Sous couvert de patriotisme éducatif et d’une reconnaissance aux « héros » du 30 août 2023, l’EM Gabon-Université décide d’offrir une réduction de 30% sur les frais de scolarité… aux enfants des agents de la Présidence et des Forces de Défense et de Sécurité. Une faveur tombée du ciel pour les plus nantis, pendant que de jeunes Gabonais sans relations ni ressources abandonnent leurs rêves d’études. Geste altruiste ou renvoi d’ascenseur bien ficelé ?

Sous couvert de patriotisme éducatif et d’une reconnaissance aux « héros » du 30 août 2023, l’EM Gabon-Université décide d’offrir une réduction de 30% sur les frais de scolarité… aux enfants des agents de la Présidence et des Forces de Défense et de Sécurité. © D.R.

 

Voilà une décision qui a le mérite d’être claire : à l’EM Gabon-Université, la « restauration » du pays commence… par les portefeuilles déjà bien garnis. Dans une note administrative datée du 31 juillet 2025, signée par le président de ladite université, le Professeur Daniel Franck Idiata, par ailleurs Conseiller Spécial du Président de la République, il est fièrement annoncé qu’à partir de la rentrée 2025-2026, une réduction de 30% sur les frais de scolarité sera accordée aux ayants-droits des personnels de la Présidence de la République ainsi que des Forces de Défense et de Sécurité.

L’offre est généreuse, voire trop belle pour être honnête : des remises sur les trois cycles universitaires – Licence, Master, Doctorat – dans un établissement privé à la portée financière très relative pour le commun des Gabonais. Le tout, justifié par un élan de gratitude envers les « actions salvatrices » des corps de sécurité lors du coup d’Etat du 30 août 2023. Autrement dit, quand on sauve la patrie (ou le régime), on sauve aussi la caisse de scolarité de ses enfants.

Pendant ce temps, dans le reste du pays, des milliers de jeunes Gabonais sans bras longs, sans matricule présidentiel et encore moins de treillis militaire renoncent à l’enseignement supérieur, faute de bourses, d’aides, ou simplement de la possibilité de joindre les deux bouts. Leurs ambitions finissent souvent à l’atelier de soudure du coin, au volant d’un clando ou à vendre des friperies… Mais ceux-là, apparemment, ne méritent ni réduction, ni reconnaissance.

La mesure aurait peut-être été saluée si elle s’était inscrite dans une politique d’égalité des chances ou dans une volonté d’encourager les plus démunis à poursuivre leurs études. Mais non, ici, la priorité semble aller à ceux qui ont déjà accès aux écoles huppées, aux postes sécurisés, aux contrats juteux et, désormais, aux privilèges académiques.

Faut-il y voir un renvoi d’ascenseur du Professeur Idiata, bien en place au sein du cercle présidentiel, envers ceux qui l’ont aussi « sauvé » ou maintenu en position stratégique ? Une manière de rappeler sa loyauté tout en habillant cette largesse d’un vernis institutionnel ? À ce rythme, faudra-t-il bientôt instaurer une mention « fils de militaire » dans les formulaires d’inscription pour bénéficier de la scolarité allégée ?

Le plus cocasse dans l’histoire ? Le silence sur les autres catégories sociales : enseignants précaires, infirmiers surmenés, mères célibataires ou jeunes bacheliers sans soutien. Pas un mot sur eux, comme s’ils ne faisaient pas partie de ce pays « restauré ». Le Gabon des oubliés continue de se débrouiller, pendant que le Gabon des puissants… bénéficie de ristournes.

Une université qui se veut modèle et ambitieuse ne devrait-elle pas plutôt être le moteur d’un ascenseur social que le siège passager de la reconnaissance entre élites ?

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Cyr tiburce MOUNDOUNGA dit :

    Bjr. Morceau au choix : « Sous couvert ». On a même pas besoin d’avancée dans la lecture pour comprendre le fond du texte. Amen.

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