Drépanocytose au Gabon : une urgence silencieuse à prendre en charge

Chaque 19 juin, le Gabon se joint à la communauté internationale pour célébrer la Journée mondiale de la drépanocytose. Maladie génétique grave et douloureuse, elle touche une large partie de la population gabonaise, en particulier les enfants. Pourtant, malgré son impact, elle reste encore marginalisée dans les priorités de santé publique. Médecins et acteurs de terrain appellent à une mobilisation urgente pour améliorer la prévention, le dépistage et la prise en charge.

Prélèvement d’un drépanocytaire pour des examens médicaux. © D.R.
Le Gabon, à l’instar de la communauté internationale, célèbre chaque 19 juin la Journée mondiale de la drépanocytose. Cette journée vise à informer, sensibiliser le grand public et surtout soutenir les personnes touchées par cette maladie génétique du sang. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé le VIH comme priorité de santé publique depuis 2008. Cependant, ce fléau n’est pas suffisamment pris en compte dans de nombreux pays africains, dont le Gabon.
Une maladie douloureuse et méconnue
La drépanocytose se manifeste sous plusieurs formes, principalement par des crises douloureuses. La Dre Aline Ondo épse Mintsa, responsable de la prise en charge des patients drépanocytaires à la clinique Jean François Ondo, explique :
«Quand le patient est en crise, le tableau clinique est marqué par des douleurs articulaires comparables à celles ressenties par une femme en travail. Certains patients évoquent même une sensation de mort imminente. Les crises peuvent aussi débuter par des maux de tête ou des douleurs à la poitrine, cette dernière étant particulièrement dangereuse, car associée à un fort taux de mortalité si elle n’est pas rapidement prise en charge».
Une maladie héréditaire évitable
La drépanocytose est une maladie génétique héréditaire qui affecte l’hémoglobine. Au Gabon, environ 25 % de la population est porteuse du trait drépanocytaire (AS), ce qui signifie qu’un Gabonais sur quatre possède le gène de la maladie.
Malgré cette prévalence, la maladie continue de faire de nombreuses victimes, en particulier chez les enfants. Le taux de mortalité est particulièrement élevé chez les enfants de 0 à 5 ans, parfois en raison d’une négligence parentale évitable : «En tant que parents ou futur parents, nous devrions connaître notre statut électrophorétique, afin d’éviter de découvrir, trop tard, que notre enfant est atteint de drépanocytose», insiste le Dr Ondo.
Un plaidoyer pour un programme national
La spécialiste tire la sonnette d’alarme sur l’absence d’un cadre institutionnel dédié : «Cela fait des années que nous demandons la mise en place d’un centre national de prise en charge de la drépanocytose. Malheureusement, ce cri d’alarme reste sans réponse. Les patients souffrent encore dans des structures inadaptées. Les centres spécialisés comme le nôtre devraient bénéficier d’un soutien de l’État».
À ce jour, le Gabon ne dispose pas d’un programme national dédié à la drépanocytose, contrairement à d’autres maladies, comme le VIH ou le paludisme. Un manque que le Dr Ondo déplore vivement : «La drépanocytose est une maladie bien connue dans le monde. Il est temps qu’elle soit également reconnue comme priorité de santé publique au Gabon».
Des progrès, mais encore des défis
Grâce aux efforts de certains centres spécialisés, la prise en charge des patients s’améliore. De plus en plus d’enfants atteints survivent aujourd’hui au-delà de 18 ans, ce qui n’était pas le cas auparavant. Toutefois, sans un engagement fort des autorités et une meilleure sensibilisation de la population, les avancées resteront limitées.

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