Portée par le souffle présidentiel et le vide laissé par ses concurrents, l’Union démocratique des Bâtisseurs (UDB) avance à pas assurés vers une domination électorale annoncée. Mais dans l’ombre de cette mécanique bien huilée, une opposition plus radicale, incarnée notamment par Ensemble Pour le Gabon d’Alain-Claude Bilie-By-Nze, s’organise et défie ouvertement l’ordre nouveau. À l’approche des législatives et locales, le pays entre dans une bataille de légitimités, entre refondation proclamée, rivalités assourdies et démocraties à éprouver.

À force d’agréger sans trier, l’UDB risque de devenir une coquille partisane : forte en surface, creuse en profondeur.© Facebook

 

À peine née, l’Union démocratique des Bâtisseurs (UDB) s’est déjà imposée comme l’épine dorsale du pouvoir d’Oligui Nguema. Officiellement fondée le 5 juillet 2025, elle s’érige en moteur institutionnel du régime, condensant ambitions électorales, légitimité transitionnelle et recentrage autoritaire. Adossée à l’appareil d’État, dotée d’un socle administratif réactif, de relais locaux réactivés, et d’un discours de refondation habilement calibré, elle avance sur le paysage politique tel un rouleau stratégique, déterminée à rafler la majorité aux législatives et aux locales de septembre.

Mais cette montée en puissance n’est pas seulement une affaire d’organisation : elle traduit aussi une volonté de verrouillage du pouvoir dans un contexte d’affaissement brutal des forces concurrentes. Car plus qu’un parti, l’UDB semble vouloir incarner l’ossature d’un nouveau régime, et peut-être, d’une nouvelle orthodoxie politique.

Une opposition en décomposition… et une autre en construction

La force de l’UDB tient autant à sa dynamique interne qu’à la désintégration accélérée de l’existant. Le Parti démocratique gabonais (PDG), ex-totem du pouvoir Bongo, n’est plus que l’ombre de lui-même : paralysé par des querelles de légitimité, déchiré entre caciques sans boussole et jeunes ambitieux sans cap, et alourdi par l’héritage d’un système discrédité, il s’effondre par une quasi inertie.

De son côté, le parti REAGIR, autrefois incarnation de l’élan pré-putsch, s’est dilué dans les cercles du pouvoir transitoire, trahi par le confort institutionnel et une neutralisation par une absorption qui ne dit pas son nom..

Quant à l’Union nationale (UN), pilier de l’opposition historique, elle tente un retour méthodique mais laborieux. Redynamisée par une nouvelle génération plus sociale-démocrate que protestataire, elle investit les débats publics sur les réformes institutionnelles, la justice transitionnelle, l’égal accès aux médias. Pourtant, son influence reste contenue, faute de maillage électoral fort et de discours percutant.

Mais c’est Ensemble Pour le Gabon (EPG), dirigé par Alain-Claude Bilie-By-Nze, qui redistribue désormais les lignes de fracture. En rupture totale avec le pouvoir militaire, EPG incarne une opposition frontale, combative, déterminée à contester l’emprise présidentielle. Refusant tout compromis, dénonçant l’«autoritarisme en uniforme», Bilie-By-Nze fait de son exil volotaire du système un levier politique. Appuyé par une base militante jeune, formée à la communication numérique, et une rhétorique aguerrie, il tente de mobiliser l’électorat urbain, lassé des recompositions de façade. Sa posture n’est pas sans risque : en se positionnant en contre-pouvoir radical, EPG s’expose à la marginalisation institutionnelle… mais gagne en lisibilité et en cohérence stratégique.

Entre ambition électorale et flou doctrinal, l’UDB à l’épreuve du réel

Pour l’UDB, la campagne à venir est bien plus qu’un simple test électoral : c’est une épreuve de crédibilité. Investir les institutions, oui – mais au nom de quelle vision ? Pour l’heure, le parti gravite encore dans l’orbite du charisme présidentiel, sans doctrine claire ni boussole idéologique. Loin d’un projet structuré, il repose sur une accumulation d’adhésions tactiques, de recyclages silencieux et de fidélités opportunistes.

Est-il l’instrument provisoire d’un pouvoir en plein enracinement ou le ferment d’une nouvelle culture politique ? À force d’agréger sans trier, l’UDB risque de devenir une coquille partisane : forte en surface, creuse en profondeur. Si elle ne clarifie pas ses valeurs, sa discipline interne et son rapport au pluralisme, elle pourrait incarner, non la refondation promise, mais la reconduction masquée d’une hégémonie néo-conservatrice.

Face à elle, EPG joue la rupture, l’UN la décence, le PDG l’agonie. Le champ reste ouvert. Mais c’est peut-être dans la capacité de l’UDB à accepter le débat, la contradiction, et la diversité – en son sein comme à l’extérieur – que se jouera l’avenir politique du pays. La post-transition aura alors un sens. Sinon, elle ne sera qu’une reconfiguration esthétique d’un pouvoir centralisé.

 
GR
 

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