Le Gabon a beau afficher une croissance de 2,9 % en 2024, plus d’un tiers de sa population vit toujours dans la pauvreté. Dans sa ‘Note de conjoncture économique’ publiée le mois dernier, la Banque mondiale dévoile les dessous d’un modèle qui progresse sans inclure, investit sans redistribuer, et bâtit sans élever. Radiographie d’un pays qui grandit sans ses enfants, un pays où la courbe du PIB grimpe, pendant que celle du destin collectif stagne.

Croissance : +2,9% – Pauvreté : 34,6% des Gabonais. Le Gabon est un navire qui avance vite… mais oublie ses passagers sur le quai. © GabonReview

 

Le paradoxe gabonais est cruel : les chiffres sont bons, la réalité l’est moins. «La croissance modeste du Gabon depuis la pandémie de Covid, de 2,0 % en moyenne entre 2019 et 2024, n’a pas créé suffisamment d’emplois pour la population jeune», note la Banque mondiale. Cette jeunesse, qui frappe à la porte du marché du travail sans y être attendue, compose l’essentiel des 20 % de chômeurs. L’essence même de la croissance – transformer l’élan en espoir – se dilue dans un modèle économique trop concentré sur le pétrole et les mines, deux secteurs à forte intensité de capital mais à faible intensité humaine.

Résultat : 34,6 % des Gabonais vivent sous le seuil de pauvreté, avec moins de 6,85 USD (environ 4 110 francs CFA) par jour en parité de pouvoir d’achat. Derrière les chiffres, des visages : celui de l’infirmière sous-payée, du diplômé sans emploi, du vendeur de rues sans avenir.

L’indifférence budgétaire au sort des plus fragiles

La pauvreté ne recule pas, elle s’installe. Et l’État regarde ailleurs. «Le budget alloué aux dépenses sociales n’a cessé de diminuer depuis 2020, ne représentant que 18,2 % du budget révisé pour 2024», souligne le rapport. Ce rétrécissement de l’ambition sociale se double d’une gestion inefficace des ressources : lenteur dans les marchés publics, faiblesses dans la planification, gaspillage dans l’allocation. Pendant ce temps, l’éducation stagne, la santé peine, et les plus vulnérables tombent dans les interstices d’un filet social effiloché.

Même le capital humain, clef de voûte du développement, semble sacrifié. «Les indicateurs clés en matière d’éducation et de santé sont restés inférieurs à ceux des pays ayant des revenus similaires», lit-on encore dans la note de conjoncture économique de l’institution de Bretton Woods. À ce rythme, l’avenir du pays risque de se jouer sans les Gabonais eux-mêmes.

Un pays riche qui s’appauvrit par habitant

C’est sans doute le constat le plus glaçant : «Le Gabon fait partie d’un groupe réduit de pays qui ont connu à la fois une croissance négative du PIB par habitant et un déclin de la richesse par habitant entre 1995 et 2020.» Autrement dit, plus le pays s’enrichit en bloc, plus chaque Gabonais, lui, s’appauvrit. La croissance ne ruisselle pas : elle s’évapore dans les hautes sphères, se détourne dans les sables de la mauvaise gouvernance, ou s’effondre sous le poids de l’inefficacité.

L’enjeu dépasse la simple conjoncture : il est existentiel. Sans réformes structurelles pour reconnecter croissance et inclusion, le Gabon risque de poursuivre sa route comme un navire qui avance vite… mais oublie ses passagers sur le quai.

 
GR
 

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