Par Amir Ben Yahmed, Président du Africa CEO Forum

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Amir Ben Yahmed, Président du Africa CEO Forum, par ailleurs Directeur général du groupe Jeune Afrique. © D.R.

Le capitalisme n’a plus de système rival. En Afrique à tout le moins, s’il existe une compétition idéologique quant au modèle économique gagnant, elle se joue en son sein, entre un capitalisme dit “libéral”, représenté par les Etats-Unis, et un autre dit “dirigiste”, représenté par la Chine. Une bataille encore loin d’avoir livré son verdict.

Pourtant, ces deux formes de capitalisme souffrent des mêmes maux : une croissance continue des inégalités en leur sein et un modèle de consommation qui épuise la planète. Notre continent connaît déjà bien les ravages de ces deux écueils. Il est à la fois le continent le plus inégalitaire (8 des 10 pays avec le coefficient de Gini le plus élevé sont Africains selon la Banque mondiale) et celui où les conséquences du changement climatique sont les plus menaçantes (selon l’ONU, la hausse des températures en Afrique sera supérieure à l’augmentation moyenne mondiale).

Une alternative existe pourtant. Elle se construit, progressivement, un peu partout à travers le monde. Certains commentateurs la surnomment “capitalisme pour le bien commun”. Des petites et grandes entreprises et jusqu’à de nombreuses multinationales oeuvrent à ce nouvel horizon. Leur raisonnement peut se résumer ainsi : la croissance des inégalités, l’émergence du risque climatique, les révolutions technologiques et la résurgence du protectionnisme remettent radicalement en cause l’idée d’un capitalisme uniquement tourné vers la maximisation du profit. Le secteur privé africain ne peut ignorer ce mouvement. Il doit en intégrer la nécessité et en saisir l’opportunité.

La nécessité, c’est celle de la pérennité de ses activités et de la durabilité de ses actions. L’accroissement des inégalités, la stagnation en nombre des classes moyennes, la faiblesse de l’emploi qualifié couplé à la prise de pouvoir du consommateur à travers les réseaux sociaux constituent autant de risques létaux pour les entreprises. Ces dernières années, au Maroc, au Sénégal ou au Cameroun, des campagnes de boycott virales et dévastatrices, portées par l’injustice sociale et la question centrale du pouvoir d’achat, sont parvenues à faire plier des multinationales bien installées. Quant au changement climatique, il pourrait, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), faire perdre entre 2 et 4 points de PIB à l’Afrique d’ici 2040 et de 10 à 25 points d’ici 2100.

Les opportunités, elles, sont multiples. La quatrième révolution industrielle, de l’intelligence artificielle à la blockchain, offre des outils inédits qui permettent la conception de business¬model nouveaux plus respectueux de l’environnement et plus inclusifs. Déjà, de nombreuses jeunes pousses africaines et des entrepreneurs sociaux, un peu partout sur le continent, rivalisent d’ingéniosité pour combler les retards administratifs et infrastructurels qui restreignent le développement africain. Dans la santé, des start-up réinventent la gestion des médicaments (mPharma, Ghana) ou la prise de rendez-vous médicaux (Vezeeta, Egypte), dans l’agribusiness, la mise en relation entre agriculteurs et négociants (Twiga Foods, Kenya), dans la logistique, l’intermédiation entre transporteurs et commerçants (Kobo360, Nigeria).

Les opportunités, ce sont aussi l’essor ultra-rapide des énergies renouvelables (ENR) sur le continent. En une dizaine d’années, elles sont devenues financièrement compétitives au point de briser la domination des énergies fossiles. Une tendance qui devrait encore s’amplifier avec les annonces régulières de pays, de fonds d’investissement et d’organisations multilatérales qui s’interdisent un à un le financement de projets à base d’énergies fossiles.

Les entreprises africaines ont un rôle crucial à jouer dans cette marche nouvelle vers le progrès. Dans un continent où les États manquent cruellement de ressources pour accomplir leur devoir auprès de leurs citoyens, le secteur privé doit prendre le leadership de ce mouvement, dans son intérêt propre et celui du plus grand nombre. Pour la première fois, il a l’occasion de jouer, seul, un rôle transformationnel majeur. A travers lui, une occasion inédite est donnée à l’Afrique d’avancer à pas de géant (leapfrogging) et d’impacter non seulement elle-même mais le monde.

Pour toutes ces raisons, les 9 et 10 mars prochains à Abidjan, l’Africa CEO Forum, plus grand rassemblement annuel du secteur privé africain, a choisi de consacrer sa huitième édition à cette nouvelle ambition. Au travers du thème « Capitalisme et bien commun : un nouvel horizon pour le secteur privé africain », il se veut à la fois éveilleur de conscience du secteur privé et porte-voix de ses besoins et revendications auprès des grandes institutions qui constituent son environnement. Pour un capitalisme africain véritablement au profit des Africains.

 
GR
 

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