À la lisière de la barrière de l’Assemblée nationale se joue un drame social inédit. Déguerpis dans la foulée des casses du quartier Plaine-Orety et alentours, plusieurs familles n’ont toujours pas où se reloger et encore moins des indemnisations. Dans des abris de fortune ressemblant à des ruines d’une ancienne décharge publique, des pères et mères de famille, abandonnés, s’y entassent, espérant une petite attention du gouvernement face à leur drame. Chose vue et entendue au lieu-dit Derrière-l’Assemblée nationale.

Quelques déguerpis assis devant leurs abris précaires et dégradés, construits à la hâte et avec des matériaux de récupération. © GabonReview

 

Si tout semble avoir été mis en œuvre pour trouver des solutions de rechange, voire de dédommagement ou indemnisation aux familles impactées par les déguerpissements et les destructions des maisons de Plaine Orety et de Derrière l’Assemblée nationale, le bout du tunnel n’est visiblement pas pour demain. A moins de 100 mètres du Boulevard triomphal, dans la rue longeant la Maison du peuple, menant vers l’ancienne maison de Mack Joss, loin des regards, se dressent des abris de fortune faits de matériels usagés, vieillis et hétéroclites.

Sans abris, sans aucune aide et aucune attention de la force publique

Ces cases, érigées avec des matériaux de récupération, hébergent des familles dont les maisons ont été détruites. Depuis plus de deux mois, en effet, le gouvernement a entrepris de démolir les bâtisses construites sur les zones déclarées d’utilité publique. Mais, depuis cette date, des familles entières sont sans abris, sans aucune aide et aucune attention de la force publique.

Au passage des usagers dont les véhicules slaloment sur les crevasses de la route au niveau du carrefour  Mack Joss, c’est la stupéfaction totale. Ils découvrent, pour la majorité, surprise, un univers donnant froid au dos. Au bord de cette rue, adossée à la barrière de ce qui sera l’annexe du Palais Léon Mba, et un peu plus loin en allant vers le quartier Pompidou, de minuscules abris précaires et dégradés, construits à la hâte et avec des matériaux de récupération par ces personnes en situation de grande précarité. Des structures fragiles, montées à la va-vite avec de vieux sachets plastiques, de vieilles tôles, des planches et des lattes déconfites récupérées sur leur ancienne demeure.

Pas de latrines ni de sanitaires. De l’eau potable, ils en ont, expliquent-ils, parce que plusieurs tuyauteries alimentant des bâtiments détruits continuent de se déverser dans la nature. Pour leur besoin naturel, ils racontent qu’ils se retiennent toute la journée et ne vont dans un coin de la broussaille avoisinante ou chez un bienfaiteur que de nuit tombée. Même scénario pour se doucher, raconte une victime de cette situation.

«La rentrée scolaire approche. Que vont devenir nos enfants ?»

Clichés de l’ancien Carrefour Mack joss où sont érigés les abris de fortune. © GabonReview

Face à ce qu’ils considèrent comme une injustice,  Elie Pambou, père de famille, et les autres occupants de cet endroit à la limite du lugubre, dont les enfants sont désormais éparpillés entre les parents et les connaissances, dénoncent une erreur qui leur coûte cher aujourd’hui. «On a déposé les dossiers à la Vice-présidence, il n’y a pas de suite. La rentrée scolaire approche. Que vont devenir nos enfants? Qu’allons-nous devenir? Nous dormons à la belle étoile. Les enfants sont éparpillés dans la ville», a-t-il fait savoir, relevant qu’aucune autorité, aucun ministre, «même les députés qui sont à un micron près» de chez eux ne sont pas venus les rencontrer. 

«On nous a vraisemblablement cassés par erreur. Mais depuis lors, nous avons écrit à toutes les autorités du pays, sans suite», a insisté pour sa part l’un des occupants sous anonymat. «On dort depuis plus de deux mois à la belle étoile. On attend, on espère que le gouvernement, que les autorités vont agir, notamment parce que la rentrée des classes est pour bientôt. Mais il n’y a toujours aucune réponse à nos courriers, à nos sollicitations, à nos préoccupations», s’est désolé le père de famille.

«Traités comme si nous n’étions pas Gabonais»

Lors d’une déclaration de presse dans la journée du 13 août, après le passage des reporters de GabonReview, les personnes victimes de cette situation ont dénoncé «des destructions par erreur» et réclament des indemnisations immédiates.

Pour le président du collectif du Carrefour Mackjoss, Brice Aboghe, leur zone «ne figurait pas sur la liste officielle des sites concernés par le projet gouvernemental» et n’avait jamais été recensée, numérotée ni indemnisée. «Nous avons déposé tous les documents nécessaires, mais près de trois mois après, rien n’a bougé. Pendant ce temps, nos enfants risquent de ne pas faire leur rentrée scolaire», a-t-il déploré.

Sur ce lieu de fortune, les sinistrés vivent  dans la poussière, avec la crainte en attendant la pluie. Et ce, «sans soutien social ni solution de relogement». Ce qui les amène à interpeller les autorités du pays, notamment à la veille de la célébration de la fête nationale, le 17 août, mais aussi de la célébration du Coup de libération, le 30 août. «Nous sommes traités comme si nous n’étions pas Gabonais, alors que la Constitution, dans son article 20, prévoit une indemnisation pour toute expropriation», ont-ils adressé à l’endroit des autorités.

 
GR
 

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