La fin chaotique du partenariat entre Ebomaf et la CNNII a révélé l’ampleur de la décomposition d’une compagnie publique à bout de souffle. Mais loin de se retirer, le groupe burkinabè a choisi de rebondir : aux Acaé, à Libreville, il érige son propre quai, symbole d’une audace privée face aux échecs répétés de l’État.

Loin de se retirer du maritime après la rupture avec la CNNII, Ebomaf a choisi de rebondir : aux Acaé, à Libreville, il érige son propre quai, symbole d’une audace privée face aux échecs répétés de l’État. © GabonReview

 

La rupture entre la Compagnie nationale de navigation intérieure et internationale (CNNII) et le groupe burkinabè Ebomaf aurait pu s’interpréter comme un désengagement. Elle révèle au contraire l’ampleur du gouffre dans lequel se trouvait la compagnie publique et la capacité d’un opérateur privé africain à se réinventer. Aujourd’hui, Ebomaf n’a pas quitté la mer : il est en train de bâtir son propre quai aux Acaé, entre le port de la CNNII et l’hôtel Boulevard, où remblais et palplanches dessinent déjà la silhouette d’un futur terminal autonome.

L’échec d’une concession impossible et l’audace d’un virage stratégique

Les travaux pour le futur quai d’Ebomaf au petit port d’Antarès aux Acae. © GabonReview

Lorsque Ebomaf s’est vu confier la CNNII en 2024, l’entreprise héritait d’un cadavre flottant : navires vétustes, incendies à répétition, grèves interminables, finances exsangues. La promesse de relance s’est heurtée à cette réalité délabrée et aux inerties d’un État incapable de mettre à disposition sites et infrastructures portuaires.

La concession a donc sombré dans l’impasse : la CNNII accusait Ebomaf de n’avoir pas tenu ses promesses financières, tandis que le groupe dénonçait l’impossibilité d’opérer dans un tel bourbier, surplombé par des jeux de pouvoir qui imposent des nominations, ne respectent pas le cadre légal des investissements tout en comportant des insinuations à la lisière de la xénophobie. Plus qu’un divorce, c’est l’échec d’une tentative de privatisation dans un secteur vital où l’État continue de traîner comme un boulet une société «morte-vivante».

Refusant de s’enliser dans les décombres de la CNNII, Ebomaf a choisi une autre voie : créer sa propre infrastructure. L’acquisition de parcelles stratégiques au petit port des Acaé, le battage des palplanches et le remblaiement en cours dessinent déjà un quai flambant neuf. Dans moins d’un an, prédit-on, un port moderne sortira de terre, fruit de capitaux privés africains, libéré des pesanteurs administratives et des dettes héritées d’une entreprise publique sinistrée. C’est une manière pour Ebomaf de sécuriser ses investissements tout en démontrant qu’il est possible, même en Afrique centrale, de penser l’avenir maritime hors du carcan étatique.

Le double visage pour le Gabon

Ce virage recèle une double vérité pour le pays. L’avantage est évident : le Gabon conserve un investisseur africain majeur, capable d’injecter des milliards dans la logistique, de moderniser les transports et de redonner une cohérence à sa façade maritime. Mais l’inconvénient est tout aussi patent : l’État reste prisonnier d’une compagnie publique déliquescente, qu’il continue de financer à perte. Le contribuable paiera salaires et charges d’une structure quasi fantomatique, tandis que le secteur privé avancera seul, traçant ses propres routes maritimes.

En définitive, Ebomaf transforme un naufrage en tremplin : là où la CNNII s’enlise, il construit pierre après pierre un port nouveau. L’échec de l’État devient, paradoxalement, la chance d’un opérateur privé.

 
GR
 

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