieur.
Le bilan de la manifestation interdite de Rio est officiellement d’un mort. Même s’il ne s’agit que d’un mort, c’est un mort de plus, un mort de trop, à cause du refus du ministre de l’Intérieur et des dirigeants d’accepter que l’opposition puisse exprimer son point de vue sur la conduite des affaires publiques. Qui est responsable de ce qui est perçu comme une bavure policière par le plus grand nombre ? Si cela venait à vraiment être établi, qui va devoir y répondre ? Le ministre de l’Intérieur ou le commandant en chef de la Police ? Un citoyen est tué pour avoir voulu prendre part à une manifestation démocratique, qui va en porter la responsabilité ? Le ministre de l’intérieur s’est contenté de venir dire le nombre de mort et des personnes interpellées. A présent, on attend qu’il aille plus loin. Qu’il vienne annoncer les sanctions qui seront infligées au tueur !
Sur cette position officielle qui n’a rien à voir avec les principes démocratiques, un enseignant à l’Université Omar-Bongo, observateur de la scène politique locale, dit ne pas comprendre la réaction des autorités : «face à la situation politique actuelle, marquée par l’impossibilité d’accéder aux médias publics et par l’omniprésence du PDG à l’Assemblée nationale et au Sénat, ainsi que par la censure exercée par le Conseil national de la Communication (CNC) sur les médias qui lui sont proches (TV+, Echos du Nord, Faits Divers, etc. – ndlr), l’opposition ne demande qu’à s’adresser à ses partisans à travers des meetings. Qu’est-ce qui peut donc justifier ce refus trop souvent donné à ses demandes d’autorisation de manifester ? Pourtant, les forces de police sont formées et disposées à «encadrer» de telles manifestations. Pourquoi refuse-t-on que ces policiers apparemment bien formés pour ce type de situations soient utilisés pour le faire ?».   
En fait, il aurait été plus judicieux, après avoir donné autorisation au PDG à Ntoum, de ne pas interdire le meeting de l’opposition à Libreville. Comme l’a dit le Représentant spécial de l’ONU en Afrique centrale dont les bureaux sont basés à Libreville, «quel que soit le niveau des réalisations et quels que soient les succès économiques d’un pouvoir, il y aura toujours une envie de changement», le ministre de l’Intérieur doit accepter qu’une partie de l’opinion puisse s’exprimer à travers meetings et marches pour contester ce qui se fait. Sinon, comme nous l’avons vu samedi dernier à Rio, les partisans de l’opposition s’exprimeront autrement, en éventrant des échoppes, en barricadant des rues, et, à leur décharge, en recevant des grenades lacrymogènes qui peuvent mener à la mort des asthmatiques par exemple.
Ce qui s’est passé le samedi 20 décembre doit ne plus jamais se faire. On ne peut autoriser ici, et interdire là. Un compatriote qui tombe, c’est toujours un mort de trop.
 

 
GR
 

0 Commentaires

  1. bdkmli dit :

    le Gabon mon pays que j’aime tant, est à la croisé de chemins.le changement que nous souhaitons dans le bon sens, viendra que quand le pouvoir acceptera la différence.il dit que l’opposition refuse de dialoguer!!!mais de quel dialogue s’agit-il? quand ya concertation politique dans un pays,les (vrais)sujet à débattre sont mis à table et là on peu discuter;mais ici c’est le pouvoir qui dicte tout et alors! après on dira que l’opposition refuse le dialogue?on ne va pas dialoguer pour écouter ALI seulement

  2. Patrick ANTCHOUET dit :

    On ne peut pas autoriser ici, et refuser là. Le 20 décembre, le ministre de l’intérieur a fait étalage du manque de démocratie et de l’absence de l’Etat de droit dans notre pays. Le nouveau « Mboumbou Miyakou » est à l’oeuvre.

  3. Patrick ANTCHOUET dit :

    Toujours pas de réaction du gouvernement au sujet de la demande faite par l’UNOCA d’un dialogue entre les différentes forces vives de la nation ?

  4. Hervé Grupaune dit :

    En dépit des déclarations d’Issozet aux diplomates mercerdi dernier, le Gabon n’est pas une démocratie. Des gens sont tués pour avoir voulu aller assister à un meeting. Dans ce pays, on meurt encore pour un rassemblement politique.

  5. Hervé Grupaune dit :

    La décision de Guy-Bertrand Mapangou d’interdire le meeting de l’opposition vaut au Gabon des condamnations de la part d’ONG et de partis politiques. Quelle mauvaise image pour notre pays à cause de cet individu !

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