Forces, failles et alliances : radiographie du paysage politique pré-législatives

Plus qu’un simple rendez-vous électoral, les scrutins en perspective dessinent la carte des rapports de force de la nouvelle République naissante : poids de l’UDB, survie du PDG, fragilités de l’opposition, percée des indépendants. C’est un test grandeur nature où se jaugeront coalitions, rivalités et équilibres de pouvoir autour du président Oligui Nguema. Dans l’arène électorale qui se dessine le président cherche une majorité, ses alliés un espace, et ses adversaires une respiration.

Les législatives de 2025 s’annoncent comme une arène où se mesureront coalitions fragiles, ambitions rivales et survies politiques. © GabonReview/Shuttertstock
À l’approche des scrutins du 27 septembre et du 11 octobre 2025, le Gabon s’avance vers ses premières élections législatives et locales de la Ve République. Dans un paysage politique bouleversé par la transition et les réformes institutionnelles, les joutes à venir ne se réduisent pas à une compétition électorale ordinaire : elles constitueront un test majeur de consolidation démocratique, un révélateur des rapports de force réels et un laboratoire d’ingénierie politique pour le président Oligui Nguema.
Une cartographie dominée par l’UDB et ses alliés
L’Union Démocratique des Bâtisseurs (UDB), créée à peine trois mois après la présidentielle d’avril, s’avance en position de force. Avec 145 candidats aux législatives et 122 listes locales, le parti présidentiel a absorbé une large partie des forces politiques issues de l’ancien système, dont l’Union nationale initiale (UNI) de Paul-Marie Gondjout, et bénéficie de transfuges notables comme Chantal Myboto Gondjout et Emmanuel Berre. Sa devise – «Inclusivité, développement, félicité» – résume une stratégie d’intégration tous azimuts, où le discours de rupture s’accompagne de la récupération des réseaux hérités du PDG.
Face à lui, le Parti démocratique gabonais (PDG), dirigé par Blaise Louembé, aligne également 145 candidats. Loin d’être anéanti par la chute du régime Bongo, il a choisi un positionnement tactique en soutenant la candidature d’Oligui à la présidentielle, ce qui lui assure une place dans la future majorité. L’ancien parti hégémonique joue ici sa survie et tente de capitaliser sur son maillage territorial.
Autour de ce duel, deux alliés stratégiques complètent la majorité présidentielle : le RPM d’Alexandre Barro Chambrier, qui a refusé la fusion mais revendique une coopération pleine et entière, et l’Union nationale (UN) de Paulette Missambo, engagée dans une approche sélective mais pas toujours résolue à doter le chef de l’État d’une majorité confortable. Le «bloc présidentiel» se dessine donc comme une constellation, où l’UDB exerce une centralité, tandis que le PDG, le RPM et l’UN assurent la largeur et la profondeur du dispositif.
Une opposition affaiblie, fracturée et sous pression
Du côté de l’opposition, la situation est autrement plus fragile. L’Ensemble pour le Gabon (EPG) d’Alain-Claude Bilie-By-Nze, principal rival d’Oligui en avril dernier (3,02 %), a vu 14 de ses 24 candidatures invalidées, réduisant son poids à une dizaine de sièges potentiels. Le choix de Bilie-By-Nze de ne pas se présenter relève à la fois d’une posture de principe et, selon certains commentateurs, d’un aveu de faiblesse face à l’étau institutionnel. Sa critique reste virulente (dénonciation d’un «écran de fumée» économique, des marchés de gré à gré, de la réduction des bourses) mais son implantation parlementaire s’annonce marginale.
À cela s’ajoute une coalition de cinq partis dont l’Union du peuple gabonais loyaliste et le Forum africain pour la reconstruction, menaçant de boycotter les scrutins au motif d’un processus «précipité et non inclusif». Leur revendication d’une reprogrammation et d’une commission véritablement indépendante traduit le déficit de confiance persistante envers la CNOCER. Toutefois, l’histoire électorale gabonaise montre que ces menaces de boycott aboutissent rarement à un blocage effectif : elles affaiblissent plutôt davantage ceux qui s’y engagent.
Les indépendants et les inconnues du second tour
Un élément inédit réside dans la masse critique des candidatures indépendantes : 100 validées, dont 22 émanant directement de la Majorité bloquante, emmenée Geoffroy Foumboula Libeka Makosso. Ces figures locales, parfois notables hors partis, peuvent perturber les équilibres traditionnels. Leur poids ne se mesurera pas tant au premier tour qu’au second, où leurs désistements, alliances ou reports décideront de nombreux sièges. L’enjeu dépasse le simple nombre : il s’agit de savoir si ces indépendants joueront le rôle de poches de résistance citoyenne ou de supplétifs officieux du pouvoir.
Le mode de scrutin à deux tours amplifie ce jeu. Les bastions ruraux favorisent les partis dotés de réseaux solides (le PDG et l’UDB), tandis que les grands centres urbains offrent un terrain d’expression aux dissidences et aux candidatures iconoclastes. Mais à l’heure des arbitrages du second tour, les logiques de désistement risquent de renforcer la bipolarisation plutôt que de l’atténuer.
Vers quelle issue ?
Au vu des rapports de force actuels, trois scénarios se dessinent :
Une majorité nette de l’UDB et de ses alliés : probabilité la plus élevée, avec un bloc présidentiel dépassant largement les 73 sièges nécessaires. Cette configuration renforcerait le pouvoir d’Oligui et donnerait à la Ve République un parlement loyal, mais elle poserait la question de la diversité démocratique.
Une majorité relative UDB-PDG, corrigée par le ralliement post-électoral du RPM, de l’UN et de nombreux indépendants. Ici, l’Assemblée fonctionnerait comme une chambre de négociations permanentes, révélant la fluidité des loyautés.
Un éclatement plus imprévisible, si les indépendants conservent leur autonomie et si quelques opposants réussissent à s’imposer. Ce scénario, moins probable, introduirait une dynamique parlementaire inédite, avec des faiseurs de rois pesant sur les équilibres internes.
Verdict
Les législatives de 2025 seront moins un affrontement entre majorité et opposition qu’un référendum implicite sur la capacité d’Oligui à structurer une coalition stable. Tout indique qu’il obtiendra la majorité, mais le degré de discipline et de cohésion de cette majorité sera le véritable indicateur. Plus que les chiffres, l’issue se mesurera à la manière dont le président réussira à transformer cette constellation hétéroclite – UDB, PDG, RPM, UN, indépendants – en un bloc parlementaire gouvernable.
En ce sens, ces élections ne décideront pas seulement de la composition de l’Assemblée nationale : elles diront si la Ve République gabonaise s’ouvre sur une stabilité sous contrôle ou sur une pluralité sous tension.

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