Elections 2025 : l’UDB en vitrine, le PDG en coulisses, les indépendants en arbitres

À la veille des premières législatives de la Vè République, le Gabon s’avance vers un scrutin paradoxal : le parti présidentiel, l’UDB, n’aligne que 120 candidats, tandis que le PDG, pourtant déchu avec la fin du régime Bongo, couvre les 145 circonscriptions. Plus troublant encore, dans le fief natal d’Oligui Nguema, c’est un candidat PDGiste (son propre cousin) qui portera les couleurs de la majorité. Entre rupture proclamée et continuité assumée, les élections de septembre révèlent un compromis silencieux qui redéfinit déjà l’équilibre du pouvoir.

La Ve République s’ouvre sous un paradoxe : l’UDB incarne le présent, mais le PDG conserve les racines du pouvoir. © GabonReview
Les élections législatives et locales des 27 septembre et 11 octobre 2025 sont attendues comme un moment fondateur de la Ve République. Elles ne trancheront pas tant la question de savoir qui gouvernera que celle de comprendre comment s’articule le pouvoir nouveau d’Oligui Nguema avec l’héritage de l’ancien système. À mesure que les candidatures se précisent, l’image qui se dessine est celle d’une majorité présidentielle plurielle, où l’Union Démocratique des Bâtisseurs (UDB) du président n’écrase pas, mais cohabite avec un Parti Démocratique Gabonais (PDG) toujours solidement implanté.
Ngouoni, symbole d’un compromis plus profond
Le fait le plus marquant de ces investitures réside à Ngouoni, ville natale du président. Dans ce fief symbolique, aucun candidat UDB n’a été aligné. Le seul en lice est un PDGiste, Jeannot Kalima, cousin d’Oligui Nguema. Le choix est lourd de sens : il dit moins une rupture avec l’ancien système qu’un partage tacite du pouvoir. Le PDG conserve la main dans le berceau du chef de l’État, comme pour signifier que l’ancien parti reste dépositaire d’une légitimité locale et d’une profondeur territoriale que l’UDB, nouveau venu, ne peut encore revendiquer.
Le Haut-Ogooué, longtemps présenté comme le «château fort» des Bongo, apparaît ainsi comme un laboratoire de la recomposition. Oligui y confirme son autorité nationale, mais accepte que l’infrastructure politique du PDG demeure le relais d’influence. La Ve République naît donc avec ce paradoxe : le président élu pour tourner la page fait alliance, même implicite, avec le vieux parti qu’il était censé supplanter.
L’UDB, vitrine présidentielle mais force inachevée
L’UDB aligne 120 candidats, soit moins que le PDG qui couvre les 145 circonscriptions. Ce chiffre relativise l’image d’une domination absolue. Certes, le parti présidentiel incarne la dynamique de renouveau, attire des transfuges comme Chantal Myboto Gondjout et Emmanuel Berre, et bénéficie du souffle de la transition. Mais son implantation reste partielle et sélective. L’UDB concentre ses forces sur les grands centres et sur des figures symboliques, laissant au PDG le soin de maintenir sa présence dans l’ensemble du pays.
Ce partage n’est pas anodin. Il révèle que l’UDB fonctionne davantage comme une vitrine politique, portée par la légitimité présidentielle, que comme une machine électorale autonome. Le PDG, de son côté, conserve sa fonction de structure territoriale, garantissant la couverture nationale et la continuité des réseaux. En pratique, les deux forment un attelage hybride, où la modernité proclamée par l’UDB s’appuie sur l’ancrage traditionnel du PDG.
Une opposition marginalisée, un parlement déjà écrit
L’opposition reste reléguée au second plan. Ensemble Pour le Gabon d’Alain-Claude Bilie-By-Nze, amputé de la majorité de ses candidatures, sera réduit à une présence symbolique. Les critiques contre un processus jugé biaisé n’effacent pas cette réalité : l’opposition classique n’a pas les moyens de peser. Quant aux menaces de boycott, elles paraissent davantage relever d’une protestation que d’une stratégie capable de modifier le cours des choses.
Les véritables variables d’ajustement se trouvent dans la centaine d’indépendants validés, dont vingt-deux soutenus par la Majorité bloquante. Ces candidatures pourront, dans certains cas, disputer des sièges à l’UDB ou au PDG, mais elles risquent surtout de se fondre, au second tour, dans l’orbite de la majorité présidentielle. Leur rôle sera celui d’arbitres locaux, parfois imprévisibles, mais rarement en mesure de renverser l’équilibre général.
Une majorité déjà assurée, mais un doute sur son identité
La victoire du camp présidentiel est acquise. Reste à savoir qui, du PDG ou de l’UDB, en sortira comme véritable moteur. Si l’UDB capitalise sur son aura présidentielle, le PDG dispose d’une capillarité et d’une discipline de terrain qui pourraient, in fine, lui donner un poids décisif dans la future majorité. L’enjeu n’est donc pas de savoir si Oligui gouvernera avec une majorité, mais de déterminer la couleur de cette majorité.
L’histoire retiendra peut-être que les premières législatives de la Ve République n’ont pas consacré la naissance d’un ordre nouveau, mais l’installation d’une coalition ambiguë où l’ancien et le nouveau cohabitent. L’UDB incarne la légitimité du présent, le PDG conserve les racines du passé. Entre les deux, le président joue l’équilibriste, bâtissant son autorité sur un compromis implicite qui traduit à la fois sa prudence et sa lucidité.

1 Commentaire
Cet article met en lumière une réalité qui n’a rien de rassurant : il révèle surtout un constat alarmant. Le Gabon ne s’est pas encore réveillé après plus de 60 ans de confiscation du pouvoir par une classe politique qui s’est accaparée l’État. En vérité, seuls les « udbistes » et les « pdgistes » qui vivent ou ont vécu des moyens publics ont intérêt à se battre pour préserver leurs privilèges. L’opposition, la société civile et une large partie des citoyens n’y trouvent aucun intérêt : pour eux, la politique reste un marigot verrouillé par les détenteurs du pouvoir et ses positions avantageuses.
Pourtant, il existe dans ce pays des hommes et des femmes qui ont les moyens financiers de soutenir des acteurs nouveaux, mais ils préfèrent se tenir à l’écart. La réalité est crue : la politique est laissée aux prédateurs qui l’utilisent comme outil de conquête et aux populations vulnérables dont la misère est exploitée à coups de bière et de cuisse de poulet. Les élites, qu’il s’agisse des intellectuels, des cadres ou des entrepreneurs, considèrent que « la politique n’est pas leur affaire ». Ils s’occupent de leur famille et de leur travail, mais se détournent de leur devoir citoyen. Sinon, comment expliquer que la société civile réunie autour de la Majorité bloquante n’ait pas les soutiens financiers suffisants pour présenter plus d’une vingtaine de candidats ?
Regardez du côté des salariés des compagnies pétrolières ou minières : bien rémunérés, ils participent très peu aux scrutins. Pour beaucoup de cadres, aller voter est devenu « l’affaire des pauvres ». Cette mentalité est dramatique : sans implication des forces vives, la démocratie gabonaise restera une façade.
Il serait salutaire que le président Oligui commande une étude sérieuse pour savoir qui vote au Gabon et pourquoi. Car sans ce sursaut, les mêmes mécanismes produiront les mêmes résultats. Le Gabon ne changera que lorsque ses enfants accepteront de s’approprier leur destin, lorsque ceux qui ont des moyens comprendront qu’ils doivent financer leurs partis et leaders politiques afin qu’ils soient libres, plutôt que de les laisser dépendre de l’État.
Oligui, êtes-vous capable de réveiller chez le Gabonais un véritable attachement à sa patrie ? Tant que nous aimerons le Gabon comme une « mère nourricière » qui nous doit tout, sans jamais rien lui devoir ou lui donner en retour, nous resterons condamnés à l’échec. Une nation ne peut grandir que si ses enfants la portent dans leur idéal, avec la volonté de la rendre digne, grande et respectée.
Les « ubistes » et les « pdgistes » se complaisent à voir les élites du pays leur abandonner le pays sans résistances pour leurs ambitions égoïstes. Ça fait pleurer de constater que la libération, la véritable, qui est celle des mentalités, n’est pas pour demain.