À Libreville, la capitale gabonaise, la chronique est alimentée depuis une semaine par les déguerpissements et les destructions des maisons au quartier Plaine-Orety et Derrière l’Assemblée, derrière l’Ambassade de Russie et de Chine. Sur ces zones, c’est désormais le chaos et les anciens habitants veulent voir clair dans cette affaire. À travers une déclaration, le 9 juin, ils ont exigé la «suspension immédiate de tout déguerpissement sans relogement préalable, la mise en place d’une commission d’enquête indépendante, la publication de toutes les listes d’indemnisations, le relogement d’urgence des familles déguerpies dans des conditions humaines et l’indemnisation intégrale des pertes».   

Le champ de ruine après le passage des engins du Génie militaire et la destruction des maisons. © D.R.

 

Désemparées et ne sachant à quel saint se vouer, les victimes des déguerpissements et des casses de Plaine-Orety, de Derrière l’Assemblée, derrière l’Ambassade de Chine et de Russie, ont fait une déclaration, le 9 juin. Installés, pour la plus grande partie, au bord du boulevard Triomphal à merci des intempéries, ils ont organisé une rencontre avec les médias afin de relever les zones d’ombre dans cette opération participant de la mise en œuvre du projet de construction du boulevard de la Transition, de la cité administrative et du bassin versant Sainte-Marie-Awondault. 

«Si ces indemnisations sont réelles, qu’ils sortent les listes ! Qu’on publie les noms, les montants, les procédures !»

Alors que la polémique enfle sur cette opération à l’issue de laquelle de nombreuses familles sont désormais à la belle étoile après le passage des engins du Génie militaire, les concernés, anciens résidents de ces quartiers, ont rappelé qu’ils ont été «jetés à la rue sans préavis, sans relogement, sans justice». Ils ont donc pris la parole «pour rétablir la vérité, exiger réparation et appeler à un débat contradictoire public face aux autorités».

«Le 4 juin à l’aube, nos maisons ont été détruites comme de vulgaires abris de fortune, alors qu’elles abritaient, depuis des années, familles, enfants, anciens combattants, fonctionnaires et citoyens paisibles. Aucun respect des droits humains, aucun accompagnement social, aucune compassion», ont-ils dénoncé.

Les infortunés, regroupés en collectif, s’offusquent en outre du fait que le gouvernement affirme qu’ils aient été indemnisés. Pour eux, «si ces indemnisations sont réelles, qu’ils sortent les listes !». «Qu’on publie les noms, les montants, les procédures !», ont-ils ajouté. 

«Une attaque contre la propriété privée, une humiliation collective»

Le collectif des anciens habitants de ces zones déguerpies, le 9 juin 2025, à Libreville face à la presse. © D.R.

Indiquant n’avoir rien reçu en termes d’indemnisation, ces habitants déguerpis réclament les preuves et non des déclarations à la télévision. En effet, le ministre de l’Habitat, Ludovic Megne, intervenant sur un plateau spécial sur la télévision nationale, a laissé entendre que les victimes de cette opération avaient déjà été indemnisées. Ce que réfutent ces derniers qui assurent avoir vécu sur ces parcelles depuis des décennies et en toute transparence. «Nos constructions étaient visibles, stables, encadrées par l’organisation administrative de l’État», indiquent-ils, ajoutant même qu’«un chef de quartier y est installé, reconnu et payé par les autorités», ainsi que des bureaux de vote y sont également installés à chaque élection. Les déguerpis soulignent, dans la même veine, que des factures d’eau, d’électricité et des taxes locales y sont prélevées et que «certains habitants ont des documents fonciers».

Pour eux, «ce qui s’est passé est plus qu’un déguerpissement : c’est une violation des droits constitutionnels, une attaque contre la propriété privée, et une humiliation collective». Ce qui les amène à demander un débat contradictoire public et en direct, avec le ministre des Travaux publics, celui de l’Habitat et la directrice générale de l’Agence nationale de l’urbanisme, des travaux topographiques et du cadastre (ANUTTC). 

Des «concitoyens» et non «des adversaires du progrès»

Indiquant ne pas demander la charité, mais plutôt la justice, ces déguerpis sollicitent «la suspension immédiate de tout déguerpissement sans relogement préalable, la mise en place d’une commission d’enquête indépendante, la publication de toutes les listes d’indemnisations, le relogement d’urgence des familles déguerpies dans des conditions humaines, l’indemnisation intégrale des pertes, la révision de la politique urbaine, pour la rendre inclusive, équitable et respectueuse des populations».

S’adressant à l’Exécutif et particulièrement au président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema, ils font savoir qu’ils sont des «concitoyens» et non «des adversaires du progrès». «Nous voulons bâtir, pas mendier. Mais nous refusons d’être effacés comme des ombres. Notre combat est pacifique et nos revendications sont justes», ont-ils insisté.

 

 
GR
 

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