Entre autoritarisme et désinvolture, le gouvernement s’enferre dans des pratiques décriées, comme naguère avec la Prime d’incitation à la performance (PIP). Déjà, un front du refus s’est créé de manière quasi-spontanée.


Lancement de l’opération de mise en bons de caisse. © D.R.

 

Comme s’il était incapable de tirer des leçons du passé, l’exécutif continue de prendre les décisions à l’emporte-pièce, sans en évaluer l’opportunité, la pertinence ou même les effets éventuels. Pourtant, la tragi-comédie de la défunte Prime d’incitation à la performance (PIP) a déjà montré combien une réforme mal emmanchée pouvait être contre-productive. Avec la mise sur bons de caisse d’une partie de l’administration, le gouvernement retombe dans les mêmes errements. Entre autoritarisme et désinvolture, il s’enferre dans des pratiques décriées. Le mécanisme mis en place permettra-t-il de « s’assurer de la présence effective des agents et leur reconnaissance par leurs responsables hiérarchiques » ? On peut en douter. Et pour cause : fortement politisée et inarticulée à la société, l’administration est à l’image de l’Etat.

Sans planification

Après tout, ses principaux responsables ne désertent-ils pas régulièrement leurs bureaux pour aller tenir causeries et meetings pour le compte du Parti démocratique gabonais (PDG) ? En cette période de pré-campagne, ne sont-ils pas les premiers à sillonner hameaux et villages au nom de l’Association des jeunes émergents volontaires (Ajev) ? Comment lutter contre l’absentéisme dans un tel contexte ? Comment exiger la présence quand les profils ne sont pas définis et les tâches nullement réparties ? Face à ces insuffisances, les bons de caisse ne sauraient être la solution. Sauf, bien entendu, à ouvrir la porte à des règlements de comptes. Sauf aussi à consentir à passer le plus clair du temps à enregistrer puis traiter les réclamations.

D’ailleurs, le gouvernement a lui-même montré les limites de sa décision. En décidant du « gel (…) des concours professionnels » sans se prononcer sur le sort des écoles d’application de la fonction publique, il a avoué avoir toujours navigué en eaux troubles, sans planification. En annonçant le « gel des reclassements, avancements et recrutements« , il ne s’est guère soucié de l’efficience de l’administration. Ni la motivation individuelle ni les déficits en personnels dans des secteurs précis n’ont servi de fondement à son analyse. Au total, il a avoué évoluer sans système de gestion des ressources humaines. En quoi « (la) reconnaissance (des agents) par leurs responsables hiérarchiques » permet-elle d’évaluer l’adéquation entre leurs compétences et les besoins réels ? N’est-ce pas une simple prime l’autoritarisme ? Ne file-t-on pas tout droit vers une démobilisation complète de l’administration ?

Front du refus

La zone géographique concernée par la réforme en rajoute à cette impression d’improvisation et de déjà-vu. Comme avec la PIP, l’exécutif a agi d’autorité, sans consulter les forces sociales, notamment les syndicats. Si en 2014, il avait laissé le sentiment de chercher à détrousser les régies financières, cette fois-ci il a pris le risque de présenter les forces de sécurité comme des privilégiés. Si la procédure mise en place naguère n’avait pas réservé un traitement particulier aux fonctionnaires affectés à l’intérieur du pays, sur ce coup-ci il a restreint la mesure aux seuls agents exerçant dans la province de l’Estuaire. Au demeurant, le gouvernement a rompu le principe d’égalité de traitement des fonctionnaires. Autrement dit, il a décidé de passer outre les différents cadres d’emplois. La procédure de paiement de la solde peut-elle varier en fonction du lieu d’affectation ? Peut-elle être jugée inopposable à une catégorie spécifique d’agents publics ? Est-ce bien conforme aux statuts des différents corps de métier ?

Si l’idée du gouvernement parait inadaptée, sa méthode est tout aussi cafouilleuse. En laissant transparaitre une vision parcellaire et fragmentée de l’Etat, le ministre de la Fonction publique a déclenché un tollé général. Rassemblant la Dynamique unitaire, le Syndicat national des magistrats du Gabon (Synamag) et le Syndicat des médecins fonctionnaires gabonais (Symefoga), un front du refus s’est constitué de manière quasi-spontanée. En dépit de la campagne d’explication menée par le Premier ministre, le pire est à redouter. Malgré le soutien de certains syndicats, l’expérience du passé permet d’anticiper la suite : paralysie de l’administration puis retrait subreptice de la mesure. En somme, le gouvernement vient d’avancer une fausse-bonne idée, un peu comme jadis avec la… PIP.

 
GR
 

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