Prévue du 16 au 22 juin 2025 à Libreville, la venue du militant panafricaniste Kemi Séba a été ajournée. En cause : une opposition manifeste des autorités gabonaises à sa conférence sur le France-CFA et le néocolonialisme. Dans une déclaration publique, l’activiste accuse le pouvoir de céder à la pression de l’élite néocoloniale, tout en réaffirmant son attachement au peuple gabonais.

Kemi Séba reporte sa visite au Gabon sous pression, mais promet de revenir « au moment opportun ». © D.R.

 

Le Gabon ne recevra finalement pas Kemi Séba en juin comme initialement prévu. Dans une déclaration vidéo publiée sur ses plateformes, le président de l’ONG Urgences Panafricanistes a confirmé le report de sa mission à Libreville, invoquant la nécessité de préserver l’intégrité de ses proches alliés locaux face à une « pression politique intense ».

Selon ses propos, une audience entre le vice-président de la République, Séraphin Moundounga, et deux figures proches de Kemi Séba, le philosophe Grégoire Biyogo et Privat Ngomo, ancien militant panafricaniste aujourd’hui conseiller présidentiel aurait débouché sur la menace explicite d’un refus d’entrée sur le territoire, voire d’une arrestation en cas d’arrivée.

Un message ajourné, pas annulé

La conférence que l’activiste comptait donner devait porter sur les thématiques qui lui sont chères : les accords coloniaux, le Franc CFA, et le système France-Afrique. Il affirme avoir été ciblé par une campagne d’intimidation orchestrée par des « relais locaux de l’influence française », accusés de vouloir museler les voix africaines indépendantes.

Toutefois, l’intéressé assure que son report n’est que temporaire. Muni d’un passeport diplomatique nigérien lui permettant d’entrer au Gabon sans visa, il promet de revenir « au moment opportun », et précise que ses futurs déplacements sur le continent ne seront plus annoncés à l’avance. « Vous laissez les pires néocoloniaux et certains mafieux étrangers s’implanter librement, mais vous bloquez les militants qui défendent la souveraineté et la justice sociale », déplore-t-il, en s’adressant directement aux autorités gabonaises.

Attachement au peuple, critique de l’élite

Si le ton est ferme, Kemi Séba se garde de toute hostilité envers le peuple gabonais, qu’il dit « aimer profondément ». Il prend également soin de distinguer la population des élites politiques, qu’il accuse d’hypocrisie et de soumission à des intérêts étrangers. À l’endroit du président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema, il précise ne rien avoir de personnel, tout en regrettant des décisions qui, selon lui, vont à l’encontre des idéaux panafricanistes.

Son respect envers le professeur Grégoire Biyogo, qu’il qualifie de mentor et de sage, l’aurait également convaincu de temporiser. Il dit refuser de mettre ce dernier en difficulté, compte tenu de ses liens actuels avec les sphères institutionnelles du Gabon.

Ce nouvel épisode révèle les tensions persistantes entre certains États africains et les mouvements panafricanistes radicaux, portés par une jeunesse mobilisée sur les enjeux de souveraineté monétaire, de justice sociale et d’autodétermination.

Alors que le pouvoir gabonais tente d’afficher une diplomatie équilibrée dans un contexte post-transition encore fragile, l’affaire Kemi Séba soulève une question : le discours souverainiste peut-il encore être entendu sans crispation sur le continent ?

 
GR
 

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