Expert mondial de l’éducation et de la culture, professeur titulaire de philosophie, Bonaventure Mvé Ondo livre ici une réflexion sur une nouvelle manière de gouverner qui permette aux décideurs de mieux aligner leurs contraintes sur les attentes des populations. Auteur de plusieurs articles et ouvrages traitant du rapport entre sciences, éducation et développement de l’Afrique, il recommande la construction d’un espace moderne de dialogue et de concertation autour des plateformes numériques participatives.

Expert mondial de l’éducation et de la culture, professeur titulaire de philosophie, Bonaventure Mvé Ondo. © lepoint.fr

 

Comment asseoir une nouvelle manière de gouverner qui permette aux décideurs de mieux aligner leurs contraintes sur les attentes des populations ? Les pays africains, quels qu’ils soient, ont mal dans leur gouvernance. Ils pêchent par leur difficulté à instaurer des formes et des espaces de dialogue au service de l’intérêt général et de leur développement.

Avec les contestations, les conflits de toutes sortes et surtout le sentiment de plus en plus grandissant de n’être pas écoutées par leurs dirigeants, ressenti par les populations, l’insatisfaction des populations s’est généralisée. A tel point que certains, nostalgiques de la période coloniale, appellent à la «fin des indépendances» et au retour des «Blancs» à la gestion de la chose publique. C’est dire combien la question d’une «meilleure gouvernance», est devenue un problème majeur dans un continent en mutation désormais caractérisé par la fragilité de ses sociétés et de ses États.

Il est donc plus qu’urgent de réfléchir sur ce concept mou et multiforme de Gouvernance. De même, il faut désormais rechercher la méthode idéale pour mettre en perspective les projets et défis communs, en s’appuyant sur les réalités locales tout en tenant compte des exigences de l’universalité. Ainsi, disposer d’un outil et d’un espace moderne de dialogue, seul porteur d’échanges et de convergences entre les décideurs et leurs populations est devenu une nécessité incontournable. En d’autres termes, il faut créer un cadre qui permette de refonder et d’articuler, dans ces États et sociétés, la gouvernabilité et la gouvernementalité.

Dans un système social déstructuré, l’urgence est d’articuler la gouvernabilité et la gouvernementalité : d’amener les décideurs à assurer l’intégration du collectif et du singulier, et à garantir une gestion efficace de la population. Cela suppose de déconstruire le concept d’État, et de le rendre explicite en précisant qu’il s’est construit comme substitut des chefferies «traditionnelles» et du mode de gouvernance du commandant de cercle.

Dans des sociétés en mutation souvent caractérisées par un dialogue social bloqué, l’État ne peut plus simplement imposer sa politique, ses choix économiques, sociaux et éducatifs, «disposer des hommes et des choses», et les gérer de haut en bas, encore moins inculquer certaines normes et valeurs. Il doit travailler à la rencontre des intérêts des uns et des besoins des autres, gérer leurs relations de façon à les conduire à des objectifs acceptables pour le plus grand nombre.

Or, la construction d’un espace moderne de dialogue et de concertation doit s’appuyer sur la connaissance scientifique des sociétés pour emporter la confiance des populations. Cet espace, doit permettre de restaurer la confiance entre les différents acteurs, de réduire les incertitudes et les incompréhensions dans les relations économiques, sociales et politiques.

Interfaces consultatives innovantes, les plateformes numériques participatives, développées par les start-up CIVOCRACY, E-Gov, STIG, Fluicity, Bluenove et autres Aggloforum, sont le visage de la gouvernance moderne. Reformatées pour prendre en compte la nature et la complexité des sociétés africaines en garantissant la sécurisation des échanges et demandes, ces plateformes numériques participatives seraient l’outil parfait pour optimiser l’efficacité de l’administration publique.

Avec de tels progiciels, les décideurs modernes mettraient à leur profit les concepts de «Tech for Good», de «Civic Tech», de «territoires intelligents» pour utiliser, à large échelle, les intelligences individuelles, dégager des résultats collectifs, améliorer la gestion de l’administration, puis maximiser la diffusion. Il s’agit désormais de s’inscrire dans une démarche de compréhension et d’anticipation des dynamiques sociétales. Ces nouveaux outils de dialogue développent une méthodologie de débat efficace qui anime la réflexion collective pour produire un «raisonnement» intégrant l’ensemble des idées, des analyses et des propositions. De tels outils, bien assumés, pourraient offrir une opportunité historique aux dirigeants africains visionnaires, désireux de faire le saut qualitatif en matière de gouvernance, de s’inscrire résolument dans la modernité.

Par Bonaventure Mvé Ondo*

* Bonaventure Mvé Ondo est Expert mondial de l’éducation et de la culture, Professeur titulaire de philosophie, Bonaventure Mvé Ondo a dirigé l’Agence Universitaire de la Francophonie. Il est notamment à l’origine des Campus Numériques Francophones, de l’Institut Panafricain de la Gouvernance Universitaire ou encore du World Innovation Summit for Education du Qatar. Honoré dans de nombreux pays (Légion d’honneur, Arts et des lettres en France), il a signé plusieurs articles et ouvrages traitant du rapport entre sciences, éducation et développement de l’Afrique.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Ari dit :

    Malheureusement les lumieres comme le professeur Bonaventure Mve Ondo ne sont pas prises en consideration par nos dirigeants. Ils n’ont pas encore compris les mutations que traverse notre societe (le monde): l’integration des NTIC dans les interactions gouvernants-gouvernes est un fait ineluctable. Dans le cas du Gabon par exemple, les revendications des gabonais de la diaspora a travers leurs lives, ou les reactions/suggestions des lecteurs de journaux en ligne nous le rappellent chaque jour.

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