Ayant catalysé la transmutation de la palabre sur l’avenir de l’école gabonaise en une polémique sur le respect des libertés fondamentales, le ministre de l’Intérieur a involontairement tendu un piège à sa famille politique.

Au micro, Simon Ndong Edzo , figure de prour de la Conasysed, lors d’une assemblée générale en novembre 2016. © D.R.

 

Par arrêté n°006/MISPDL, le ministre de l’Education nationale l’a solennellement affirmé le 17 mars dernier : les activités de la Conasysed sont interdites. Sans le savoir, il a déplacé le débat. Sans s’en rendre compte, il a catalysé la transmutation de la palabre sur l’avenir de l’école gabonaise en une polémique sur le respect des libertés fondamentales. Déjà, de nombreux politiques et syndicalistes ont embrayé sur ce registre. Inévitablement, la controverse va désormais se concentrer sur l’Etat de droit, la démocratie et les droits de l’homme au sens large. On imagine déjà certains dénonçant une atteinte au droit à la liberté d’expression, à la liberté de réunion et à la liberté d’association. On en voit d’autres condamnant une « dérive dictatoriale ». On s’en représente même mettant à l’index « l’amateurisme du gouvernement« .

Dans un contexte de crise politique, la suspension des activités de la Conasysed est du pain béni pour les contempteurs du régime. Sur fond d’atonie économique, elle leur offre une opportunité de faire entendre leur cause. De bonne guerre, ils ne lésineront sur rien pour capitaliser une telle opportunité. La Convention n° 87 de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, les recommandations OIT/Unesco concernant la condition du personnel enseignant ou le volume horaire requis pour valider une année scolaire seront, naturellement, au cœur de toutes les argumentations. Evidemment, l’argument de la souveraineté sera, lui aussi, abondamment utilisé, notamment par le gouvernement. Tout cela pourrait déboucher sur un capharnaüm indescriptible voire un pandémonium où se consumeraient toutes les vanités.

Malaise démocratique

Curieuse évolution des choses. Une grève sectorielle, aux tenants et aboutissants connus de longue date, pourrait devenir l’élément déclencheur d’un blocage généralisé. On pourrait s’en gausser si tout cela ne traduisait pas un malaise systémique et plus profond. L’intransigeance des syndicats est l’aboutissement de plus d’un quart de siècle de négociations tronquées, de rendez-vous manqués, de promesses non tenues et de manipulations politiciennes. Pour les enseignants, le gouvernement n’agit jamais dans le but de régler les problèmes mais pour sauver la face de la majorité politique. Autrement dit, les ministres n’ont pas à cœur de satisfaire les attentes des partenaires mais de s’assurer de l’hégémonie du Parti démocratique gabonais (PDG). Si cette lecture a mille fois été énoncée, elle est maintenant en passe de bloquer toute la machine administrative voire de compromettre le vivre ensemble.

La bienveillance dont les enseignants bénéficient de la part de l’opinion publique est, en tout cas, révélatrice d’un malaise démocratique. Elle témoigne d’une bien curieuse pratique politique. Résumant la démocratie à un rapport de forces permanent, le PDG a transformé la loi en un instrument de coercition. Dans l’entendement des coreligionnaires de Faustin Boukoubi, si « force doit rester à la loi » c’est pour légitimer la novlangue officielle. Au-delà, l’objectif est de rendre illégale toute revendication gênante. Pour eux, si « le Gabon est un Etat de droit« , cela doit se traduire par une subordination des autres forces sociales à la volonté des détenteurs de l’autorité publique. Vu sous cet angle, les demandes corporatistes apparaissent comme d’inacceptables traductions de la pensée hérétique. Et les autres forces sociales comme des laboratoires de la dissidence. Usant et abusant de la vulgate démocratique, le pouvoir n’est, en réalité, jamais passé à l’après-23 mars 1990.

Un piège

Ce refus d’entrer dans la modernité, cette volonté de vivre en dehors de son époque, légitime une tare héréditaire du syndicalisme national : la proximité d’avec les forces politiques. Face à une administration au service exclusif de la majorité politique, les leaders corporatistes se sentent obligés de rechercher des soutiens politiques. Certains pourront réfuter ce constat. Mais, il restera une réalité : si la Cosyga a longtemps été un organisme spécialisé du PDG, de nombreux syndicats ont ouvertement soutenu Jean Ping lors de la dernière présidentielle. Du coup, la suspension des activités de la Conasysed prend une autre résonance. Politiquement, elle semble même contre-productive voire risquée. Politiques ou professionnelles, individuelles ou collectives, toutes les frustrations y trouvent une opportunité de s’extérioriser. Voilà le risque auquel le gouvernement est désormais exposé.

En vérité, le droit à la liberté d’expression, à la liberté de réunion et à la liberté d’association ne fait pas partie du génome du PDG. Il se heurte frontalement à sa culture des mallettes, des collusions institutionnelles et de la coercition permanente. Percevant les syndicats comme des outils de mobilisation d’un électorat captif, le pouvoir n’a jamais œuvré pour leur indépendance. S’il a jusque-là toléré leur existence, il a surtout eu à l’idée de les caporaliser ou tout au moins de les instrumentaliser lui-même. Sans le vouloir, le ministre de l’Intérieur a laissé transparaître cette quête. Se drapant des oripeaux de la légalité, il a involontairement fait glisser le débat, tendant ainsi un piège à sa famille politique.

 

 

 
GR
 

26 Commentaires

  1. AGORA dit :

    Bonne analyse. En voulant mettre ce syndicat sous interdit, c’est une raison de plus,pour que le monde sache qu’au Gabon on ne respect pas les gabonais. …Les jours avenirs nous révéleront bien des choses….de la part de ce gouvernement

  2. Bouka Rabenkogo dit :

    La suspension et l’interdiction d’un syndicat dans une république démocratique prouve les limites et la fin de la médiocrité qui s’est installée depuis 2009 à la tête de notre beau et divin pays. IBOGA LE GABON EST LIBÉRÉ. MERCI MUANGA (DIEU). BWETE.

  3. Samuel dit :

    En quoi l’interdiction de la CONASYSED va régler les problèmes connus de l’école gabonaise ? Ces gouvernants n’ont pour seul souci que de durer aux affaires, sinon le Ministre de l’Éducation nationale aurait déjà rendu don tablier. Mais comme dans ce gouvernement on ne trouve aucun « garcon » qui a des c…..entre les jambes, …..

  4. Light dit :

    Les enseignants attendent quoi pour déclarer année blanche?

  5. el sako marius dit :

    une analyse des faits serte pertinente mais des éléments controverses sont à relever. notamment la compréhension de la notion de droit à la liberté. c’est vrais que les revendications des cette centrale syndicale sont fondées et légitime mais la manière et la méthode utilisées ne sont peut être pas les bonnes parce que l’exercice de notre liberté s’arrête là où celle d’autrui commence. a cet effet les leaders de ce syndicat ont franchi la ligne. la responsabilité de cette dérive serte elle est de l’Etat mais ces derniers ont aussi une part de responsabilité. dans l’exercice de leur droit il y’a une confusion entre la détermination politique et celle du syndicalisme qui sont à la croisé de chemin. on pourra supposer faire état d’une manipulation politicienne dans la mesure où tous ont un adversaire commun le pouvoir du Président de la République qu’ils pensent est usurpatoire.par conséquent il n’y a que par le durcissement des revendication qu’on peut manifester et tenter de faire barrage à ce pouvoir.

    • Regard inquisiteur dit :

      …je ne saisi pas bien votre analyse de la mauvaise méthode usée parles enseignants.?

    • FINE BOUCHE dit :

      La compréhension et l’analyse certes pertinente et les revendications fondées et légitimes …PUIS quelques lignes plus loin deviennent de l’irresponsabilité, une confusion et une dérive accordée tout de même à l’état merci. Et donc qui va nous aider à faire entendre à l’Etat de droit dans lequel nous pataugeons (rires) que l’enseignement et le savoir reste et devrait être la priorité de chaque individu lorsque ce dernier pense à sa progéniture. Omar Bongo était rusé certes mais l’intelligence lui a fait défaut je crois car il a failli à l’utilisation des deniers publics, si ce dernier pouvait entendre raison quant à ce que sont les deniers publics, nous n’en serions sûrement pas là a vivre cette situation. Ali BONGO a dit qu’il était le seul à pouvoir prendre la destinée du pays en main et aujourd’hui quand est il ? on se trouve la confusion. Il est dit que la fin justifie les moyens et au 30 aout 2016 nous avons compris réellement ce que cela voulait dire non ……

    • natty dread dit :

      incompréhensible…rompez!

  6. la fille de jésus dit :

    Dieu est contrôle

  7. Kimi dit :

    la CONASYSED est fortement politisée. Elle mène un double combat c’est une évidence. Son but est de créer le chaos pour mettre en difficulté le gouvernement actuel car c’est des proPING pures et dures mais…

    Elle le fait pleinement dans le respect de la loi. Et ces activités sont légales. Les interdire est un faute grave qui aura de lourdes conséquences!!!

    • Kimi dit :

      Pardon!

      « Ses activités.. » (…) unE faute grave… lol

    • Nkembo dit :

      @ Kimi,
      Très bonne analyse. En effet les actions de la conasysed sont financées par Mr Jean Ping
      En réalité,leur but,c’est de faire chuter Ali au profit de leur championnat. Même si le gouvernement parvenait à satisfaire leurs revendications,il ne reprendront jamais le travail,et revendiqueront la prime d’habillement. La conasysed refuse de reconnaître le droit de travail des non grévistes. Parviendront-ils à faire chuter Ali? Je doute fort. Je milite pour la suspension de solde des politico grévistes.

  8. LeGambanais dit :

    L’interdiction n’est pas la bonne solution. Elle tend plutôt à durcir les positions.

    Je le dis et le répète, mes enfants sont dans les écoles de la République et j’ai besoin qu’une solution soit trouvée.

    Il n’est pas trop tard pour relancer la machine car si je me rappelle bien, il fut une année ou la fin de l’année scolaire avait été fixée à Août et reprise de l’année suivante quelques semaines plus tard. Donc oui il y a encore un peu de temps pour se remettre autour d’une table et de régler cette histoire, pour enfin reprendre les cours dans sérénité.

    Mais bon, est-ce que ce gouvernement sait faire autre chose que la force ?

  9. jean -jacques dit :

    Ce type finira para croquer ce microphone quand ton salaire sera purement coupé d’ici peu.continu de crier c’est une question des jours.

  10. jean -jacques dit :

    En regardant la bouille de ce gang, on sent que c’est le genre de mauvais enseigant qui prend d’abord 4 le moussongou dans une boite de guizoz à Rio pour venir se defouler sur les pauvres éleves.

  11. lepositif dit :

    Certains enseignants (qui ne le sont que de nom comme ce vieux barbu la- je ne sais pas s’il se souvient de la dernière fois qu’il a donné un cours) ont fait du syndicalisme un travail a temps plein et règlent leurs problèmes politiques en prenant en otage nos enfants. Les seuls revendications qui leur tiennent a coeur c’est l’argent.

  12. remontada dit :

    Mon dieu faut payer un BIC a ce type

  13. Nkembo dit :

    Du côté de la fonction publique,on fait état de plusieurs faux diplômes chez les enseignants pourtant déjà intégrés. Si c’est prouvé,je crois qu’il serait souhaitable qu’une enquête soit ouverte au niveau de la direction de recrutement. C’est facile de faire des déclarations mais nous voulons la lumière.

    • Mboung dit :

      Les séides orchestrent crapuleusement toutes sortes de manigances, de fausses accusations espérant exploiter la moindre occasion de faire taire quiconque ne pense pas comme eux Malgré les indignations du peuple, le régime continue à faire la sourde oreille et n’affiche aucun état d’âme face aux souffrances et aux maux qui gangrènent le quotidien des valeureux citoyens Gabonais La dernière trouvaille : « les faux diplômés » Moi je pense que ca couvrira le déficit (cullé de 7ans sept !) en classes et en tables bancs !! Bravo !

      L’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde. Madiba

  14. jean -jacques dit :

    cher internaute lepositif, ce que tu dis la est vrai quel cours celui encore dispensé depuis l’operation des fonctionaires fantomes que ex puissant ministre des finance Emile ndumba avait lancé pour demasquer les fonctionaires fantomes. j’aurais souhaité qu’Aloi lui fait encore revenir pour l’aider à renvoyer ceux qui refusent la retarite, et poursuivre tous les voleurs de l’argent des fetes tournanates.

  15. Apollin Difouta dit :

    Ils ont voulu s’accrocher au pouvoir. Qu’ils en assument les conséquences. Leur entêtement va les perdre.Un gouvernement de clowns dirigé par un manchot.

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